Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, elle se prénommait Éva. C’était une petite fille de sept ans et demi, pleine de vie, en parfaite santé, intelligente, pétillante et sportive. Rien ne laissait présager son destin tragique. Éva fait partie de ces 500 enfants et adolescents emportés chaque année par la terrible maladie du cancer.
Mais que représentent ces 500 décès d’enfants face aux 150 000 que l’on dénombre annuellement chez l’adulte ? Une sorte de maladie rare. Rare parce que la prévalence est d’un cas pour 400 enfants ; rare également parce que les cancers pédiatriques, une soixantaine environ, sont très différents de ceux de l’adulte, surviennent très tôt et se développent sur une période relativement courte.
Le résultat, nous le connaissons : des thérapies peu adaptées, dérivées de celles des adultes, je pense en particulier aux chimiothérapies, avec tous les risques que de tels soins comportent pour les enfants.
Les études le démontrent : les adultes précédemment traités pour un cancer pédiatrique ont une qualité de vie affectée par les effets secondaires des thérapies et ils risquent un décès prématuré.
Alors oui, il est urgent pour le législateur d’ouvrir de nouvelles perspectives pour le traitement des cancers de l’enfant et de faire souffler un vent d’espoir chez les malades et leurs familles durement éprouvées.
Voici encore l’histoire de Guillaume : pendant plusieurs semaines, malgré trois visites aux urgences pédiatriques en Essonne et à Paris, aucun diagnostic n’est posé face à ses douleurs au genou, sa petite fièvre et sa perte d’appétit. Une rhumato-pédiatre d’un grand hôpital parisien, après un appel du généraliste qui s’alarme, les reçoit dès le lendemain. Elle va trouver le diagnostic en vingt-quatre heures : cancer osseux parti du fémur.
La chimiothérapie adjuvante marchera bien au début. Mais le cancer de Guillaume va récidiver pendant la dernière des neuf chimiothérapies prévues. Et là, tous le savent – médecins, parents –, il n’y a pas de « solution ».
Aujourd’hui, Guillaume a laissé à la recherche, grâce au programme Mappyacts, le profil moléculaire de sa tumeur particulièrement agressive et ses cellules souches. Ses parents rêvent qu’il ait laissé les clés pour sauver des enfants.
Mais, pour cela, il faut soutenir la recherche fondamentale. La loi de finances pour 2019 a montré la voie en inscrivant un financement de 5 millions d’euros, pour coordonner l’engagement de plusieurs dizaines de chercheurs en pédo-oncologie.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est de nature à répondre aux enjeux de cette mobilisation, qui doit s’amplifier dans le sillage des plans Cancer successifs.
En faisant de l’Institut national du cancer le pivot d’une stratégie globale de lutte contre les cancers pédiatriques, coordonnée avec les organismes de recherche, les opérateurs publics et privés, les professionnels de santé et les patients, ce texte va dans le bon sens et permet d’envisager enfin les financements adéquats au développement de nouvelles thérapies spécifiques.
Je me réjouis aussi de la mesure de déplafonnement adoptée concernant la durée maximale d’allocation journalière de présence parentale. Elle permettra de répondre aux attentes des familles accompagnant un enfant dont la grave pathologie nécessite une présence soutenue et des soins souvent très contraignants.
Permettez-moi enfin de rappeler combien il est nécessaire que les anciens malades bénéficient d’un droit à l’oubli effectif. La maladie est une épreuve suffisamment lourde pour ne pas ajouter au combat des patients pour leur survie, une nouvelle épreuve consistant à quémander le droit d’emprunter, ou de s’assurer correctement, des années après leur guérison.
Je l’ai vécu à titre personnel à trente ans : après un cancer très lourd, il n’était pas normal que des banques ou assurances puissent répondre, au moment où l’on souhaite mordre la vie à pleine dent et réaliser un projet immobilier : « Chère madame, vous resterez une personne à risque toute votre vie ! » Certes, une loi a enfin été promulguée pour réparer cette injustice, mais il n’est pas rare encore – je le vois dans mon entourage – d’avoir des difficultés pour emprunter après cette maladie.
C’est pourquoi j’approuve sans réserve les dispositions de la proposition de loi qui engage les signataires de la convention nationale AERAS à ouvrir rapidement une négociation, pour que s’applique à l’ensemble des pathologies cancéreuses le délai de cinq ans au-delà duquel aucune information médicale, relative à ces maladies survenues avant l’âge de dix-huit ans, ne peut être recueillie par les organismes assureurs.
Certes, ce texte était perfectible et il aurait été judicieux de laisser au Sénat la possibilité de l’amender. Toutefois, dans l’intérêt des patients et pour engager sans tarder l’ensemble des acteurs à se mobiliser, nous le voterons dans sa version issue de l’Assemblée nationale.
Enfin, je soutiens, monsieur le secrétaire d’État, la demande de très nombreuses associations de voir les cancers pédiatriques devenir grande cause nationale en 2020.