La proposition de loi visant à lutter contre toutes les violences éducatives ordinaires, déposée par notre collègue Laurence Rossignol, s'inscrit dans le prolongement des deux lois de référence en matière de protection de l'enfance, celle de 2007 et celle de 2016.
Nous le savons tous, la violence sur les enfants ne constitue pas une méthode d'éducation. Pourtant, ce que l'on appelle les violences éducatives ordinaires, terme qui désigne à la fois les coups, les gifles, les humiliations ou les insultes, sont encore communément admises aujourd'hui, voire encouragées.
Malgré de récentes études scientifiques qui démontrent qu'elle a des effets néfastes sur le développement des enfants, 85 % des parents auraient recours à la violence dans le cadre de leur éducation. Plus de 50 % d'entre eux commenceraient même à frapper leurs enfants avant l'âge de deux ans.
Depuis une vingtaine d'années, la recherche a permis de comprendre que cette violence était souvent intériorisée, admise comme un mode de relation et de résolution des conflits. Cela peut mener à une banalisation du recours à la violence.
La violence peut également conduire à des comportements antisociaux, des addictions ou des troubles anxio-dépressifs. Depuis quelques années, la recherche en neurobiologie montre que l'exposition des enfants au stress a des effets nuisibles sur leur développement et leurs capacités d'apprentissage, en plus des désordres psychologiques que je viens d'évoquer.
Un grand nombre de pays a déjà légiféré sur le sujet. Le plus ancien est la Suède : dans ce pays, on a observé une forte diminution du nombre de demandes de placements en foyer. En Allemagne, on a également constaté une baisse de la violence des jeunes à l'école.
Contrairement à ce que l'on affirme parfois, les violences éducatives ordinaires ne sont pas interdites par notre droit. Plusieurs articles du code pénal prévoient certes des sanctions lourdes - trois ans d'emprisonnement - pour des violences commises sur un mineur de quinze ans, mais la Cour de cassation a admis ce qu'elle a appelé un « droit de correction » lorsque les violences ont été proportionnées aux manquements commis, si elles n'ont pas eu de caractère humiliant et qu'elles n'ont pas causé de dommages à l'enfant. La jurisprudence crée ainsi un concept de violence « utile » et acceptable.
La France est aujourd'hui en contravention avec la Convention internationale des droits de l'enfant, qu'elle a pourtant ratifiée, et qui stipule que les États doivent prendre toutes les mesures législatives « pour protéger l'enfant contre toute forme de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales » lorsqu'il est sous la garde de ses parents.
Notre pays a d'ailleurs déjà été condamné par le Comité européen des droits sociaux pour absence d'interdiction explicite et effective de tous les châtiments corporels envers les enfants. L'adoption de cette proposition de loi permettrait de nous inscrire dans ce mouvement européen, et ce d'autant plus que 54 pays ont déjà intégré cette interdiction dans leur législation, dont 23 pays de l'Union européenne sur 28. Cinq pays seulement, dont le nôtre, n'ont pas franchi le pas.
L'article unique de la proposition de loi complète l'article 371-1 du code civil pour préciser les modalités d'exercice de l'autorité parentale, en excluant « tout traitement cruel, dégradant ou humiliant, y compris tout recours aux punitions et châtiments corporels ».
Cependant, en novembre dernier, nos collègues députés ont adopté un texte similaire à celui de Mme Rossignol après de longs débats nourris, qui ont abouti à un quasi-consensus. C'est pourquoi je vous propose aujourd'hui d'adopter l'amendement COM-2, que je vous présente, ayant pour objet de reprendre le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, selon lequel « l'autorité parentale s'exerce sans violences physiques ou psychologiques ». Cette rédaction est plus sobre que la nôtre, mais s'accorde avec le texte présenté par Laurence Rossignol.
Le code civil est le pilier de notre contrat social. On y trouve l'énoncé de plusieurs principes comme celui du respect dû à son père et à sa mère, par exemple. Compléter l'article sur l'autorité parentale de cette façon incitera la jurisprudence à évoluer.