Intervention de Alain CAZABONNE

Réunion du 20 février 2019 à 14h30
L'hydrogène une énergie d'avenir — Débat organisé à la demande du groupe du rassemblement démocratique et social européen

Photo de Alain CAZABONNEAlain CAZABONNE :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens, tout d’abord, à remercier le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, à l’origine de ce débat sur l’hydrogène, qui s’inscrit parfaitement dans l’actualité. Une actualité ponctuée depuis quatorze semaines par ce qu’il est convenu d’appeler la crise des « gilets jaunes », laquelle montrait à l’origine la double urgence sociale et climatique par rapport aux problèmes de la population française.

Une actualité marquée par la proclamation du président Macron, après la sortie des États-Unis de l’accord de Paris, et son souhait affiché de faire de notre pays le leader mondial pour le climat. Une actualité affectée, j’y reviendrai, par diverses crises industrielles.

Enfin, notre échange d’aujourd’hui nous permettra assurément de nourrir notre réflexion avant que nous n’examinions le projet de loi sur les mobilités. Tout cela impose aux parlementaires que nous sommes de chercher le nécessaire équilibre entre la réduction des émissions des gaz à effet serre et la vitalité économique, sans a priori, en explorant toutes les pistes envisageables.

Utiliser de l’hydrogène pour se déplacer ou pour se chauffer semble, a priori, être une très bonne idée. Évidemment, celle-ci suppose que l’hydrogène utilisé soit issu d’une chaîne de production non carbonée. Il pourrait alors occuper une place de choix dans la transition énergétique.

Rappelons que l’hydrogène est l’élément le plus simple et le plus léger que l’on trouve dans notre univers. Il ne se compose que d’un seul proton et d’un seul électron. L’hydrogène est aussi l’élément le plus abondant : 75 % en masse et plus de 90 % en nombre d’atomes.

Cependant, la molécule d’hydrogène, H2, n’est plus jamais seule. Elle est toujours combinée à un autre élément comme l’eau, H20, ou le méthane, CH4.

L’hydrogène, qui est aujourd’hui principalement utilisé par l’industrie, est malheureusement produit à 95 % à partir de combustibles fossiles.

Dans le contexte de la transition énergétique, l’enjeu majeur est donc de décarboner la production de l’hydrogène. Je vous rappelle que le Gouvernement a doté la France de l’objectif ambitieux d’atteindre, en 2050, la neutralité carbone, entendue comme l’atteinte de l’équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre et les absorptions anthropiques – forêt, prairies, sols agricoles, zones humides… – à l’échelle territoriale.

Pour cela, il est nécessaire que le système énergétique évolue, afin que les énergies consommées sur le territoire français n’émettent plus de gaz à effet de serre. Dans son action, le Gouvernement s’appuie sur la stratégie nationale bas carbone, la SNBC, qui décrit la feuille de route de la France pour conduire la politique d’atténuation du changement climatique. Il s’appuie également sur la programmation pluriannuelle de l’énergie, la PPE, qui fixe les priorités d’actions des pouvoirs publics dans le domaine l’énergie.

Cette programmation inscrit la France dans une trajectoire qui, je vous le rappelle, mes chers collègues, doit nous permettre d’atteindre la neutralité carbone en 2050.

Dans les différentes programmations publiées par le ministère de la transition écologique, l’hydrogène décarboné fait partie des gaz renouvelables qui doivent, en 2050, fournir 180 térawatts au pays. Une grande ambition, donc, pour une énergie qui apparaît comme inépuisable.

Il faut néanmoins que nous soyons vigilants. En effet, l’hydrogène ne peut être produit qu’à partir de deux procédés. Le premier est effectué à partir d’énergies non renouvelables, c’est-à-dire d’hydrocarbures et de charbon. Aujourd’hui, 95 % du dihydrogène produit découle de cette méthode. Nous devons changer cela.

Le second procédé consiste à obtenir de l’hydrogène par électrolyse de l’eau, ce que nous avons presque tous fait au collège. Cette réaction chimique permet, à partir d’électricité et d’eau, d’obtenir de l’hydrogène et de l’oxygène.

