L'organisation de votre déplacement a été difficile et votre rapport a été long à finaliser. Nous travaillons d'ordinaire de manière consensuelle dans notre commission. Or certains considèrent que la Turquie est à défendre, quoiqu'elle fasse. Le rapport ne me paraît pas équilibré, comme l'illustre l'évocation de la situation de Chypre, où l'invasion et l'occupation turques ont été l'occasion de nombreuses exactions qui sont passées sous silence. En outre, depuis la découverte de gisements gaziers dans la partie grecque, les autorités turques multiplient les provocations. Les difficiles relations entre la Turquie et la Grèce sont bien antérieures à 1974, date du coup d'État militaire à Athènes. Elles remontent en fait au désastre, en 1922, de la Megali Katastrofi, où les minorités grecques ont été massacrées en Turquie, tout comme l'ont été les Arméniens. À cet égard, je me souviens des menaces dont les parlementaires faisaient l'objet lors du vote solennel de la reconnaissance du génocide arménien.
Ainsi, je ne voterai pas en faveur de la publication du rapport, ce qui est une première depuis mon entrée dans cette commission. Ce qui se passe en Turquie ne doit pas être banalisé ! Le commissaire européen en charge de l'élargissement, Johannes Hahn, a bel et bien souligné qu'il serait plus honnête de s'engager avec la Turquie dans une autre voie que celle de l'adhésion. Dans quel autre pays la révocation de 150 000 fonctionnaires s'est-elle jamais produite ? Que nous a permis d'obtenir, au niveau géostratégique, notre silence face à de tels agissements ? Que vont devenir les prisonniers islamistes français détenus dans la partie kurde de la Syrie ?
Nous acceptons tout de la Turquie, mais dois-je vous rappeler les conditions dans lesquelles l'élection présidentielle s'est déroulée ? La Cour européenne des droits de l'Homme a, en vain, ordonné à la Turquie, pourtant signataire de la Convention européenne des droits de l'Homme, la libération de l'opposant kurde et candidat Selahattin Demirtas ! Ce silence de l'Union européenne contraste avec le constat officiellement porté sur la situation au Venezuela, où nous considérons, à juste titre, que l'élection présidentielle ne s'est pas déroulée de manière démocratique. Il faut dire stop à un moment donné ! Je regrette que ce rapport ne nous soit pas proposé en appui à une proposition de résolution ou à un avis politique, qui aurait pu bousculer certaines conceptions favorables à la Turquie. Puisqu'il nous est possible de prendre position sur la publication des rapports qui nous sont soumis, j'indique qu'à titre personnel, je m'abstiendrai concernant celui-ci.