La situation est délicate, même si je suis extrêmement satisfait de la qualité de notre débat. Ce rapport me paraissait plutôt équilibré, il ne préconise pas l'adhésion mais propose seulement de maintenir les discussions avec la Turquie. Trois propos majeurs émergent, à mon sens, de l'ensemble de nos discussions : d'une part, le « grand malaise » évoqué par Benoît Huré, et son rappel de la métaphore du tramway, mentionnée par le Président Erdogan pour évoquer la démocratie, qui fournissent un résumé clair de la situation. D'autre part, les propos également tenus par Laurence Harribey nous appelant à faire oeuvre de lucidité afin de demeurer crédibles. Enfin, je reprendrai les termes de Jean-Pierre Leleux selon lequel nous arrivons au terme de la tolérance et sommes particulièrement troublés. Les débats sont suffisamment éclairants pour démontrer notre embarras. J'ai longtemps considéré que la solution résidait dans la révision de l'union douanière avec la Turquie. Mais, en regardant dans le détail, même cette démarche me semble hasardeuse tant le Parlement européen, le Conseil et même les parlements nationaux auraient des approches divergentes. Cette voie me semble donc vouée à l'échec. Certains ont exprimé avec plus de force cette opinion. Je retiens, notamment de Pierre Ouzoulias, qu'il est nécessaire, en effet, de désigner nos adversaires. Les Frères musulmans ne sont nullement nos amis. En outre, en écho à Simon Sutour, je me suis exprimé, dans le cadre de l'Organisation pour la sécurité et coopération en Europe (OSCE), sur le dossier énergétique chypriote. Manifestement, les Turcs sont allés beaucoup trop loin. Ce dossier est en devenir : après les sondages, des forages devront être réalisés. La découverte de ce gisement gazier important à Chypre pourrait équilibrer notre dépendance vis-à-vis du projet de gazoduc Nord Stream 2 et de Gazprom. L'Union européenne ne doit pas laisser la mainmise de la Turquie sur les eaux territoriales chypriotes. Je souligne la grande importance de cette question des gisements gaziers en zone chypriote pour l'autonomie énergétique de l'Europe. Par ailleurs, je ne perçois pas l'influence de la France en Turquie, pas davantage que celle de la Turquie en Afrique. En revanche, en Bosnie et en Serbie, l'influence turque s'avère grandissante et résulte du prosélytisme assumé du Président Erdogan.
Je rappelle que, dans notre rapport, nous plaidons pour le maintien des discussions, sans nous prononcer en faveur de l'adhésion de la Turquie à l'Union, pour laisser une chance au peuple turc qui, pour l'instant, n'a pas voix au chapitre.