Quand on parle de fracture numérique, on a tous en tête les difficultés induites par l’inégale couverture du territoire et les zones blanches. Je voudrais plutôt revenir sur un autre aspect de cette fracture : les difficultés liées à l’usage, que certains dénomment l’illettrisme numérique, ou l’illectronisme.
Aujourd’hui, 20 % de nos concitoyens ne savent pas utiliser internet, soit 13 millions de personnes, dont plus de la moitié ne se connecte jamais. Le coût de l’équipement est aussi un frein : selon une étude d’Emmaüs, 35 % des personnes vivant sous le seuil de pauvreté n’utilisent jamais internet.
Alors que le mot d’ordre est la dématérialisation des services publics, cela pose une sérieuse question d’accès aux droits dans un nombre croissant de secteurs – la sécurité sociale, la recherche d’emploi, les déclarations PAC, pour les agriculteurs, l’orientation universitaire avec Parcoursup –, voire un problème d’accès à la démocratie, puisque même l’organisation du grand débat se fait essentiellement via internet.
La réforme de la justice, notamment, est une source d’inquiétude de ce point de vue, puisqu’elle comporte un large volet consacré à la dématérialisation de l’accès à la justice. En remettant en cause l’accès direct au juge, on fait reposer la garantie du respect des droits fondamentaux des citoyens sur le postulat d’un accès universel à l’outil informatique.
À l’heure où l’État tend à s’appuyer de plus en plus sur le numérique pour améliorer l’accès au droit, il doit absolument garantir à chaque individu, dans le même temps, la possibilité de disposer d’un accès à internet et de la capacité à l’utiliser.
Aujourd’hui, force est de constater que les réponses ne sont pas à la hauteur des besoins. Ainsi, le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté prévoyait, certes, des bornes d’accès au droit dans des lieux d’accueil de personnes en grande difficulté, mais pas l’accompagnement nécessaire pour que l’accès à ces bornes soit effectif.
De même, le Gouvernement présentera prochainement une liste d’une dizaine de lieux de médiation numérique pour conseiller et former les populations les plus éloignées d’internet, soit même pas un par grande région !
Pour que les progrès techniques soient véritablement synonymes de progrès social et non source d’une exclusion supplémentaire, le volontarisme des pouvoirs publics doit être identique à celui qui avait été déployé pour combattre l’illettrisme.
Monsieur le secrétaire d’État, quelles sont les intentions du Gouvernement pour répondre à ces enjeux ? Mettrez-vous en place un véritable plan national d’alphabétisation digitale, comme le demandent les associations de lutte contre l’exclusion depuis plusieurs années ?