Intervention de Laure Tourjansky

Mission d'information sur la gestion des risques climatiques — Réunion du 20 février 2019 à 16h30
Audition de Mme Laure Tourjansky cheffe du service des risques naturels et hydrauliques de la direction générale de la prévention des risques du ministère de la transition écologique et solidaire

Laure Tourjansky, cheffe du service des risques naturels et hydrauliques de la direction générale de la prévention des risques :

La direction générale de la prévention des risques est chargée des risques technologiques, des risques pour la santé et l'environnement, des risques naturels avec, pour chacun de ces risques, une posture différente. S'il existe une même grille d'analyse prenant en compte les aléas et les enjeux pour apprécier le risque, s'agissant des risques naturels, la question primordiale est de définir les zones de travail prioritaires car l'ensemble du territoire est exposé à des risques différents.

Notre service est constitué d'environ 80 personnes. Sa spécificité est d'avoir des activités opérationnelles, notamment pour la sécurité des ouvrages hydrauliques et la prévision des crues à travers le site « Vigicrues ». Ce site est le fruit d'un travail partenarial entre certaines de nos équipes situées à Toulouse et l'ensemble des services de prévision des crues et unités d'hydrométrie implantés dans les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal).

La politique de prévention au sein de l'État est structurée autour d'un échelon central et de trois niveaux : les Dreal de bassins pour les inondations ; les Dreal au niveau régional et les directions départementales des territoires (DDT) auprès des préfets de département. La direction travaille également avec de nombreux opérateurs de l'État bénéficiant de compétences indispensables, comme Météo-France.

Le champ d'action est très large car les risques naturels couvrent de très nombreux sujets. Nous sommes très mobilisés sur les inondations, tant leurs formes et leurs localisations diffèrent. Ce n'est pas pareil de réduire les dommages et les atteintes à la vie humaine en cas de crue de la Seine ou dans les cas de crues cévenoles connues en octobre dernier.

Il y a également des aléas plus régionaux qui demandent des réponses adaptées en fonction des territoires concernés. Je pense aux incendies dans le Midi, qui peuvent remonter progressivement vers le Nord ou aux mouvements de terrains qui sont d'ailleurs historiquement à l'origine des outils de la politique de prévention des risques naturels. Il y a également les risques de montagne, liés aux avalanches et au permafrost. Dans chaque situation se pose la question de l'évolution de ces risques à la lumière du changement climatique.

Un autre sujet nous occupe énormément, c'est le risque de séisme qui, lui, n'est pas lié au changement climatique. C'est une préoccupation majeure notamment aux Antilles, dans les Alpes et dans des villes comme Nice ou Lourdes.

Concernant les faits marquants de ces dernières années, il est important de les rappeler car ils sont souvent les éléments déclencheurs d'une évolution des politiques publiques. Il faut bien évidemment s'appuyer sur les périodes de mobilisation des autorités publiques consécutives à des catastrophes naturelles, qui permettent de déceler de nouveaux outils de prévention. Nos services ont en particulier été mobilisés par Xynthia, les crues du Var de 2010, les sécheresses en 2003 et 2012, la tempête Irma en 2017. L'année 2018 aura été assez chargée entre les crues lentes hivernales en janvier, les épisodes orageux en mai et juin et les crues d'octobre dernier.

Si tout le territoire est concerné par des risques naturels, nous nous focalisons sur certaines zones, notamment les outre-mer et les zones dites « Arcmed », très concernées par les crues cévenoles. La Caisse centrale de réassurance (CCR) produit des cartes de sinistralité par département qui offrent une vue d'ensemble sur ces catastrophes naturelles. Nous nous attachons, dans le cadre de notre travail partenarial avec la Fédération française de l'assurance (FFA) et la CCR, à ne pas retenir que la sinistralité d'une zone mais à bien travailler sur la notion d'exposition en croisant les cartes. Certains territoires n'ont connu aucune catastrophe depuis longtemps mais sont exposés à un fort risque, je pense au risque sismique par exemple.