Encore une fois, il convient de ne pas être hypocrite. Il est en effet nécessaire que l’hydrogène soit produit à partir d’une électricité qui soit elle-même décarbonée ou produite à partir d’énergies renouvelables – outre l’éolien et les photovoltaïques, déjà cités, n’oublions pas les barrages. J’ai eu l’occasion de rencontrer les responsables de la Lyonnaise des Eaux, qui m’ont dit recycler l’eau des barrages, pour en tirer une énergie plus importante.

Ainsi, il apparaît clairement que l’hydrogène se présente comme une énergie d’avenir si nous parvenons à en assurer la production et le stockage, évidemment à partir d’énergies renouvelables.

Alors que la première voiture grand public à hydrogène a été mise en service dès 2014, alors que l’Allemagne développe cette énergie renouvelable depuis le début des années 2010 et a investi pour cela près de 1, 4 milliard d’euros, alors que la Chine a démarré un investissement de 8 milliards de dollars dès 2015, la France connaît, reconnaissons-le, un large retard en la matière.

Nous envoyons déjà des fusées dans l’espace grâce à l’hydrogène. Je rappellerai d’ailleurs que les satellites qui ont amené en 1969 les hommes sur la lune fonctionnaient avec des piles à combustible. Aussi, pourquoi nos trains, nos voitures et nos bateaux ne fonctionnent-ils pas avec ? Simplement parce que nous devons améliorer nos méthodes de stockage !

Je me suis permis d’ajouter les bateaux en m’appuyant sur mon expérience personnelle. Voilà cinq ans, lors d’un stage de ski nautique que je faisais en Floride, j’ai eu l’occasion d’essayer le navire d’un riche industriel déjà équipé avec des piles à combustible. C’était il y a cinq ans !

Rappelons, une fois encore, que l’hydrogène n’est pas une source d’énergie à proprement parler. Il est un moyen de stocker une réserve d’énergie qui peut être libérée à la demande, et ce avec des pertes particulièrement faibles.

Le principe est simple : l’énergie est utilisée pour produire du dihydrogène, H2, le plus souvent sous pression. Puis, ce dihydrogène peut, soit alimenter une pile à combustible, libérant de l’électricité, soit être brûlé directement, produisant une énergie calorifique. Les applications s’orientent sur deux axes.

Le premier est de stocker de l’hydrogène pour le convertir en électricité. De nombreuses expérimentations sont en cours, comme en Guyane, où se construit la plus grande unité de stockage du monde fonctionnant sur ce principe.

Le second, sans doute celui qui promet les plus grands bouleversements, est celui de la mobilité, permettant de brûler directement de l’hydrogène. Aujourd’hui, des mobylettes sont équipées de piles à combustible. Je ne comprends pas que l’on ne puisse pas développer plus rapidement ce système pour d’autres types de véhicules.

Associé à un moteur électrique, il peut offrir des rendements plus élevés qu’une batterie Lithium-Ion, produisant nettement moins de pollution. Cela explique la frénésie de recherche dans cette technologie, notamment pour l’automobile et le transport ferroviaire.

À ce sujet, un député du Médoc, M. Benoît Simian, avait préconisé, à l’occasion d’un rapport qu’il a remis à Mme Élisabeth Borne, la mise en place de trains roulant à l’hydrogène vers 2022. Pour atteindre cet objectif, M. Simian s’appuie sur l’exemple allemand : outre-Rhin, ce sont deux trains Alstom qui circulent grâce à des piles combustibles, grâce à l’hydrogène, depuis septembre 2018.

Vous le savez, depuis la loi NOTRe, les régions françaises se sont pleinement saisies de cette question. Par exemple, la région Nouvelle Aquitaine s’associe, pour 3 millions d’euros, avec les régions Grand Est et Occitanie au projet de développement d’un TER hybride avec stockage d’énergie embarqué, porté par la SNCF.

M. Benoît Simian souhaite même que la première ligne TER de cette nature soit celle qui relie Bordeaux à Soulac-sur-Mer. Je m’associe naturellement à cet objectif ambitieux.

En outre, cette technologie permettrait la réindustrialisation de certains secteurs ; vous savez, comme moi, les difficultés que connaît l’usine Ford de Blanquefort. Celle-ci pourrait se reconvertir, non seulement vers la production d’hydrogène, mais aussi – pourquoi pas ? – vers la fabrication des moteurs à hydrogène.

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