Intervention de Mounir Mahjoubi

Réunion du 20 février 2019 à 14h30
Fracture numérique et inégalités d'accès aux services publics — Débat interactif

Mounir Mahjoubi :

Monsieur le sénateur, je partage votre colère. Il est inadmissible d’imposer un outil à quelqu’un qui ne sait pas l’utiliser.

À chaque fois qu’on répond au téléphone à quelqu’un : « Mais vous n’avez qu’à aller sur le site internet, ma bonne dame, mon bon monsieur », on insulte et on méprise cette personne.

En outre, on entretient le sentiment d’humiliation que beaucoup de Français qui ne maîtrisent pas particulièrement la langue écrite ressentent depuis des décennies face à un formulaire trop compliqué pour eux. On a transmis avec le numérique toutes les incompréhensions de ceux qui ne maîtrisaient pas la langue. De surcroît, on ajoute à ces derniers, quel que soit leur âge, ceux qui ne maîtrisent pas le numérique. C’est la double punition !

Qu’avons-nous fait évoluer ? Je vais reprendre l’exemple de la carte grise. Quand nous sommes arrivés au Gouvernement, plusieurs milliers de dossiers étaient en attente dans une grande pile et on ne savait plus trop comment traiter le problème. Quand vous vous présentiez à la préfecture, on vous disait : « On est désolé, il n’y a plus de guichet qui s’occupe de ce sujet et on ne sait pas où en est votre dossier. »

En un an, nous avons mis en place une équipe spécialisée qui a traité cette pile de dossiers en attente. Surtout, nous avons créé des équipes régionales d’expertise qui s’occupent de toutes les demandes qui sont faites dans la région. Enfin, dans chaque préfecture de France, nous avons instauré un lieu d’accueil avec un véritable être humain à qui on peut parler et demander d’appeler la plateforme d’expertise régionale. Or celle-ci, désormais, ne vous répond pas d’aller sur le site internet, mais elle explique : « Oui, votre dossier fait partie de ceux qui étaient bloqués pour telle ou telle raison. »

Nous allons généraliser cet exemple. Il ne peut pas y avoir numérisation sans inclusion. Si on numérise à tout prix, en condamnant, on est sûr de créer des résistances. Ceux qui croient au progrès et au numérique doivent donc être ceux qui, avec vous, affirment qu’on devrait toujours avoir la capacité de parler à un humain.

Par ailleurs, le numérique peut lui aussi apporter des solutions. En effet, pour que l’être humain présent dans la préfecture puisse répondre à la personne en détresse numérique qui vient le voir, il faut qu’on mette en place des systèmes d’information qui lui donnent la capacité de le faire.

C’est tout le travail que nous menons à l’heure actuelle, dans tous les services publics, de façon transverse, pour que toutes les personnes qui accueillent à la préfecture, dans les MSAP d’aujourd’hui ou de demain, dans les lieux de médiation numérique, dans les lieux d’accompagnement, puissent vraiment vous renseigner et vous accompagner.

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