La France est le premier bénéficiaire de la PAC, et de loin. Nous avons touché 9 milliards d'euros l'année dernière. Pourquoi donc nos agriculteurs souffrent-ils encore autant et pourquoi notre agriculture n'a-t-elle pas réussi à s'organiser en filières, non pas pour faire moins, mais pour faire mieux ? Ce sont de vraies questions. Je l'ai dit et redit : la position de la Commission européenne n'est pas acceptable. C'est la raison pour laquelle nous ne serons pas prêts avant les élections européennes. Nous avons décidé de nous donner du temps pour aboutir à un budget qui correspondra mieux à nos attentes.
S'agissant des évaluations scientifiques, je suis moi aussi allée à Parme et j'ai été frappée par le manque d'indépendance de cette agence par rapport aux industriels. Il faut rester prudent quand la science est payée par l'industrie. Entre les lobbies de profit immédiat et les lobbies d'intérêt général qui oeuvrent à Bruxelles, j'ai tendance à préférer les seconds. Il faut aussi compter avec le lobby que forment nos concitoyens. L'environnement est un sujet récurrent dans le grand débat national, que l'on se trouve dans une grande ou dans une petite ville, dans une banlieue ou dans un territoire rural, qu'on parle avec des agriculteurs ou bien avec des citadins. La protection de l'environnement ne se réduit pas à la réflexion de trois ONG sectaires. Elle concerne tous les consommateurs. L'agriculture biologique ne produit pas assez pour répondre à la demande des consommateurs, et nous devons importer. C'est un vrai sujet qui met en cause l'organisation des filières, avec pour enjeu les attentes de nos concitoyens, la santé des agriculteurs, mais aussi le modèle économique de notre agriculture.
Il faut éviter les distorsions de concurrence dans nos négociations commerciales, à l'intérieur et à l'extérieur de l'Union européenne. Certains déplorent que nous importions des OGM. Cependant, nous avons mis en place un étiquetage obligatoire, de sorte que personne n'en consomme sans le savoir. Faisons confiance à notre système réglementaire. Il répond à une demande des citoyens et il a été voté par le Parlement. Si la réglementation française diverge de la réglementation européenne, c'est parce qu'il y a une préférence française collective pour la qualité alimentaire, et c'est aussi parce que le Parlement l'a voté.
Madame Jourda, je sais que le dispositif compensatoire de handicap naturel vous tient à coeur. Nous avons refait une carte qui datait de 1976 et qui était par conséquent obsolète et indéfendable aux yeux de nos partenaires. Nous avons procédé sans clientélisme et selon le principe de continuité territoriale qui vous est cher, à juste titre. Le zonage futur est globalement plus favorable au niveau national, puisque 14 000 communes sont classées, avec près de 8 000 bénéficiaires potentiels supplémentaires. Nous sommes tout à fait conscients de la nécessité qu'il y a à accompagner les territoires et les agriculteurs qui sortiront du zonage à partir de 2019. Nous avons prévu deux années de transition pour lisser les effets de la réforme et éviter une fin brutale des indemnités.
Nous faisons preuve de beaucoup de vigilance sur les distorsions de concurrence à l'intérieur de l'Union européenne et sur le risque de renationalisation. Je suis assez d'accord avec vous, Monsieur le Président : c'est surtout la Direction générale AGRI qui bénéficiera de la simplification qui nous est proposée. Bruxelles se met hors de portée des critiques en renvoyant le travail vers les États membres. C'est un peu facile et si cela doit contribuer à créer 27 PAC différentes et concurrentes, ce n'est pas acceptable. D'où les débats que nous menons au sein de l'Union européenne.
Faisons aussi notre mea culpa national. Les difficultés de nos agriculteurs ne sont pas toujours imputables à Bruxelles. Elles sont aussi le fait des ratés de notre organisation, qu'il s'agisse de la distribution des fonds ou de nos systèmes d'information. À cela s'ajoute le retard que nous avons accumulé, en partie à cause de la situation objectivement très mauvaise dont nous avons hérité.