Intervention de Martial Bourquin

Réunion du 20 février 2019 à 14h30
L'hydrogène une énergie d'avenir — Débat organisé à la demande du groupe du rassemblement démocratique et social européen

Photo de Martial BourquinMartial Bourquin :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à mon tour, je tiens à remercier les membres du RDSE de cette proposition de débat, qui porte sur une question tout à fait essentielle.

L’hydrogène est un enjeu décisif, non seulement pour l’industrie française et européenne, mais pour l’avenir de l’humanité, et même pour la survie de notre planète. Depuis quelque temps, nous effleurons ce débat fondamental, qui n’est peut-être pas mené avec l’ampleur et la profondeur nécessaires, tant il a d’importance.

La question est simple, et elle n’est pas sans conséquence : faut-il aller vers une économie décarbonée, vers une économie de l’hydrogène ? Face à l’urgence climatique, faut-il apporter des corrections à la marge ou nous donner une chance pour demain, en préparant cette mutation indispensable qu’est la décarbonation de notre économie ?

Les pays qui se préparent doivent dès maintenant promouvoir une authentique filière hydrogène, grâce à un plan d’investissements massifs à court, moyen et long termes. Il s’agit bien de fabriquer de l’hydrogène décarboné à partir d’énergies douces.

Rappelons tout de même que la mutation énergétique de l’hydrogène apporte ce qui manque cruellement aux énergies renouvelables : des capacités de stockage. La filière hydrogène peut permettre un développement inédit de ces énergies propres. Mais, à cette fin, il faut dès maintenant investir, et ce n’est pas un hasard si, dans son programme relatif à l’hydrogène, l’ancien ministre Nicolas Hulot avait réservé 100 millions d’euros par an pour engager des investissements massifs.

Madame la secrétaire d’État, je regrette que, après le départ de M. Hulot, votre ministère ait réduit drastiquement ces crédits, en les ramenant à 100 millions d’euros pour trois ans : vous faites ce choix au moment où la Californie prévoit 100 stations hydrogène pour 2020 ; au moment où le Japon crée un consortium de ses fabricants automobiles pour un passage rapide à l’hydrogène, dès les années qui viennent, même si l’hydrogène nippon est fabriqué en grande partie à partir d’énergies fossiles !

Nous prenons du retard, et c’est le précédent ministre qui avait raison : cette lenteur risque de se payer, non seulement écologiquement, mais aussi industriellement.

Lors de l’examen du projet de loi relatif au plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, le projet de loi Pacte, je me suis exprimé au sujet des choix technologiques. Ces derniers doivent rester fondamentalement ouverts. Nous avons vécu le tout-diesel. Allons-nous connaître le tout-électrique, avec ses conséquences désastreuses pour l’environnement, qu’il s’agisse du coût des batteries, du recyclage ou de l’emploi des métaux précieux, et avec ses conséquences pour l’emploi ?

Selon l’institut FTI Consulting, un passage trop brusque vers l’énergie électrique réduirait le contenu des voitures à produire de 38 % pour les sous-traitants et de 17 % pour les constructeurs ! Certes, nous nous battons pour une usine européenne de batteries ; mais avouez que nous sommes loin du compte pour ce qui concerne l’emploi.

Garder des choix technologiques ouverts, c’est préserver les possibles, c’est refuser de se refermer sur une seule stratégie, c’est écarter des choix totalisants. Le moteur atmosphérique peut encore être dépollué très sensiblement et consommer beaucoup moins. L’électrique prendra une part, mais elle sera limitée. Prenons garde : la Chine va présenter un véhicule électrique à 8 500 euros, grâce à de nombreuses subventions d’État. Enfin, il y a l’hydrogène !

Or nous sommes en train de prendre du retard pour ce qui concerne la mise en place de la filière hydrogène, pour les transports, le chauffage, l’industrie, ou encore les entreprises électro-intensives. Tout doit donc être mis en œuvre pour combler ce retard.

Bien sûr, des choix de fiscalité doivent être opérés. On pourrait, par exemple, rétablir une plus forte fiscalité pour les plus fortunés, ou encore – le Gouvernement sera sans doute plus sensible à cette suggestion – baisser de 10 % à 20 % la fiscalité applicable à l’énergie hydrogène fabriquée à partir d’électricité renouvelable.

Vous le constatez, des idées, il y en a ! Elles proviennent directement d’industriels qui se préparent à la mutation énergétique vers l’hydrogène.

Les précédents orateurs l’ont rappelé : l’hydrogène est cher. Mais c’est l’avenir ! Madame la secrétaire d’État, ne retardez pas la décarbonation de notre industrie. Cette filière est un élément fondamental, avec l’industrie du futur, pour réindustrialiser la France, pour réindustrialiser l’Europe.

Nous pourrions consacrer à l’hydrogène un débat purement technique ; toutefois, il s’agit avant tout d’un sujet politique. Au lieu de courir après les mutations énergétiques, il faut les organiser, prendre de l’avance et avoir de l’ambition pour la France !

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