Intervention de Angèle Préville

Réunion du 20 février 2019 à 14h30
Désenclavement des territoires — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Angèle PrévilleAngèle Préville :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi aborde un objectif auquel nous ne pouvons qu’adhérer : le nécessaire désenclavement des territoires, pour trouver une réponse aux fractures territoriales, sociales et démographiques qui traversent notre pays. Il faut en effet résolument s’attaquer aux causes de l’enclavement et lutter contre un sentiment qui se généralise aujourd’hui, celui de l’exclusion d’une grande partie de nos concitoyens. Cohésion des territoires et lutte contre la marginalisation vont de pair.

À ce titre, nous soulignons la qualité du travail du rapporteur et de la commission, qui a permis d’améliorer le texte sur plusieurs points, notamment sur l’objectif de désenclavement à l’horizon 2025, dont devront tenir compte les schémas nationaux des infrastructures de transports et les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires. Nous soutiendrons donc ce texte.

Ainsi, 26 % du territoire national accueillent 5, 6 % de la population. Ces territoires se distinguent par une faible densité, bien sûr, souvent de faibles ressources économiques, un départ des forces vives et des jeunes et le vieillissement de la population. Si cette situation est devenue critique dans les territoires les plus enclavés, elle est le fruit de notre histoire, de la métropolisation et d’une décentralisation qui n’a pas complètement joué son rôle. Les dynamiques urbaines de la France ont concentré mécaniquement l’activité économique porteuse d’emplois, les métiers qualifiés ou d’avenir et la création de richesses.

Il en découle un sentiment diffus de malaise dans les campagnes, renforcé par l’isolement géographique. Cette « France périphérique » ne compte plus les maternités et les classes qui ferment, ni les lignes de trains supprimées. Elle subit aussi la désertification médicale. Dans l’ensemble de ces territoires, le nombre de communes équipées en services publics a fortement diminué depuis les années quatre-vingt. La part des gares ferroviaires y a, par exemple, baissé de 41, 8 %. Pour elles, l’enjeu du désenclavement est essentiel.

Seulement 14 % des 15-29 ans vivent dans l’espace rural. Il faut donc faire émerger les projets ruraux, car ces territoires sont un vivier futur : ils regorgent d’espaces économiques actifs, mais aussi d’une qualité de vie indéniable. La ruralité doit prendre sa part entière aux défis d’aujourd’hui : la transition énergétique, le numérique, la mobilité.

La proposition de loi n’évoque pas le devenir des petites lignes, pourtant indispensables dans le report modal, le mix des transports. Seraient-elles d’ores et déjà condamnées ? Madame la ministre, vous avez récemment affirmé que l’entretien des réseaux avait été négligé et qu’il fallait réinjecter des finances pour « s’occuper de la mobilité et des déplacements du quotidien. » Ce que nous regrettons, une fois de plus, ce sont les chiffres.

Depuis 2011, quelque 744 kilomètres de petites lignes ont été fermés et la loi pour un nouveau pacte ferroviaire ne laisse rien présager de bon. Plusieurs syndicats ont déjà dénoncé « le sabotage des projets de maintien des petites lignes de la part de SNCF Réseau ». Dans ma région, l’Occitanie, ce sont 40 % des petites lignes qui fermeraient à l’échéance 2021.

Vous annoncez vouloir favoriser le développement des véhicules électriques pour sortir de la dépendance au pétrole, mais la mobilité de demain exige également la restauration et le maintien de ces petites lignes. Restructurer les réseaux en tenant compte de l’objectif de désenclavement est incontournable.

Il faut renforcer les pôles d’échanges autour des lignes existantes. On supprime les très petites lignes, mais parfois aucune autre infrastructure n’existe. C’est le volontarisme politique qui valorisera nos territoires ruraux et donnera du sens à la mobilité sociale et professionnelle.

L’enclavement géographique ne peut plus avoir pour corolaire le déficit des services publics, la marginalisation numérique et la persistance d’infrastructures de transports insuffisantes. Quels que soient les efforts de ces territoires pour s’en sortir, les initiatives seront en partie entravées.

Ces territoires sont logiquement aujourd’hui le royaume de la voiture individuelle, dont il est nécessaire de sortir, nous sommes d’accord. Ainsi, quelque 80 % des personnes travaillant dans une commune où elles ne résident pas utilisent leur véhicule. L’Insee révèle que 58 % des actifs qui travaillent à moins d’un kilomètre de leur lieu de travail s’y rendent en voiture.

Les véhicules électriques pour sortir de cette dépendance au pétrole doivent s’accompagner d’une réelle politique en faveur du ferroviaire. Nous espérons que vous en tiendrez compte dans la loi à venir sur les mobilités.

Qui dit mobilité dit, enfin, vitesse abaissée à 80 kilomètres par heure. Appliquée depuis le 1er juillet 2018 sur les routes secondaires et très critiquée par bon nombre d’élus locaux et de « gilets jaunes » – c’est l’actualité –, cette mesure illustre une prise de décision unilatérale, qui n’a pas su tenir compte, notamment, des préconisations sénatoriales.

Le groupe de travail du Sénat avait pourtant relevé les insuffisances de l’expérimentation conduite. Il avait souligné la nécessité de revoir la méthode envisagée par le Gouvernement, au bénéfice d’une réduction de la vitesse sur les routes les plus accidentogènes, en incluant un travail avec les départements.

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