Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la question du désenclavement, soulevée par cette proposition de loi, est au cœur de mes préoccupations depuis plus d’un an et demi.
Effectivement – les Assises nationales de la mobilité ont permis d’en faire le constat –, trop de territoires et de citoyens se sentent laissés à l’écart, oubliés des politiques publiques.
Ce constat tient notamment au fait que la politique des transports a contribué, au cours des dernières années, aux fractures sociales et territoriales. C’est le constat de l’existence d’une France à deux vitesses : pendant que l’on construit des lignes à grande vitesse pour les métropoles, les trajets s’allongent sur les lignes classiques, insuffisamment entretenues, le réseau routier se dégrade et les projets de désenclavement se font attendre. En outre, une large partie de notre territoire est abandonnée au « tout-voiture ».
Je considère donc moi aussi qu’il est nécessaire de répondre au sentiment d’abandon d’une partie de nos territoires et de nos concitoyens. Je porte en outre la volonté de proposer des solutions de mobilité à tous. C’est bien le cœur du projet de loi d’orientation des mobilités que nous discuterons très prochainement.
En complément de l’approche de la proposition de loi, centrée sur les infrastructures, il me semble nécessaire de prendre en compte les services offerts. De même, au-delà des objectifs de développement des infrastructures, il ne faut pas perdre de vue l’enjeu lié à l’état des réseaux. Cet enjeu est essentiel, car il est bien qu’il y ait une gare, mais si le temps de parcours s’allonge, si le train est en retard parce que la ligne est insuffisamment entretenue, le sentiment d’abandon se renforce.
C’est la raison pour laquelle la priorité des priorités, dans la programmation des infrastructures que nous discuterons très bientôt, c’est l’entretien et la régénération. Les crédits dédiés augmenteront de 31 % sur la décennie 2018-2027 et de 25 % pour ce seul quinquennat.
L’accessibilité des territoires est la condition nécessaire au maintien des emplois. La connexion aux centres économiques est elle aussi un enjeu important à cet égard, j’en ai bien conscience.
C’est la raison pour laquelle j’ai annoncé un plan de désenclavement routier. Dans de nombreux territoires, l’accessibilité d’une ville, son attractivité pour les entreprises, les services de santé, les commerces va dépendre de la qualité et de la performance d’une route. Partout à travers le pays, de nombreux territoires attendent une amélioration de la qualité des routes, nécessaire à leur désenclavement, et constatent la lenteur des travaux.
Même si ces routes supportent des trafics modérés, le Gouvernement considère qu’elles sont essentielles pour l’aménagement du territoire. Il est devenu nécessaire et urgent d’agir. L’État prévoit donc de promouvoir des opérations sur une vingtaine d’itinéraires de désenclavement routier au sein des contrats de plan État-région, pour un montant de 1 milliard d’euros sur dix ans.
Ces opérations permettront d’améliorer les déplacements du quotidien, et donc la qualité de vie des habitants des territoires concernés. Ce sont des aménagements concrets tels que des déviations courtes, des contournements d’agglomération, des créneaux de dépassement, des rectifications de virages ou des aménagements de carrefours. Il s’agit non pas de couvrir notre territoire de routes à 2x2 voies, mais de réaliser des aménagements adaptés aux besoins, permettant de fiabiliser les temps de parcours, d’améliorer la sécurité routière et le cadre de vie des habitants.
Cette démarche s’inscrit dans une politique globale de cohésion des territoires reposant sur l’ensemble des modes de transport : modernisation du réseau ferroviaire, sur les lignes structurantes comme de desserte fine, liaisons aériennes d’aménagement du territoire…
Vous le voyez, je considère tout comme vous que le désenclavement de territoires oubliés pendant trop longtemps est un enjeu majeur.
Je partage la philosophie de l’article 2 de cette proposition de loi, car on a trop longtemps promis des voies à caractéristiques autoroutières avant de se rendre compte que la réalisation de ces projets pose des problèmes, notamment environnementaux, qui augmentent considérablement les coûts.
Nos concitoyens attendent des réponses concrètes. Il est temps de faire des promesses réalistes, que l’on soit en mesure de tenir. Cela passe notamment par le fait d’arrêter de promettre des routes à 2x2 voies et des autoroutes partout !
Cet article n’est pas normatif, mais je tiens à saluer la position des sénateurs, qui préfèrent un aménagement adapté et crédible au « tout-2x2 voies ».
Concernant l’article 3, la loi confère déjà implicitement aux départements et aux communes, ainsi qu’à toute personne publique intéressée, le droit de participer au financement des liaisons aériennes d’aménagement du territoire et des exploitants d’aéroports, sous réserve du respect de certaines règles. Une note méthodologique est d’ailleurs en cours de préparation entre le ministère de la cohésion des territoires et le ministère des transports afin de clarifier le droit existant sur ces questions de compétences et de financement.
L’article 4 traite plus particulièrement des liaisons d’aménagement du territoire. Ce sujet aurait pu l’être traité à l’article 1er, tant je suis convaincue que ces liaisons sont essentielles pour nos territoires. C’est bien d’ailleurs pour cette raison que j’ai souhaité les relancer en triplant le budget qui leur est consacré.
Je suis bien consciente que, aujourd’hui, la qualité de service n’est pas satisfaisante. Je suis tout aussi agacée que vous par le niveau de qualité de service sur ces liaisons ces dernières années. Cette situation est d’autant plus contrariante que de l’argent public est mobilisé. De fait, depuis 2017, HOP !, pour l’appeler par son nom, est confrontée à des difficultés d’exploitation récurrentes sur l’ensemble de son réseau. Il est bien sûr primordial de redresser la qualité de service ; je suis fortement mobilisée sur ce sujet.
J’avais demandé en juin 2018 un plan d’action à HOP !, qui a permis des améliorations notables. Le nombre d’annulations sur le périmètre des liaisons radiales exploitées par HOP ! sous délégation de service public est ainsi passé de quarante-huit en septembre 2017 à quinze en septembre 2018. Je suis toutefois consciente que la situation n’est pas homogène sur les différentes liaisons.
Vous le savez, HOP ! vient d’être réintégrée sous le nom Air France-KLM, ce qui réaffirme son appartenance au groupe. Je sais que le nouveau directeur général d’Air France-KLM est pleinement conscient de la nécessité d’améliorer la qualité de service sur les liaisons d’aménagement du territoire.
Par ailleurs, je vous rappelle que les modalités de suivi de l’exploitation subventionnée s’inscrivent dans le cadre contractuel conclu avec la collectivité ou la personne publique intéressée. Elles reposent sur une vérification du respect des obligations de service public et des équilibres économiques de la ligne. Des pénalités financières ou des amendes administratives peuvent être appliquées pour tout manquement aux obligations de service public.
Au demeurant, ces liaisons sont remises en concurrence régulièrement. On peut espérer qu’un nouvel opérateur ou que le même opérateur, sous sa nouvelle direction, pourra améliorer la situation.
Enfin, cette proposition de loi aborde le sujet de l’abaissement de la limitation de vitesse à 80 kilomètres par heure. Je suis bien consciente que cette mesure a pu être mal vécue, d’autant qu’elle a pu être considérée comme peu équitable entre les territoires.