Intervention de Jean-Marc Aubert

Commission des affaires sociales — Réunion du 20 février 2019 à 9h35
Réforme du financement du système de santé — Audition de M. Jean-Marc Aubert directeur de la recherche des études de l'évaluation et des statistiques drees

Jean-Marc Aubert, des études, de l'évaluation et des statistiques :

Il faut que le modèle reste simple. De quoi s'agit-il ? Ce n'est évidemment pas le modèle de la T2A, qui est l'un des plus compliqués du monde ! Si l'on crée de la rémunération à la qualité, il faut savoir limiter le nombre d'indicateurs et il ne sera pas possible de retenir tous les indicateurs de qualité et toutes les dimensions de la qualité. Si l'on choisit un système combiné, cela concernera une part très limitée de la rémunération : il ne prendra pas toutes les dimensions de la qualité pas plus qu'il ne prendra toutes les dimensions de l'activité.

On accepte de ne pas avoir un modèle compliqué où le professionnel sera payé à la minute, sous prétexte que cela correspond à une activité. Par nature, l'indicateur de qualité ne pourra pas couvrir toutes les dimensions de la qualité.

Par ailleurs, la rémunération ne peut pas non plus être l'indicateur. Il faut des modèles de coconstruction. L'Australie a revu son système de financement. Pour revoir les indicateurs et les nomenclatures, elle a organisé des groupes rassemblant exclusivement des professionnels de santé et des patients, sans l'administration. Les professionnels du domaine en cause étaient à chaque fois minoritaires, pour être questionnés par les autres participants. On peut imaginer le même procédé en France. Cela se fait un peu dans le cadre de l'article 51.

Dans le cadre du parcours de soins, nous parlons non pas de forfait pluriprofessionnel, mais bien de forfait monoprofessionnel. Dans certains systèmes, le modèle pluriprofessionnel existe : les organisations sont alors plus regroupées qu'en France et il y a moins de professionnels qui travaillent seuls. C'est le cas aux États-Unis où l'on compte 7 000 établissements de santé, contre 3 000 en France, pour une population cinq à six fois plus importante et une superficie beaucoup plus vaste. Les cabinets médicaux regroupent 150 médecins et plus de 400 professionnels travaillent ensemble. Dans ce type d'organisation, le forfait est possible.

En France, mettre en place un forfait pathologies chroniques suppose un accord entre un grand nombre d'interlocuteurs, ce qui est beaucoup trop compliqué.

C'est pourquoi nous proposons que soient mis en place des forfaits monoprofessionnels et que, dans le cadre des expérimentations des modalités de financement mises en place par l'article 51, les professionnels qui s'accordent à travailler ensemble sur un forfait unique soient autorisés à le faire.

Nous préconisons pour l'instant la mise en place de forfaits monoprofessionnels, pour les médecins, pour les infirmières,...

Le système actuel est basé sur le nombre de fois où le professionnel voit le patient et non sur le résultat final.

Pour notre part, nous proposons un mix. La dotation globale historique est le pire des systèmes.

Pour le secteur de la psychiatrie, nous proposons qu'une partie du financement se fasse par des dotations sur des critères objectifs (population, indicateurs de précarité, de prévalence de troubles psychiques). Ce changement demandera du temps : si on le fait trop vite, certains secteurs seront perdants. Le faire dans la continuité permettra aux organisations de s'habituer.

On n'a pas encore parlé du niveau des dépenses. Il s'agit d'un sujet très compliqué, mais je me réjouis que beaucoup d'entre vous aient une idée très claire sur la question. Pour ma part, je ne sais pas. Je remarque que seul le système américain dépense plus que le système français, en part de richesse nationale.

On peut dire que l'on ne dépense pas assez. Reste que l'on dépense beaucoup. Cela ne veut pas dire qu'il faut dépenser moins : la France dépense 10 à 15 milliards d'euros de plus que la Suède. Nous devons nous demander si nous dépensons cet argent, qui est de l'argent public, de la meilleure manière ! C'est bien la question que nous posent nos concitoyens aujourd'hui.

L'organisation du système joue beaucoup. Sommes-nous sûrs que la nôtre est la meilleure du monde ? Je n'en sais rien, mais, là aussi, cette question mérite d'être posée. On dépense 260 milliards d'euros - 200 milliards d'euros de dépenses publiques, 60 milliards d'euros de dépenses privées - dans le système de santé. Quelqu'un peut-il dire qu'il s'agit d'une bonne dépense ? Dans certains secteurs, on ne dépense pas assez ; dans d'autres, on dépense beaucoup. Ainsi, certaines prises en charge durent très longtemps par rapport à ce qui se passe d'autres pays. Dans le même temps, le secteur de la psychiatrie manque d'argent. Ce que l'on m'a demandé de faire, c'est de réfléchir à une meilleure répartition des moyens, car 50 milliards de plus ici, c'est 50 de moins ailleurs.

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