Intervention de Nadine Grelet-Certenais

Réunion du 5 mars 2019 à 14h30
Reconstruction mammaire en cas de mastectomie — Vote sur l'ensemble

Photo de Nadine Grelet-CertenaisNadine Grelet-Certenais :

En dix ans, le nombre de gynécologues médicaux a chuté de 42 % et les zones rurales ne sont pas les seules concernées. Nous en sommes à 3 gynécologues pour 100 000 femmes ! Cette pénurie, qui va s’aggraver en raison des départs à la retraite, pourrait avoir des conséquences lourdes sur le dépistage des cancers et sur la santé des femmes. Que prévoyez-vous pour répondre à cette urgence, madame la ministre ?

Concernant la reconstruction mammaire, il est essentiel d’améliorer l’information puisque 15 % des femmes interrogées par la Ligue contre le cancer estiment en avoir manqué ou ne pas avoir eu de proposition de l’équipe soignante, et que deux ou trois femmes sur dix s’engagent dans le processus de reconstruction mammaire.

Il me paraît opportun d’aborder cette question alors que le Gouvernement a annoncé l’évaluation du plan Cancer 2014-2019. L’examen de cette proposition de loi intervient par ailleurs, faut-il le rappeler, dans un contexte marqué par le scandale des prothèses mammaires, qui risque d’impacter négativement le choix des femmes.

Toutefois, si cette information nous paraît hautement nécessaire, le dispositif législatif nous a beaucoup interrogés. Quelle plus-value juridique ce texte apporte-t-il au regard de l’obligation d’information d’ores et déjà inscrite dans la loi ? N’est-ce pas plutôt à un prochain plan Cancer d’intégrer ces recommandations ?

Le véhicule législatif nous semble moins efficace que le prochain plan Cancer associé à des moyens concrets, y compris financiers, de mise en œuvre, d’autant que la problématique me semble bien plus large.

Au-delà de l’information, je crois qu’il aurait fallu pointer d’autres enjeux bien mis en évidence par le rapport de la Ligue contre le cancer en date de 2014. Ils ont trait à l’éloignement des centres de reconstruction mammaire, qui génèrent des coûts de transport non négligeables, notamment dans les départements ruraux. Je crois en effet primordial de ne pas déconnecter l’information de l’accès aux soins.

Le reste à charge est également très important, soit en moyenne quelque 1 400 euros, et ce malgré l’action prévue par le dernier plan Cancer d’organiser un accès à la reconstruction à un tarif opposable, action qui n’a pas été encore mise en place à ce jour. Lors de la réunion de la commission des affaires sociales, madame la ministre, vous avez bien voulu rappeler cette action du plan Cancer III. Elle demeure cependant à l’étude.

Autre point lié à cette inégalité des femmes face à la reconstruction mammaire : les dépassements d’honoraires pratiqués « éhontément » par de trop nombreux médecins et qui sont devenus monnaie courante.

J’en veux pour preuve que l’information ministérielle en date de septembre 2017, destinée aux femmes avant la pose d’implants mammaires, mentionne à plusieurs reprises ce risque de dépassements. Cela tend à remettre en question la prise en charge à 100 % par l’assurance maladie dans le cadre de l’affection longue durée, l’ALD.

Résultat : près de 15 % des femmes renoncent à la reconstruction mammaire pour des raisons purement financières. Les autres puisent dans leur épargne, font appel à leur famille, sollicitent une association, et près de 10 % d’entre elles contractent un emprunt. Le cancer participe à la paupérisation des patientes.

Sans oublier, enfin, le manque notoire d’accompagnement psychologique avant, pendant et après une mastectomie.

Manque d’accompagnement pour les traumatismes liés à la maladie, à l’ablation, aux problématiques d’identité, de féminité… Il ne faut pas omettre le temps nécessaire au deuil de l’amputation ; plus de 40 % des femmes dont la reconstruction a été immédiate en font état.

Il faut aussi tenir compte du temps nécessaire à la prise de décision. En effet, procéder ou non à une reconstruction mammaire doit être un vrai choix, qui ne s’effectue pas sous le coup du choc. « Il ne faut pas forcer la reconstruction mammaire », rappellent nombre de chirurgiens sénologues.

Compte tenu de tous ces aspects, dont on attend qu’ils soient abordés dans un prochain plan Cancer, et malgré le fait que cette proposition de loi ait le mérite de pointer le manque d’information, celle-ci nous paraît trop restrictive en se focalisant sur la seule information des professionnels de santé.

C’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons sur cette proposition de loi.

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