Là encore, je répondrai de manière très claire : on est parvenu à un équilibre en France avec la question prioritaire de constitutionnalité, notamment parce que la procédure permet de filtrer les problèmes juridiques soulevés au niveau des juridictions de première instance, d'appel puis de cassation.
Je rappellerai deux dates. En 1971, saisi par Alain Poher, le Conseil constitutionnel a en quelque sorte découvert l'étendue de son champ de compétence en dégageant un « bloc de constitutionnalité » comprenant la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le préambule de la Constitution de 1946, puis la Charte de l'environnement. À compter de cette date, le Conseil constitutionnel s'érige peu à peu en juridiction.
Depuis 2008, n'importe quel citoyen peut soulever une question prioritaire de constitutionnalité, à condition qu'elle soit sérieuse. Quand la réforme a été votée, je ne vous cache pas que je me suis demandé pourquoi on ne laissait pas au Conseil constitutionnel le soin de filtrer lui-même les recours sur lesquels il aurait à se prononcer. Finalement, la pratique montre que la procédure fonctionne bien et que les tribunaux ne saisissent le Conseil constitutionnel que de questions sérieuses. Le Conseil constitutionnel ne doit évidemment pas devenir le réceptacle de toutes les questions de droit, surtout quand certaines d'entre elles reposent sur des fondements juridiques un peu légers.
En revanche, je ne souhaite pas que le Conseil constitutionnel devienne une cour suprême, c'est-à-dire un mélange de la Cour de cassation, du Conseil d'État et du Conseil constitutionnel. Le système français fonctionne bien et est désormais parfaitement équilibré.
Reste une question de nomenclature. Lors des débats sur la révision constitutionnelle de 2008 au Sénat, Robert Badinter a ainsi défendu un amendement tendant à ce que le Conseil constitutionnel soit qualifié de « Cour constitutionnelle ». En définitive, cet amendement n'a pas été adopté.
Qu'importe après tout qu'on l'appelle « Conseil constitutionnel » ou « Cour suprême », dès lors qu'il a les compétences que nous lui reconnaissons et qu'il les exerce. Seul bémol, je considère que la dénomination de « Conseil constitutionnel » a un petit parfum français, alors que celle de « Cour suprême » a une odeur américaine : en conséquence, je préfère l'appellation de « Conseil constitutionnel » !