Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la tentative d’effraction dans l’espace privé au moyen du démarchage téléphonique est un authentique fléau, dont, hélas, le remède thérapeutique nous échappe encore.
En outre, quand bien même nous le trouverions, il n’est pas certain que l’exaspération de nos citoyens en ressortirait diminuée, tant on observe, chiffres à l’appui – ils ont été cités précédemment –, la recrudescence de pratiques frauduleuses qui n’entrent pas dans le champ du démarchage téléphonique stricto sensu, fussent-elles perçues comme telles par les consommateurs qui en subissent le préjudice. Ces pratiques consistent, dans leur forme majoritaire, à inciter le consommateur à appeler un numéro surtaxé, sans qu’aucun produit ou service réel soit, en contrepartie, mis à sa disposition.
Aux notions de « porte-à-porte » et de « commis voyageur », qui nous rendraient presque nostalgiques, se substitue désormais l’abus des anglicismes opt out et opt in ; à défaut d’éliminer la chose, nous inventons le mot censé nous en préserver… Pourtant, rien n’y fait, ce fléau n’en finit pas ; les Français s’en agacent, et, sur ce terrain, le législateur paraissait bien désarmé.
Nos débats illustrent ces tribulations.
La prospection téléphonique intempestive a été rebattue sous toutes ses coutures : d’abord à l’Assemblée nationale, puis par notre honorable commission, sans toutefois que nous parvenions à soulager notre scepticisme quant à l’apport réel de l’ouvrage législatif. À notre décharge, l’opérationnalité du système de consentement préalable, dit opt out, ne relève pas uniquement du périmètre de la loi. Toutefois, sans revenir sur la philosophie générale de ce principe, on mesure combien il peut être hasardeux de légiférer sur un mécanisme protectionniste sous l’effet duquel toute une économie souterraine de prospection commerciale frauduleuse menace de prospérer.
Ainsi donc, et quoi qu’on en pense par ailleurs, cette entreprise de régulation n’est pas une mince affaire. Bien évidemment, il ne faut pas renoncer.
La ligne de crête est étroite entre le spectre de la délocalisation salariale – contrepartie logique du système de non-consentement préalable – et un nécessaire protectionnisme à l’attention des consommateurs désabusés. Notre commission avait à cœur d’établir un point d’équilibre acceptable entre, d’une part, cette protection accrue des consommateurs et, d’autre part, le maintien sur le territoire national d’une activité économique pourvoyant un nombre non négligeable d’emplois, dans le strict respect du principe de liberté du commerce et de l’industrie. Elle a mené un remaniement rédactionnel.
Nous regrettons, une fois n’est pas coutume, la suppression des dispositions prévoyant la remise au Parlement d’un rapport d’évaluation de la gestion de la liste d’opposition au démarchage téléphonique prévue à l’article 2. Nous nourrissons quelques soupçons quant au caractère opérationnel de dispositions législatives dépourvues, à ce stade, d’étude d’impact préalable. En lieu et place serait prévue une mise à disposition en open data, par la société Opposetel, des « données essentielles » de son activité, qui seront également transmises au Conseil national de la consommation. Ce dispositif nous semble insuffisant pour dresser un diagnostic précis du fonctionnement de la liste d’opposition et de sa gouvernance.
La commission a retenu une juste proportionnalité du régime des sanctions administratives en cas de manquements simultanés à plusieurs obligations ou de cumul avec une sanction pénale à l’article 3 bis. Cette logique généralisante fait pourtant peu de cas, semble-t-il, du principe de proportionnalité dont elle se réclame : nous priverions ainsi l’autorité administrative compétente de la possibilité de prononcer des amendes d’un montant adapté à la gravité des manquements constatés.
Par ailleurs, nous craignons le caractère rigide et désincitatif du dispositif de certification des signalements par un arrêté du ministre chargé de l’économie, à l’article 6.
Nous sommes pleinement favorables à la limitation de « l’exception client » prévue à l’article 5, par laquelle un professionnel peut contacter un consommateur, même s’il est inscrit sur la liste d’opposition au démarchage téléphonique. Sans doute soutiendrons-nous l’amendement n° 25 rectifié de M. Marseille et de Mme Vermeillet sur ce point.
Notre groupe aurait apprécié un vote conforme, la prochaine niche UDI n’intervenant qu’en décembre prochain. Cette prolongation de la navette sera toutefois utile pour prendre connaissance des consultations engagées auprès des associations de consommateurs.
Comme vous l’aurez compris, mes chers collègues, si nous aspirons à approuver avec enthousiasme cette proposition de loi, nous espérons que la sagesse de notre assemblée lui permettra d’atteindre un niveau de perfection encore accru par rapport à la rédaction issue des travaux de la commission.