Intervention de Nicole Duranton

Réunion du 21 février 2019 à 14h30
Démarchage téléphonique et lutte contre les appels frauduleux — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié, amendement 14

Photo de Nicole DurantonNicole Duranton :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, harcèlement, exaspération, nuisance : vous êtes tranquillement chez vous, en famille, à l’heure du dîner ou du déjeuner, quand soudain le téléphone sonne… Au bout du fil, un étudiant ou un téléopérateur vous appelle le plus souvent depuis une plateforme localisée au Maghreb pour vous vendre des fenêtres, un forfait ou une assurance dont vous n’avez pas besoin.

Soyons honnêtes, cette situation ne convient à personne. Il est urgent de protéger nos concitoyens en améliorant le cadre législatif.

Le démarchage téléphonique est une plaie – c’est bien ainsi que le ressentent les Français. L’enquête réalisée par l’UFC-Que Choisir en 2017 montrait que toutes les personnes y ayant répondu jugeaient le démarchage téléphonique « agaçant » et 92 % d’entre elles « trop fréquent ». Selon le sentiment général, il ne cesse d’augmenter.

Au-delà de la gêne que constitue cette pratique, il n’est pas rare, comme le montrent les rapports de mes collègues André Reichardt et Christophe Naegelen, député, de constater une véritable pression à l’achat, voire un abus de faiblesse, notamment sur des publics vulnérables comme les jeunes adolescents ou les personnes âgées. Nombreux sont ceux qui sont victimes d’arnaques, organisées par des sociétés ne proposant aucun service à valeur ajoutée, appelant en ping call via des numéros surtaxés, demandant l’envoi de SMS pour récupérer des codes qui ne donnent accès à rien et, parfois, utilisant même de véritables acteurs afin de garder leurs victimes en ligne le plus longtemps possible. Dans l’Union européenne, le préjudice de cette fraude représentait 11 milliards d’euros en 2017. C’est absolument considérable !

L’article 6, tel qu’il était prévu dans le texte original déposé à l’Assemblée nationale le 3 octobre 2018 par le député Naegelen et plusieurs de ses collègues, prévoyait, dans son avant-dernier alinéa, que les sommes liées à ces surtaxes frauduleuses seraient utilisées dans un premier temps pour le financement d’un outil permettant aux opérateurs de réaliser un suivi et de rembourser le consommateur. Une fois cet outil développé, les sommes en question leur auraient été effectivement rendues.

Je regrette beaucoup que cette disposition permettant le remboursement des consommateurs escroqués ait été supprimée par l’amendement déposé par le Gouvernement et adopté par l’Assemblée nationale. J’entends bien l’argument selon lequel l’intervention n’aurait pas été légale, dans la mesure où le blocage des reversements ne peut être imposé en l’absence de décision judiciaire. Néanmoins, il aurait été souhaitable de trouver une solution permettant le remboursement des consommateurs, notamment via l’amendement n° 14 de la commission des lois du Sénat visant à réécrire entièrement l’article. Qu’est-ce que cela signifie sinon ? Que la société auteur de la fraude, quand bien même elle serait condamnée au versement d’une amende ou à la fermeture administrative, percevrait malgré tout les bénéfices de l’arnaque ! Comprenez le sentiment d’injustice terrible des consommateurs escroqués, surtout eu égard aux immenses bénéfices de ces pratiques frauduleuses !

Je regrette également que l’article 5 ait été supprimé en commission. Il prévoyait que les professionnels ne pouvaient démarcher des clients que pour des biens et services ayant un rapport direct avec l’objet du contrat en cours, et non plus pour ceux liés à des relations contractuelles préexistantes. Il a été invoqué le fait que cette décision mettrait en difficulté un certain nombre d’entreprises, dont le démarchage est essentiel au développement, voire à la survie. C’est la raison pour laquelle a été écartée l’idée d’instaurer un consentement préalable au démarchage, en considérant ces appels interdits, sauf à donner l’autorisation d’être démarché. Ces appels demeurent donc autorisés, et on doit manifester son opposition en faisant inscrire son numéro sur une liste rouge via Bloctel, comme c’est le cas aujourd’hui. Toutefois, le dispositif actuel présente des lacunes.

La disposition restreignant les appels des démarcheurs à ceux ayant un rapport direct avec l’objet du contrat en cours ne me paraissait pas exagérée. Il faut certes protéger les emplois liés à cette activité, qui sont au nombre de 50 000 en France, mais il serait bon aussi de se donner les moyens de répondre aux attentes de nos compatriotes, en bannissant des pratiques qui s’apparentent au harcèlement. Toutefois, cette proposition de loi contenant des dispositions utiles pour protéger rapidement nos concitoyens, je la soutiens.

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