Intervention de Florence Lassarade

Réunion du 5 mars 2019 à 14h30
Reconstruction mammaire en cas de mastectomie — Vote sur l'ensemble

Photo de Florence LassaradeFlorence Lassarade :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le recours à la reconstruction mammaire après une mastectomie est le choix d’une minorité de patientes. Si l’on recoupe les données du programme de médicalisation des systèmes d’information, ou PMSI, et les retours des instituts de cancérologie que nous avons auditionnés, cette proportion resterait aujourd’hui inférieure à un tiers.

La reconstruction mammaire n’a rien d’évident. Elle relève tout d’abord d’un choix personnel, dans lequel plusieurs facteurs psychologiques entrent en compte : la crainte de complications liées à une nouvelle intervention chirurgicale, le deuil du sein et la difficile acceptation d’un nouveau corps, ou encore l’affirmation d’une féminité sans sein.

La proposition de loi de notre collègue Catherine Deroche a le mérite de poser une question restée encore trop secondaire dans les préoccupations des pouvoirs publics : face à un choix par nature difficile et douloureux, toutes les patientes bénéficient-elles, en tout point du territoire, d’un égal accès à une information de qualité sur l’ensemble des techniques de chirurgie réparatrice disponibles ?

Une étude de 2013 de l’Institut Curie sur les raisons pouvant conduire des patientes à ne pas recourir à une reconstruction mammaire fait état de plus de 62 % de femmes ayant répondu qui se déclarent insatisfaites de l’information délivrée sur la reconstruction ; 41 % considèrent même l’information très insatisfaisante. Rappelons également les données de l’étude de 2014 de l’Observatoire sociétal des cancers : parmi les femmes qui se déclarent insatisfaites de leur reconstruction, 64 % estiment avoir été mal informées sur le processus de reconstruction.

Dans le cadre du plan Cancer 2014-2019, l’Institut national du cancer, l’INCa, a ainsi fait de l’amélioration de l’offre de chirurgie réparatrice un objectif prioritaire. L’agrément des centres de carcinologie mammaire est désormais conditionné à l’accès, sur place ou par convention, à une offre de plastie mammaire. Toutefois, la réalité du terrain qui nous a été décrite en auditions reste marquée par d’importantes inégalités socio-économiques, susceptibles d’influer sur la qualité de l’information et, donc, d’entraver le processus de décision libre et éclairée de la patiente.

Tous les centres de carcinologie mammaire ne sont pas en capacité de délivrer une information complète sur l’ensemble des techniques de reconstruction disponibles. À cet égard, l’expérience du centre, de ses oncologues et de ses plasticiens est, bien entendu, un facteur déterminant. Un faible nombre d’interventions de sénologie ne garantit sans doute pas la maîtrise par l’établissement de l’ensemble des indications, avantages et inconvénients associés à chaque technique. En découlent de potentielles inégalités de traitement entre les instituts de carcinologie les plus sollicités et les centres qui n’ont pas atteint la masse critique suffisante.

Certaines patientes sont alors conduites à poursuivre leur parcours de soins à l’extérieur du secteur public, notamment au sein d’établissements privés non lucratifs et de cliniques. Malgré la récente revalorisation par l’assurance maladie de la prise en charge des actes de reconstruction, les dépassements restent monnaie courante : 70 % des chirurgiens pratiquant des interventions de reconstruction n’exercent pas en secteur 1 ou en option de pratique tarifaire maîtrisée, avec pour conséquence de rendre les délais d’attente très longs et de conduire les femmes à se tourner vers le secteur privé.

Par ailleurs, certaines techniques sont d’une telle complexité, pouvant réclamer l’intervention de deux chirurgiens et jusqu’à huit heures de microchirurgie, que leur coût médico-économique devient rédhibitoire pour l’établissement. Celui-ci fait alors le choix de ne plus proposer ces techniques alors même qu’elles restent, pour un petit nombre de patientes, les seules techniques indiquées pour espérer retrouver l’apparence d’un sein.

Notre commission considère donc que l’introduction d’une obligation d’information sur les techniques de reconstruction permettra de favoriser la délivrance d’une information de qualité à toutes les patientes. Cette information devrait, selon moi, être formalisée dans le parcours de soins par une consultation spécifique, qui pourrait être assurée soit par l’oncologue, soit par plusieurs autres professionnels de santé, idéalement deux chirurgiens différents, mieux à même de renseigner la patiente.

Mes chers collègues, le texte soumis au vote de notre Haute Assemblée fait la lumière sur un des aspects délicats de l’après-cancer, que les progrès enregistrés dans le traitement du cancer du sein ne doivent pas laisser au second plan. Je vous invite donc à envoyer un message fort aux patientes et à la communauté médicale en le soutenant massivement.

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