Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues : « En France, on traite très bien le cancer du sein, mais pas la femme qui a un cancer du sein. » Ces mots ne sont pas les miens ; ce sont ceux du professeur Laurent Lantieri, chirurgien à l’hôpital Georges-Pompidou, rapportés par Le Figaro. Ce praticien ajoute d’ailleurs : « Aux États-Unis, dans beaucoup d’endroits, les taux de reconstruction sont supérieurs à ceux de la France, alors que le reste à charge y est bien plus important ! »
La question financière, que je développerai dans un instant, ne justifie pas tout. Plusieurs raisons l’expliquent, dont une qui n’est pas des moindres : l’accès à l’information, et ce pour des raisons socio-économiques et géographiques, entre autres. La proposition de loi soumise à notre examen pointe parfaitement cette difficulté.
À ce stade de mon propos, permettez-moi avant tout de mettre en avant la pertinence de ce texte, sur lequel j’ai l’honneur de m’exprimer aujourd’hui au nom du groupe Union Centriste. Je veux souligner l’engagement de ses auteurs, en particulier celui de notre collègue Catherine Deroche, ainsi que celui de Mme la rapporteure Florence Lassarade. Il témoigne de leur attachement à une cause qui nous tient tous à cœur.
Aussi, le Sénat se mobilise et s’intéresse de près à la thématique, plus générale, de la souffrance humaine. La commission des affaires sociales est force de proposition en la matière. Il est important de le souligner.
Sur le fond, cette proposition de loi revêt un caractère majeur et répond à une situation d’urgence.
En effet, les chiffres ont été rappelés. Selon l’Institut national du cancer, près de 59 000 nouveaux cas de cancer du sein ont été constatés durant l’année 2017, avec près de 12 000 décès, malheureusement. C’est donc l’un des cancers les plus développés parmi les femmes.
Son traitement nécessite, dans certains cas, une intervention chirurgicale, qui peut aller jusqu’à l’ablation totale du sein.
Toutefois, un nombre important de femmes ne procède pas à une reconstruction mammaire. Aujourd’hui, selon les chiffres de la Ligue contre le cancer, entre deux et trois femmes sur dix s’engagent dans une reconstruction chirurgicale après une ablation. C’est trop peu.
Le manque d’informations relatives à cette opération conduit de nombreuses femmes, par méconnaissance, à ne pas procéder à une telle reconstruction. C’est bien là le cœur du problème. Il s’agit ici non pas de tenir un discours militant en faveur de cette opération, mais de permettre aux femmes d’agir en conscience et avec liberté.
D’abord, il faut préciser que la mastectomie et la reconstruction mammaire sont réalisées par deux praticiens différents. L’information pour l’une n’est pas la même que pour l’autre. Aussi, sur le plan moral, il convient de le souligner, l’ablation est déjà une décision lourde à prendre.
À cela s’ajoutent le stress, la peur et le manque d’informations, voire dans certains cas des mauvaises informations sur la reconstruction mammaire, qui peuvent dissuader les femmes de procéder à une telle opération.
Sur ce point, je veux insister sur l’importance du suivi psychologique. En de telles circonstances, l’accompagnement doit demeurer une priorité.
Si, dans le passé, un triste scandale a pu inquiéter légitimement des patientes, les choses ont évolué depuis. De plus, il convient de préciser que les techniques chirurgicales ont progressé.
Surtout, pouvoir reconstruire une partie de leur corps participe, pour nombre d’entre elles, à un processus de confiance en soi. C’est un pas en avant contre la maladie.
Je m’exprime en tant qu’élue, mais je parle surtout en ma qualité de femme. Pour beaucoup, cette étape de reconstruction relève de leur approche personnelle de leur féminité. C’est là une question de dignité, qu’il nous appartient de respecter.
Sur ce point, je veux partager avec vous ces mots, tellement poignants, d’une patiente ayant subi une mastectomie. Elle s’appelle Véronique, et je veux lui rendre hommage cette après-midi. « Après l’effroi du diagnostic – où j’ai hurlé intérieurement : “je veux rester dans le monde des vivants !” –, j’ai senti à plusieurs reprises que ce que je voulais, aussi, c’était rester femme, pleinement, et qu’il me faudrait lutter pour cela. » : voilà ce qu’elle déclarait dans le même quotidien que j’ai déjà cité.
Enfin, je veux terminer avec la question financière et, plus généralement, celle des inégalités sociales.
Premièrement, notre collègue rapporteure rappelait très justement que, « malgré l’inscription de six actes de reconstruction dans la classification de l’assurance maladie, les restes à charge importants pouvaient constituer un obstacle ». C’est là une réalité à prendre en compte.
Deuxièmement, je ne veux pas oublier non plus nos compatriotes d’outre-mer, notamment ceux de la Réunion, de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane. Dans ces territoires, les centres de cancérologie ne sont pas suffisamment équipés de plateaux adaptés aux techniques de reconstruction. Par manque de spécialistes, des femmes sont obligées d’aller en métropole, avec le coût que cela implique bien évidemment. Ce sont là, madame la ministre, deux sujets importants.
Compte tenu de toutes ces considérations, il est nécessaire de remédier à une telle situation. Le cadre juridique doit évoluer. Tel est l’objectif de la présente proposition de loi.
Avec l’adoption de ce texte, une information complète sera désormais fournie à toute patiente lorsqu’une mastectomie sera envisagée. Comme le précise l’article 1er, celle-ci devra porter sur les procédés de chirurgie réparatrice existants, sur leur utilité et leurs conséquences respectives, sans oublier les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent.