Comme vous, je regrette que le socle européen des droits sociaux soit dépourvu de valeur juridique. Vous avez raison, c'est un engagement politique auquel ont souscrit certains chefs d'État et de gouvernement. C'est un document significatif qui orientera les futures politiques européennes et nous nous appuierons dessus.
En matière d'Europe sociale, certaines négociations ont déjà abouti, comme la révision du statut de travailleur détaché, la création d'une Autorité européenne du travail, la directive sur l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée, la directive sur l'accessibilité des biens et des services. D'autres sont dans leur phase finale, comme le règlement sur la coordination des régimes de sécurité sociale. Le Parlement européen reste divisé sur le paquet mobilité, de sorte que je ne suis pas certaine qu'il aboutisse. Je le regrette, car le compromis représentait un progrès, même s'il n'était pas totalement satisfaisant. Enfin, certaines négociations porteront à moyen terme, comme nos efforts pour conditionner l'accessibilité des fonds structurels à un certain degré de convergence.
Il faut bien sûr définir un salaire minimum, adapté à la réalité économique de chaque pays. Les réflexions se poursuivent sur ce sujet. Plusieurs États n'ont pas de salaire minimum défini par la loi. C'est notamment le cas des pays nordiques. Nous devons faire converger des cultures différentes. L'adoption d'un salaire minimum en Allemagne va dans le bon sens.
Nous voulons nous appuyer sur le socle européen des droits sociaux pour définir les conditions d'octroi des financements européens. L'existence d'un salaire minimum, le dialogue social et la protection sociale sont les trois principes qui devraient servir de conditionnalité au versement des fonds européens. C'est du moins la position que nous portons. Un certain nombre de pays récemment entrés dans l'Union européenne sont confrontés à un manque de main-d'oeuvre, alors qu'ils connaissent le plein emploi et que s'y exerce une pression forte pour augmenter les salaires et développer la protection sociale. Nous devons saisir cette opportunité pour nourrir la réflexion sur ce sujet. Certains pays luttent contre l'émigration de leurs travailleurs et vont chercher des migrants à l'autre bout du monde parce qu'ils n'ont plus assez de travailleurs qualifiés.
L'Autorité européenne du travail est en place. Elle garantit une information fiable et claire sur les règles relatives au détachement, à la fois pour les entreprises et pour les travailleurs. Elle permet aussi d'assurer des contrôles efficaces de la réglementation européenne et un système de résolution des conflits entre États membres plus performant.
Le mécanisme de coopération entre l'AET et la commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale assure un bon fonctionnement du système de médiation. L'AET informera systématiquement la commission administrative sur les sujets concernant la sécurité sociale, sujets sur lesquels la commission reste ultimement compétente. Le cas échéant, l'AET continuera la médiation uniquement sur la partie relative au droit du travail. L'AET et la commission administrative élaboreront un accord précis de coopération pour garantir que les processus de médiation se déroulent de manière rapide et harmonieuse. L'Europe sociale se renforcera ainsi, à petits pas.
L'arrêt Altun précise que le juge national n'a pas à prendre en compte des certificats de détachement, dont il a été établi qu'ils sont frauduleux. L'existence de cet arrêt fournit déjà un certain degré de protection juridique partout dans l'Union européenne. Une codification via le règlement de coordination des régimes de sécurité sociale serait bien sûr préférable, mais les équilibres sur ce règlement sont extrêmement fragiles. Nous sommes proches d'une minorité de blocage sur tous les sujets. Nous faisons au mieux pour inclure l'arrêt, mais nous marchons sur un fil.