Je reviendrai sur trois questions posées par les rapporteures. Tout d'abord, la place que tient la prévention des violences sexuelles dans le recrutement et la formation des prêtres. Dans l'Église universelle, le recrutement et la formation des futurs prêtres font l'objet de normes précises. Parmi celles-ci, les dimensions affective et sexuelle des candidats constituent un élément important, étant donné les responsabilités qu'exercent les prêtres auprès de communautés, d'enfants et de jeunes. Ainsi les dernières orientations, promulguées en 2016, soulignent l'importance chez les candidats au sacerdoce d'une personnalité structurée et équilibrée. Ce document mentionne de manière spécifique la prévention de la pédophilie. Ces normes sont intégrées dans les directives de formation des prêtres de chaque pays.
Dans les séminaires français, la formation des prêtres dure sept années au minimum. Elle comporte des parcours de formation traitant de la structuration psycho-sexuelle de la personne, de la construction de la personne, de la dimension relationnelle et affective dans l'exercice du sacerdoce, de la connaissance de soi et de la morale sexuelle. La prévention des violences sexuelles s'intègre donc dans l'ensemble de ce parcours. Par ailleurs, lorsque les formateurs décèlent des fragilités, des inaptitudes voire des déviances, tant au quotidien que dans les stages sur le terrain avec des enfants et des jeunes, la formation des candidats est interrompue définitivement. En outre, depuis 2017, des interventions plus spécifiques concernant les abus sexuels sur mineurs sont aussi organisées dans les séminaires. Ces formations, assurées par des personnes expertes, s'appuient sur l'actualité, des films, des reportages, la confrontation avec des témoignages de personnes victimes. Il s'agit de faire prendre conscience de la gravité des actes commis. Ces formations prennent aussi en compte l'aspect juridique avec l'articulation entre le droit civil et pénal français et le droit canonique. Sont également analysés les rapports nouveaux, provoqués par cette crise très grave, entre les familles, les paroissiens les prêtres et l'évêque. Ainsi, loin d'être un sujet tabou, la prise en compte des diverses dimensions de la sexualité dans la personnalité humaine et de toutes les violences qu'elle peut engendrer, par cléricalisme ou abus d'autorité, fait aujourd'hui partie intégrante des mesures de prévention de l'Église dans la formation des futurs prêtres pour lutter contre les abus sexuels.
L'expérience de certaines Églises étrangères peut-elle inspirer l'Église de France en ce qui concerne la prévention et le traitement des violences sexuelles ? Au niveau de l'ensemble de l'Église, plusieurs instances, à Rome, travaillent sur les actions menées dans différents pays. Ce travail permet un partage d'expériences. La prochaine rencontre à Rome des évêques du monde entier, convoquée par le pape, aura lieu dans quelques jours et s'inscrit dans cette perspective. Il ne s'agit pas d'en rester à des actions locales mais d'oeuvrer à tous les niveaux de l'Église, en collaboration avec les épiscopats de tous les pays. En France, nous sommes intéressés par l'expérience des Églises belge, allemande, suisse et autrichienne, qui ont une expérience plus ancienne que la nôtre sur le sujet. Ce dialogue est utile pour envisager les solutions les plus adaptées au contexte français. Nous réfléchissons ainsi à un soutien financier des personnes victimes. En ce qui concerne l'accompagnement des prêtres auteurs de délits et de crimes sexuels, nous avons pris des contacts récemment avec le Canada qui a mis en place des structures d'accueil et de suivi. Ainsi cette collaboration entre Églises permet de partager les meilleures pratiques et facilite la diffusion d'une véritable culture de protection des mineurs dans l'Église.
Enfin, le pape François organise à Rome, du 21 au 24 février 2019, un sommet sur la protection des mineurs auquel seront convoqués les présidents de Conférences épiscopales et supérieurs d'ordre religieux. Comment la Conférence des Évêques de France compte-t-elle contribuer à cette réflexion ? La dimension universelle de l'Église catholique et le retentissement international du scandale des agressions et des violences sexuelles commises par des clercs à l'encontre d'enfants et de jeunes rendent nécessaire, indispensable, la collaboration entre les Églises locales. C'est dans cet esprit que le pape François réunit tous les présidents des Conférences épiscopales du monde. Ainsi Mgr Georges Pontier, archevêque de Marseille et président de la Conférence des Évêques de France, se rendra à Rome à cette occasion. Préalablement, les organisateurs ont envoyé aux participants un questionnaire afin de collecter des informations pour permettre une étude plus approfondie de la situation au niveau mondial et pour imaginer de nouvelles mesures. Nous avons déjà adressé à Rome un dossier comportant l'ensemble des mesures prises en France pour lutter contre les abus sexuels, notamment les mesures de prévention. L'annonce de cette session suscite une vive attente de la part des victimes. Mgr Pontier les rencontre en ce moment-même. Elles lui ont remis un rapport pour contribuer au débat, par des témoignages sur les drames vécus, des propositions sur les pratiques, le droit pénal, le droit canonique, la réparation, la prévention, la formation initiale et permanente des prêtres et des religieux, ainsi que sur la dimension spirituelle.
Cette rencontre est inédite, c'est une étape cruciale dans la lutte contre toutes les violences sexuelles, par des clercs, à l'égard de personnes vulnérables et d'enfants. Pour que l'Église soit cette « maison sûre » voulue par le pape François, il faut un profond changement de culture, afin de garantir une tolérance zéro. La Lettre au peuple de Dieu, en août dernier, traitait des usages et pratiques, y compris dans le registre canonique et pastoral. Les mesures qui seront décidées constitueront une étape importante.