Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, légiférer sur les cancers pédiatriques nous rappelle que rien, dans la vie, ne prépare les familles à affronter l’annonce d’un cancer ou d’une maladie grave, d’autant plus lorsqu’elle touche un enfant.
Chaque année, en France, 2 500 enfants ou adolescents doivent repousser leurs limites face à la maladie.
Chaque année, près de 500 familles sont endeuillées par le décès d’un enfant ou d’un adolescent des suites d’un cancer.
Malgré les progrès de la recherche, le cancer reste la première cause de décès par maladie chez les enfants de plus d’un an.
Mon collègue Jean-François Rapin développera plus particulièrement le volet concernant l’accompagnement des familles.
Je centrerai mon propos sur la recherche en oncologie pédiatrique qui a été l’objet du colloque intitulé « Pour accélérer le développement de traitements spécifiques pour les enfants atteints de cancer », qui s’est tenu samedi dernier au Sénat sous le parrainage de notre collègue Catherine Deroche – j’en profite pour saluer son engagement plein et entier pour cette noble cause.
Ce colloque organisé depuis plusieurs années par l’association Imagine for Margo a mis notamment l’accent sur l’importance de l’accès précoce aux médicaments innovants et sur les enjeux et les perspectives de la recherche.
Les cancers de l’enfant ne sont pas similaires à ceux de l’adulte. Ils méritent donc un traitement spécifique. Ils sont plus rares et moins nombreux. Un tiers des cancers pédiatriques n’existent pas chez les adultes et, inversement, plus de 80 % des cancers de l’adulte ne se retrouvent pas en pédiatrie. Le développement d’une médecine de précision adaptée aux jeunes patients s’est petit à petit mis en place.
La réglementation européenne a évolué. Depuis 2007, elle oblige les laboratoires pharmaceutiques à développer une forme pédiatrique pour tous les nouveaux médicaments. Les effets de cette réglementation commencent à se faire sentir, mais les domaines dans lesquels le plus grand nombre de plans d’investigation pédiatrique achevés ont été enregistrés sont l’immunologie et la rhumatologie, pour 14 %, les maladies infectieuses, pour 14 %, les maladies cardiovasculaires, pour 10 %, et les vaccins, pour 10 % également. L’oncologie a les moins bons résultats en ce qui concerne le nombre de plans d’investigation pédiatrique approuvés, ne représentant que 7 % des plans d’investigation achevés.
En France, la création de centres labellisés INCa de phase précoce a été lancée en 2010. Des infrastructures sont financées afin d’accélérer les innovations pour les enfants en échec thérapeutique. Grâce à cette démarche, les efforts de structuration de la recherche clinique de phase précoce se poursuivent. Actuellement, sur les seize centres labellisés, six ont une activité de phase précoce en cancérologie pédiatrique.
À l’échelle internationale, la France participe à 13 % des essais pédiatriques et à 19 % des essais oncopédiatriques.
Afin de sensibiliser, mobiliser et développer les initiatives « pour guérir plus et guérir mieux les cancers de l’enfant », l’Institut Gustave-Roussy a lancé en France le mouvement Septembre en or. La recherche de notre pays en cancérologie pédiatrique est donc active et de très grande qualité. À cet instant, je tiens à rendre hommage au travail et à la détermination des équipes de chercheurs et de soignants qui persévèrent chaque jour pour développer de nouvelles armes thérapeutiques.
Pourtant, des freins au développement de la recherche existent encore.
Notre collègue Jocelyne Guidez, dont je tiens à saluer la qualité du travail, pointe l’un des freins au développement des essais cliniques. Les professionnels de santé, les chercheurs et les associations de patients et de parents déplorent les contraintes d’âge pour l’inclusion de mineurs dans des essais cliniques.
Le centre SIREDO de l’Institut Curie a également souligné que, si les projets multicentriques internationaux sont élaborés par des comités d’investigateurs experts et évalués par des experts extérieurs, persiste le problème de l’accès aux nouveaux médicaments hors essai, parfois non accessibles aux adolescents, y compris en autorisation temporaire d’utilisation, ATU.
L’article 2 de la proposition de loi est probablement une amélioration d’un point de vue juridique, mais il ne va pas assez loin dans l’inclusion de patients mineurs dans des essais cliniques. J’ose dire que cet article relève plus d’une « volonté d’affichage » que d’une volonté d’efficacité.
Par ailleurs, l’un des enjeux des plans Cancer successifs est d’élargir l’activité de recherche au plus grand nombre possible de centres. Les parents des jeunes patients ne sont pas tous mobiles, ils n’ont pas forcément la possibilité ou les ressources pour répondre à toutes les contraintes d’un essai lorsque celui-ci se déroule dans un centre situé loin de leur domicile. Si nous souhaitons que davantage de patients participent aux essais, il est indispensable d’apporter la recherche à proximité des patients.
J’en viens à la participation des parlementaires au conseil d’administration de l’INCa. Nous trouvons cette mesure inappropriée. Nous soutenons l’avis de la rapporteur quant à la création d’un mélange des genres plaçant les parlementaires en situation de « juge et partie » ; ces derniers sont en effet chargés de contrôler la gestion de l’INCa et de voter son budget à l’occasion du projet de loi de finances, et non pas de juger du bien-fondé de certaines recherches.
Enfin, les trois articles ayant pour objet des demandes de rapports ne nous satisfont pas ; c’est une tradition au Sénat. Ils sont superfétatoires : les données demandées existent déjà soit dans des rapports d’activité, soit dans des rapports d’évaluation.
Vous l’aurez compris, le groupe Les Républicains estime que ce texte aurait pu être amendé et certainement amélioré avec les précisions que notre collègue Jocelyne Guidez souhaitait apporter. Toutefois, comme nous avons compris que les modifications qui pourraient être introduites par le Sénat mettraient en péril le devenir de cette proposition de loi, dans l’intérêt des jeunes malades, nous la voterons conforme.