Le dernier axe de notre rapport concerne les insuffisances - sans doute est-ce un euphémisme - dans le contrôle des collaborateurs de l'exécutif, notamment de l'Élysée.
Souligné dès le début de nos travaux, le manque de précaution et de diligence de la présidence de la République dans la prévention des conflits d'intérêts de certains de ses collaborateurs pendant ou après l'exercice de leurs fonctions s'est confirmé au fil des révélations dans l'affaire dite des « contrats russes ».
Sur ce sujet, notre commission n'a pas eu le temps de demander des informations complémentaires, les pouvoirs d'investigation nous ayant été consentis pour une durée limitée de six mois. Néanmoins, nous vous proposons de tirer des informations réunies plusieurs conclusions.
D'abord, les informations révélées par la presse fin janvier, en particulier par Mediapart, et les déclarations publiques de M. Bernard, président de la société Velours, laissent à penser que MM. Benalla et Crase se sont rendus coupables de faux témoignage devant notre commission le 21 janvier dernier sur trois points principaux : l'implication de M. Benalla dans la négociation et la conclusion d'un contrat liant la société Mars et un représentant de l'oligarque russe Iskander Makhmudov ; l'engagement de ces négociations dès le mois de mars 2018, alors que MM. Benalla et Crase travaillaient encore à l'Élysée ; l'implication de M. Crase dans la reprise du contrat à compter d'octobre 2018 par la société France Close Protection.
Par ailleurs, les révélations sur l'affaire des « contrats russes » tendent à établir l'existence de conflits d'intérêts majeurs. Si elle était confirmée, l'implication directe de MM. Benalla et Crase dans la négociation et la conclusion d'activités privées, qui plus est pour le compte d'intérêts étrangers puissants, constituerait non seulement une faute déontologique majeure de la part des intéressés, mais également un risque considérable pour la présidence de la République. Il ne fait nul doute que les relations indirectes entretenues avec un oligarque proche de M. Poutine par MM. Benalla et Crase seraient, compte tenu des fonctions de ceux-ci et en raison de la dépendance financière qu'elles impliquent, de nature à affecter la sécurité du chef de l'État.
Les ramifications de cette affaire jusqu'à Matignon et au sein de l'armée française à travers M. Chokri Wakrim - présenté comme le compagnon de la responsable du groupe de sécurité du Premier ministre, Mme Marie-Élodie Poitout, qui vient de démissionner, et affecté au commandement des opérations spéciales au sein de la DGSI -, ne manquent pas d'inquiéter quant aux risques de vulnérabilité que ces activités commerciales ont fait courir aux plus hautes institutions de l'État.
Alors que l'affaire des « contrats russes » met en lumière d'importants dysfonctionnements au plus haut niveau de l'État, il est certain que la présidence de la République a péché par manque de précaution, en ne prenant pas toutes les mesures qui paraissaient nécessaires pour s'assurer que les intérêts privés de certains de ses collaborateurs n'interféreraient pas avec l'exercice de leurs fonctions et ne compromettraient pas leur indépendance ni celle de l'institution.
Dès le début de ses travaux, notre commission a souligné que M. Benalla et sept autres chargés de mission employés au cabinet de la présidence de la République échappaient à toute transparence, alors qu'ils exerçaient des missions importantes et une influence certaine sur la réflexion et les décisions du chef de l'État. Ces personnes n'ont rempli aucune déclaration d'intérêts ni aucune déclaration patrimoniale, au mépris de l'article 11 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. Cette négligence a privé l'Élysée de la possibilité de bénéficier des prérogatives de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique pour enquêter sur d'éventuels conflits d'intérêts et sanctionner des déclarations mensongères ou incomplètes.