Madame la présidente, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition que nous soumet Mme Catherine Deroche fait suite à plusieurs constats formulés par l’Observatoire sociétal des cancers en 2014, qui soulignait notamment un faible taux de recours à la reconstruction mammaire, évalué entre deux et trois femmes sur dix.
Les causes identifiées étaient une faible information des patientes, des difficultés d’accès à la reconstruction, ainsi que son coût.
Avec près de 60 000 nouveaux cas par an, le cancer du sein se situe au premier rang des cancers incidents chez la femme, nettement devant celui du côlon-rectum et celui du poumon. C’est aussi celui qui cause le plus grand nombre de décès, avec 18, 2 % des décès féminins par cancer, même si – on ne peut que s’en réjouir – la survie nette à cinq ans standardisée sur l’âge s’améliore d’année en année. Cette progression s’explique en partie par l’amélioration des traitements et par un dépistage du cancer du sein de plus en plus adapté au niveau de risque de chaque femme, facilitant le diagnostic à un stade plus précoce.
Néanmoins, malgré les progrès, les traitements demeurent lourds et le traitement chirurgical est le plus fréquent. Il peut altérer l’apparence du sein, voire conduire à son ablation totale.
Les conséquences de la mastectomie sont très variables et dépendent de l’histoire personnelle et familiale de chaque patiente. Un soutien psychologique est très souvent nécessaire.
La reconstruction mammaire contribue à restituer la forme et le volume du sein, mais ni sa sensibilité ni la fonctionnalité de la plaque aréolo-mamelonnaire.
La reconstruction mammaire constitue pour certaines femmes une réponse aux perturbations induites par la mastectomie, mais elle ne dispense pas d’un travail de deuil du sein perdu ni d’une phase d’appropriation du sein reconstruit.
Certaines femmes ne ressentent pas le besoin de reconstruire leur sein. Ce choix leur est personnel. En tout état de cause, les patientes doivent avoir toutes les informations en main pour faire un choix éclairé.
À ce titre, comme cela a été justement rappelé par Mme la rapporteure en commission, le moment opportun du partage de l’information n’est pas nécessairement le moment de l’annonce du diagnostic.
Je suis, et vous le savez, extrêmement sensible à ce sujet. Je souhaite rappeler l’action 9.10 du plan Cancer 2014-2019 : « Permettre un égal accès aux actes et dispositifs de reconstruction après un cancer. » Elle avait pour objet d’inscrire à la nomenclature de nouvelles techniques de reconstruction mammaire et de procéder à la revalorisation d’actes déjà inscrits, afin de réduire les restes à charge pour les patientes. Elle devait aussi augmenter l’offre de reconstruction mammaire sans dépassement d’honoraires pour les régions les moins couvertes. L’objectif était que, d’ici à 2020, toutes les agences régionales de santé aient organisé un accès à une offre à tarif opposable dans le champ de la reconstruction mammaire et, donc, sans reste à charge pour les patientes.
En pratique, je rappelle que les tarifs de remboursement de six actes de reconstruction mammaire ont été revalorisés de 23 % entre 2013 et 2015.
Depuis le mois de juin 2014, l’assurance maladie prend également en charge des actes de symétrisation mammaire, dite mastoplastie unilatérale de réduction ou d’augmentation avec pose d’un implant, quand ils sont réalisés après un traitement du cancer du sein par chirurgie.
En 2017, deux nouveaux actes ont été reconnus et inscrits à la nomenclature pour prise en charge par l’assurance maladie : il s’agit d’actes d’autogreffe de tissu adipeux au niveau du sein.
Par ailleurs, les implants mammaires sont pris en charge au titre de la liste des produits et prestations remboursables, la LPPR, sans reste à charge pour les patientes, pour les indications de reconstruction mammaire.
De même, les prothèses mammaires externes, qu’elles soient transitoires ou non, sont prises en charge au titre de la LPPR, sans reste à charge pour les patientes.
Ainsi, la reconstruction mammaire est prise en charge à 100 % dans le cadre de l’affection longue durée, sur la base du tarif de l’assurance maladie.
