Intervention de Brigitte Lherbier

Réunion du 21 février 2019 à 14h30
Démarchage téléphonique et lutte contre les appels frauduleux — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Brigitte LherbierBrigitte Lherbier :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la lutte contre le démarchage téléphonique intempestif et contre les appels frauduleux apparaît comme nécessaire pour un grand nombre de consommateurs. Qui n’a jamais songé à débrancher son téléphone fixe dans le seul but d’éviter le démarchage intempestif d’entreprises souhaitant vendre, qui de nouvelles fenêtres, qui des panneaux solaires, quand bien même ces achats seraient inutiles ? Qui ne s’est jamais senti excédé de recevoir de faux messages invitant à passer un coup de téléphone à un numéro finalement frauduleux ?

Sans doute connaissez-vous des proches qui n’ont plus de téléphone fixe pour éviter ces appels intempestifs et intrusifs, majoritairement passés à des heures où les familles sont réunies, le midi, ou après les heures de travail. Il a en effet été constaté que le démarchage téléphonique abusif et les appels frauduleux aux numéros surtaxés peuvent avoir un pouvoir de nuisance considérable sur l’ensemble de notre population et de notre économie.

On considère que près de 40 % des appels intempestifs faisant l’objet de signalements des consommateurs ne relèvent pas du démarchage légal, mais bien d’un appel frauduleux. Plusieurs pratiques de fraude sont mises en place pour flouer le consommateur.

La première consiste à appeler un numéro de téléphone en ne le laissant sonner qu’une fois. La personne appelée, qui n’a pas réussi à décrocher à temps, essaie généralement de rappeler le numéro en question. Le consommateur involontaire contacte en fait un numéro surtaxé qui n’apporte aucun service à valeur ajoutée.

Une autre technique de fraude consiste à appeler un consommateur en lui indiquant qu’il doit rappeler un numéro, lui aussi surtaxé, pour réceptionner un colis, demander un rendez-vous médical ou autre – l’imagination des arnaqueurs est sans limite… Lorsque le consommateur rappelle ce numéro, sans savoir s’il s’agit d’une arnaque ou pas, il est généralement gardé au bout du fil le plus longtemps possible par le téléopérateur, qui ne lui indique que très rarement que le numéro est surtaxé. Bien des victimes se rendent compte de l’arnaque lorsqu’elles reçoivent leur facture de téléphone et doivent s’acquitter, hors forfait, de sommes considérables.

Une variante de ce procédé consiste à organiser des appels par le biais de robots qui laissent des messages vocaux au consommateur pour l’inciter à rappeler son banquier ou son médecin, par exemple, par le biais d’un numéro également surtaxé.

Les mécanismes de micropaiement par téléphone sont aussi une source inépuisable d’abus de faiblesse. Ne requérant pas d’accord parental, ils exposent particulièrement les enfants et les adolescents.

Toutes ces pratiques frauduleuses reposent sur une usurpation de numéro de téléphone permettant aux fraudeurs de réduire leur traçabilité par les pouvoirs publics.

D’après une étude d’Europol, la fraude aux numéros surtaxés dans l’Union européenne est passée de 2 milliards d’euros environ, en 2013, à 11 milliards d’euros en 2017. Ces pratiques trompeuses, qui peuvent s’apparenter à du harcèlement téléphonique, voire à des abus de faiblesse, sont majoritairement mises en place contre nos populations les plus vulnérables.

Les enfants, les adolescents, mais aussi les chômeurs ou les retraités sont généralement moins armés pour lutter contre la pression à l’achat. Chaque année, 40 000 de nos aînés sont victimes d’abus de faiblesse. Certains, conscients qu’ils sont les cibles privilégiées d’entreprises ou d’acteurs peu scrupuleux, ne daignent même plus répondre sur leur téléphone fixe, ce qui peut parfois mettre leur santé en danger, leurs proches ou leurs soignants essayant de les joindre sans succès.

Chez nos concitoyens les plus vulnérables, davantage présents à leur domicile, ce démarchage intempestif se nourrit de leur vulnérabilité pour leur faire acheter des biens majoritairement inutiles : des panneaux solaires, alors qu’ils vivent en appartement, des assurances qui ne s’appliquent pas à leur situation, ou même des gadgets qui contribuent, dans les cas les plus sérieux, à aggraver un surendettement chronique. Pis, ces populations sont majoritairement victimes d’arnaques, faute de connaître les démarches à entreprendre pour annuler une transaction qu’elles auraient acceptée par mégarde ou par abus de faiblesse. Les CCAS sont régulièrement contactés à propos de tels achats inconsidérés.

Dans la plupart des cas, les petits montants subtilisés, qui se chiffrent généralement à quelques euros ou dizaines d’euros, découragent les victimes à porter plainte. Les faibles perspectives de remboursement contribuent à empirer ce sentiment d’impuissance des consommateurs floués.

Un constat est donc très largement partagé, tant par les consommateurs que les parlementaires : le droit en vigueur est inefficace pour lutter contre le démarchage téléphonique intempestif. Une nouvelle loi était donc nécessaire, nous en sommes tous d’accord. Reste désormais à s’entendre sur la marche à suivre pour protéger nos concitoyens, notamment les plus vulnérables, de ces fléaux du quotidien sans pour autant mettre en danger les 56 000 emplois directs de cette filière.

Les articles proposés nous semblent aller dans le bon sens. Il est essentiel de trouver un équilibre entre une protection renforcée des consommateurs et le maintien, sur le territoire national, d’une activité économique d’importance. Je voterai donc en faveur de cette proposition de loi en gardant toujours à l’esprit qu’il nous faudra rester particulièrement vigilants, les fraudeurs redoublant systématiquement d’imagination pour contourner la réglementation et nuire à nos concitoyens.

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