Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce débat, demandé par le groupe du RDSE, que nous remercions, s’inscrit complètement dans l’actualité, tant il y a une urgence à trouver des alternatives aux énergies carbonées.
Certes, il ne s’agit pas de penser naïvement que l’hydrogène sera le carburant de l’économie de demain, l’élément miracle qui nous détachera de notre monde fossile et fissile ! Toutefois, ses potentialités sont indéniables.
De quoi parlons-nous ? L’hydrogène est un gaz connu, déjà utilisé par l’industrie pour fabriquer des engrais, raffiner des carburants et destiné à de multiples usages plus ponctuels, comme le lancement des fusées.
En termes énergétiques, l’hydrogène constitue un vecteur stable, qui peut être stocké, à la différence de l’électricité, même s’il faut manipuler de gros volumes – quatre fois ceux du gaz naturel. Ainsi, et c’est tout l’enjeu, associé aux piles à combustible, l’hydrogène pourrait être utilisé beaucoup plus largement à l’avenir comme vecteur d’énergie pour les transports et la production d’électricité.
L’électricité ainsi produite peut donc faire tourner un moteur, par exemple celui d’une voiture électrique, avec un bon rendement, sans bruit, avec émission de chaleur, mais sans dégager de gaz polluant.
C’est pourquoi beaucoup voient aujourd’hui en cette évolution une révolution aussi importante que celle qui fut provoquée par l’utilisation du charbon au début de notre ère industrielle. Comme le soulignait Nicolas Hulot dans sa présentation du plan hydrogène : « C’est aujourd’hui la seule technologie qui permette de stocker massivement et sur de longues périodes l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables intermittentes. C’est donc un élément clé de la stabilité du mix électrique de demain. » Certes ! Mais cette utilisation énergétique de l’hydrogène ouvre de nouvelles questions et pose quelques problèmes.
Tout d’abord, la production occasionne des émissions de CO2 ou, dans le cas de l’électrolyse, nécessite de grandes quantités d’électricité.
Ensuite, s’agissant de son transport et de son stockage, il faut faire appel à des dispositifs spécifiques, à haute pression ou à très basse température, qui sont chers, lourds et encombrants.
Enfin, en ce qui concerne son utilisation, on a besoin de piles à combustible qui coûtent très cher, s’usent rapidement et requièrent une grande quantité de métaux précieux.
Cela étant, toutes les pistes alternatives aux énergies fossiles doivent être sérieusement explorées. Comment faire pour que cela fonctionne ? Alors que le Gouvernement a fait le choix d’un État régulateur plutôt que d’un État interventionniste, ce débat sur l’hydrogène comme énergie d’avenir nous rappelle que sans intervention publique forte, il n’y aura pas de transition énergétique à la hauteur des enjeux climatiques d’aujourd’hui.
Comme le rappelle l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’Ademe : « Le déploiement d’une filière hydrogène nécessite des investissements relativement lourds, tant pour la production, la distribution que le stockage de l’hydrogène. Ceux-ci supposent un engagement d’acteurs industriels et une maîtrise du risque économique par le soutien des pouvoirs publics ».
En effet, tout comme le déploiement des réseaux d’électricité, de gaz ou de téléphonie, les nouveaux systèmes énergétiques basés sur l’hydrogène auront un coût de démarrage élevé, et ils présentent une incertitude quant à l’évolution de la demande. Il est donc peu probable que les entreprises privées investissent seules dans l’infrastructure nécessaire pour élargir l’utilisation de l’hydrogène à l’échelle nationale.
De plus, les consommateurs ne pourront acheter une voiture à hydrogène que s’il y a une infrastructure suffisamment dense de stations de distribution du carburant. En effet, l’ouverture de stations d’hydrogène en dehors des grandes villes sera un facteur déterminant pour la diffusion des carburants alternatifs, mais les acteurs privés se concentreront naturellement sur les zones rentables.
C’est pourquoi nous pensons que seul l’État peut jouer un rôle décisif pour la mise en place des infrastructures, ce qui permettrait de sortir du « cercle vicieux » qui empêche le démarrage de la filière.
Dans le cas d’une innovation radicale comme l’hydrogène, l’intervention publique est indispensable, d’une part, pour soutenir la technologie pendant la phase qui précède l’entrée dans le marché sur les questions de recherche, de développement et de démonstration, de manière à la rendre compétitive face aux technologies conventionnelles, et, d’autre part, pour aider l’innovation à entrer sur le marché, notamment en soutenant les investissements dans l’infrastructure.
Or cette intervention est actuellement limitée par la situation budgétaire des gouvernements et la conception de l’État, plus perçu en régulateur de l’activité économique qu’en investisseur.
Comme le souligne l’Ademe : « Le recours au vecteur hydrogène apportera des solutions, de la flexibilité, des services pour la mise en œuvre de la transition énergétique, mais il ne peut conduire à limiter les efforts à engager, notamment en termes de maîtrise des besoins et d’efficacité énergétique. »
Une forte diminution de la consommation de combustibles fossiles est vitale, et elle passera, certes, par le développement des autres ressources. Il ne faut cependant pas se voiler la face, la dépendance à l’égard du pétrole ne peut être durablement réduite qu’en limitant la place de la voiture individuelle au profit des transports en commun. Il faut maintenant parler de leur gratuité.
Il faut aussi penser à l’urbanisme différemment, par exemple, en rapprochant le lieu de travail du domicile et supprimer ainsi les trajets quotidiens énergivores. Il faut enfin que l’État réinvestisse dans le fret ferroviaire, qui, malgré tous les grands discours, ne cesse de reculer. Bref, il faut un diagnostic, mais aussi une vision d’avenir et une intervention globale de l’État ; aujourd’hui, malheureusement, nous en sommes bien loin !