Malheureusement, il est vrai que certains établissements pratiquent des dépassements d’honoraires qui restent à la charge des patientes, malgré la revalorisation des actes. C’est la raison pour laquelle l’information avant la prise de décision par la patiente concernant les coûts doit être très claire.
Mais il faut également que des parcours à tarif opposable soient identifiés dans toutes les régions. C’est l’objet d’une mesure ambitieuse et très importante pour moi du plan Cancer III.
Des travaux sont en cours entre l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation et la Direction générale de l’offre de soins pour recenser le parcours de soins des patientes ayant eu une mastectomie. Le premier volet de ces travaux a été rendu à la fin du mois de mai 2018 ; il présente le volume d’actes de reconstruction mammaire réalisé par région, afin d’identifier d’éventuelles particularités régionales. À partir de cela, nous allons aider et inciter les régions à analyser plus finement leurs problématiques et à mettre en œuvre des réponses aux déficits constatés de l’offre.
Ces évolutions, qui sont de l’ordre de réorganisations ou d’évolutions des ressources humaines, demanderont du temps, mais elles constituent une transformation en profondeur indispensable.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il me semblait important de rappeler devant vous ces avancées majeures en faveur de l’égalité d’accès à la reconstruction.
Les chiffres de l’Observatoire cités en introduction témoignent d’une situation antérieure à la mise en place de ces mesures du plan Cancer III. La reconstruction survenant dans une proportion non négligeable à distance de la mastectomie, j’espère que nous pourrons observer l’effet de ces différentes mesures d’ici à deux ans.
J’en viens à l’information en tant que telle. L’obligation d’information dont il est question aujourd’hui est déjà couverte par les dispositions du code de la santé publique, qui pose les principes généraux de l’information des usagers du système de santé.
Des actions ont également été entreprises. Je pense notamment à la diffusion de documents d’information à destination des femmes porteuses d’implants sur le site du ministère des solidarités et de la santé.
L’INCa met également à disposition des contenus et des outils construits avec les patients et les professionnels de santé, telle que la plateforme Cancer info comprenant des fiches internet, des guides pour les patients et une ligne téléphonique.
L’information doit s’appuyer sur des données actualisées. Ainsi, la Direction générale de la santé a saisi la Haute Autorité de santé, ou HAS, au mois de novembre 2018, afin d’actualiser l’état des lieux sur les techniques alternatives à la pose d’implants mammaires.
Les outils de coordination et de partage entre les professionnels, les travaux sur l’organisation des parcours sont autant d’occasions de diffuser les bonnes pratiques et de faire de chaque professionnel un bon relais de l’information.
D’autres vecteurs peuvent également être mobilisés pour améliorer l’information des patientes, comme les autorisations délivrées aux établissements qui traitent les cancers et qui sont en cours d’actualisation.
En effet, les centres qui traitent les cancers du sein doivent faire l’objet d’une autorisation d’activité délivrée par l’agence régionale de santé sur des critères émis par l’INCa et la HAS.
L’établissement autorisé au traitement chirurgical du cancer du sein doit notamment répondre à des critères d’agrément pour la pratique de la chirurgie carcinologique du sein.
L’un de ces critères est d’assurer aux patientes traitées l’accès aux techniques de plastie mammaire. Cet accès peut être assuré sur place ou, le cas échéant, par convention avec un autre établissement. Ainsi, les patientes traitées ont un accès organisé à la reconstruction mammaire dès leur prise en charge par les centres autorisés à traiter le cancer.
Les travaux de réforme du régime des autorisations en cancérologie sont en cours. Je serais très favorable à ce que des critères relatifs à l’information et l’orientation en matière de reconstruction mammaire soient ajoutés, car cela constitue évidemment un élément de bonne pratique incontournable.
Lors de l’examen en commission, j’ai exprimé mes réserves sur l’inscription dans la partie législative du code de la santé publique de cette obligation d’information spécifique sur la reconstruction mammaire en cas de mastectomie. Mais je partage bien entendu pleinement la nécessité de mieux informer les femmes.
Pour cette raison, le Gouvernement ne s’opposera pas à l’adoption de la présente proposition de loi.