Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’heure où le Sénat engage ses travaux relatifs au projet de loi d’orientation des mobilités, ce débat, sur le thème « L’hydrogène, une énergie d’avenir », est le bienvenu.
La question de l’hydrogène se pose à présent de manière préoccupante – je pense en particulier au remplacement de l’hydrogène gris utilisé par nos industries, peu coûteux, mais très polluant, par de l’hydrogène vert décarboné. En outre, l’hydrogène a pleinement son rôle à jouer dans la mobilité, dans la transition énergétique et écologique des transports.
Le plan Hydrogène, présenté par Nicolas Hulot l’an dernier, contient un volet « décarbonisation de l’hydrogène industriel », un volet « mobilité » et un volet « stockage ». Il vise donc bien à structurer la filière et à participer au mix énergétique.
Une enveloppe de 100 millions d’euros a été annoncée et confirmée dans la programmation pluriannuelle de l’énergie, la PPE. Mais cet ensemble de mesures n’est pas à la hauteur des enjeux industriels et écologiques français et internationaux. En effet, sur le plan industriel, la production d’hydrogène vert en remplacement de l’hydrogène carboné très polluant est à présent possible et parfaitement définie d’un point de vue technologique, grâce notamment à la biomasse, mais surtout à l’électrolyse de l’eau. Ce process peut tout aussi bien s’appliquer aux camions, aux bus, aux trains, aux voitures, etc.
Le gros avantage de l’hydrogène est son pouvoir de stocker les énergies renouvelables éolienne, photovoltaïque et hydroélectrique, lesquelles sont produites en discontinu, mais rarement aux moments de grosse consommation. L’enjeu est donc majeur au regard de la transition énergétique. Jusqu’alors, les seules solutions de stockage étaient les barrages hydrauliques et les stations de transfert d’énergie par pompage, les STEP. La filière « power to gas » permettra un stockage massif, une activation flexible et une restitution polyvalente. Les énergéticiens tels qu’EDF, Engie ou Total s’y intéressent d’ailleurs aussi.
Lors de sa visite en Savoie en janvier dernier, Mme Brune Poirson a pu constater les avancées technologiques de l’entreprise Atawey. D’autres start-up sont aussi dans les starting-blocks, si je puis m’exprimer ainsi. §Des industriels sont prêts : je pense par exemple à l’entreprise H2V, qui a pour ambition de produire dans ses usines, à coût moindre que l’hydrogène gris, jusqu’à 200 000 tonnes d’hydrogène vert, de développer une véritable filière industrielle et de créer 12 000 emplois en France d’ici à 2025.
L’hydrogène entre dans une phase d’hypercroissance. Les entreprises, vous le voyez, attendent à présent des mesures pour les aider à industrialiser et à passer à l’échelle supérieure. Ce faisant, elles seront à même d’agir en faveur de notre balance commerciale, la fabrication locale d’hydrogène permettant de réduire l’importation de barils de pétrole.
Quels sont les besoins de ces entreprises ?
À la suite du plan Hulot, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’Ademe, a lancé de nouveaux appels à projets de territoire pour favoriser un déploiement plus vaste. De nombreux dossiers ont été déposés, mais les moyens mis à disposition ne sont pas à la hauteur de ce qu’il faut pour développer une filière. Ils semblent même bien en deçà des montants annoncés mi-2018.
Les surcoûts inhérents à toute nouvelle technologie restent élevés. Aussi, le plan doit absolument créer les conditions d’investissements industriels susceptibles de permettre la baisse des coûts, par complémentarité entre l’action publique et les porteurs de projets privés.
Il est également primordial d’étendre le travail de la Commission de régulation de l’énergie, la CRE, pour ce qui concerne l’hydrogène, dans le cadre de la PPE. Il semblerait que personne n’ait pris en main cette organisation de base pour que soient développés des prix encadrés et réglementés, indispensables pour les industriels.
De surcroît, il est nécessaire de diminuer le montant des taxes de transport de l’hydrogène vert. Au titre du CO2, des critères doivent être définis pour valoriser notre production française décarbonée face à d’autres entreprises étrangères. En ce sens, il pourrait être judicieux de mettre en œuvre un dispositif de garantie d’origine permettant de caractériser l’hydrogène renouvelable et son intérêt décarboné.
Au surplus, il est nécessaire d’accompagner la transformation des métiers par la formation continue, afin d’orienter les emplois existants des filières industrielles et techniques vers la filière hydrogène. Une entreprise française a déjà développé des programmes de formation spécifiques, en collaboration avec les régions et les universités, pour préparer la nouvelle « génération hydrogène » et relever les défis actuels.
Un dernier besoin consiste en l’accompagnement des élus pour la mise en place de cette nouvelle technologie et pour sa diffusion. Il faut donner l’envie aux territoires : voilà pourquoi il est indispensable de garantir un maillage suffisant des bornes et, par conséquent, leur développement. Ces dernières permettent une recharge des véhicules aussi rapide que de faire un plein en carburants classiques, à des coûts qui pourront être inférieurs. Leur déploiement permettra de résoudre la double équation du pouvoir d’achat et de la protection de notre environnement.
Pour conclure en quelques mots, si l’hydrogène est bel et bien une énergie d’avenir, s’il a toute sa place dans le mix énergétique en permettant le stockage de l’électricité renouvelable et une mobilité décarbonée, il est indispensable d’accélérer les démarches législatives et réglementaires pour permettre à nos industriels français de monter en puissance en la matière. Cette filière d’excellence, prête à se développer, ne doit pas nous échapper au profit de nos concurrents européens et internationaux. Aussi, nous regrettons vivement que le projet de loi d’orientation des mobilités ne soit pas plus audacieux au sujet de l’hydrogène, et qu’il se limite au déploiement des bornes.