Nous disposons par ailleurs de nombreux outils. Le premier volet d'action est l'élaboration de plans de prévention des risques (PPR). C'est peut-être le plus visible grâce à la mobilisation des préfets et des élus locaux. Le délégué aux risques majeurs a fait un état des lieux de la couverture du pays en PPR fin 2017 : la France a vu sa couverture en PPR progresser de manière remarquable entre 1995 et aujourd'hui, permettant d'intégrer la notion de risque dans l'urbanisme, malgré une procédure complexe pour les élus. Afin de mieux identifier un aléa sur un territoire donné, les personnes concernées peuvent consulter le portail « Géorisques » que l'on essaie de moderniser. Chacun peut donc être informé d'un risque d'inondation, de séisme ou de glissement de terrain là où il habite. Dans cette connaissance, nous nous appuyons beaucoup sur différents opérateurs et l'objectif est de faciliter la circulation de la connaissance de ces aléas afin d'améliorer leur prise en compte dans les documents d'urbanisme.

Le second volet d'action consiste à réduire la vulnérabilité tant à l'échelle d'une ville que d'un bâtiment. Pour que ces actions soient efficaces, nous essayons de développer l'information préventive et de recourir à des campagnes de communication. Nous avons par exemple mené pour la quatrième année consécutive une campagne d'information sur les crues cévenoles et, pour la première fois cette année, une campagne sur la prévention des incendies. Parmi les autres outils régaliens, il y a aussi ceux destinés à prévoir les crues.

En outre, il existe des outils contractuels, qu'il est très important de mentionner. Notre conviction est que la politique des risques naturels doit s'appuyer sur un socle législatif stable. Le rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer de l'année dernière sur les risques naturels outre-mer est d'ailleurs éloquent en ce qu'il n'appelle à aucun bouleversement du cadre législatif mais plutôt à une mobilisation des outils existant. Certes, la prise en compte du risque peut d'abord être perçue comme une contrainte, mais l'enjeu est d'en faire une composante du développement durable d'un territoire par une mobilisation commune de l'État et des élus locaux. En ce sens, des outils contractuels comme les programmes d'actions de prévention contre les inondations (PAPI) constituent le meilleur exemple de la politique que l'État souhaite mener avec des élus locaux. Ces derniers se saisissent d'ailleurs de cet enjeu local, et sont accompagnés par les préfets pour mobiliser les financements du fonds Barnier.

Au sein de la commission mixte inondation (CMI), chargée de labelliser les PAPI, nous nous rendons compte que c'est un moment fort pour les pétitionnaires qui viennent présenter leurs programmes, particulièrement pour les élus mobilisés et sensibilisés à la question de la conciliation des différents outils. Ainsi, le PAPI nous permet de concilier le régalien - en s'appuyant sur le PPR -, la démarche de construction d'un territoire et les cofinancements.

Il y a 154 PAPI labellisés aujourd'hui. Cela représente 1,9 milliard d'euros de cofinancements en provenance de l'Union européenne, de l'État et des collectivités locales ainsi qu'un apport du fonds Barnier de 0,8 milliard d'euros.

À titre de comparaison, notre budget et le fonds Barnier représentent des montants « epsilonesques » par rapport aux coûts des catastrophes naturelles. Néanmoins, il faut prendre en compte l'effet de levier qui permet d'économiser sept euros pour un euro investi.

La gestion des risques naturels est par ailleurs intégrée au plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC).

Le fonds Barnier, les PPR, les PAPI sont inscrits dans le paysage depuis longtemps. L'évolution la plus récente de nos outils se retrouve dans la Gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi) qui permet une montée en puissance des collectivités territoriales avec le soutien de l'État. Un travail a également été mené dans la loi ELAN, afin de lutter contre les effets de la sécheresse sur le retrait-gonflement des argiles. Grâce à cette nouvelle loi, il sera possible d'imposer des études de sol peu coûteuses préalablement à la construction des maisons afin d'éviter des dommages très importants. C'était une préoccupation majeure pour les assureurs car la réparation des logements mobilise une part importante du fonds Barnier alors que c'est un aléa où les atteintes à la vie humaine sont rares. En outre, un travail est en cours sur l'encadrement des plans de prévention du risque inondation (PPRI) dans le but de faciliter leur préparation et leur approbation. Enfin, la loi de finance pour 2019 a permis des évolutions du fonds Barnier.

Notre préoccupation est de contribuer à une mobilisation collective. À ce titre, les instances de gouvernance comme le conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs (COPRNM) doivent être utilisées pour faire vivre ces sujets et pour cela, nous avons besoin de la présence d'élus. De même, les 25 et 26 mars se déroulent les Assises nationales des risques naturels (ANRN) à Montpellier qui permettront, lors d'ateliers réunissant tous les acteurs de la prévention des risques, de faire un point sur les politiques actuelles et d'évoquer des pistes d'amélioration. Les résultats de ces assises permettront d'alimenter in fine le COPRNM.

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