Madame la présidente, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux tout d’abord saluer M. Gilles, ainsi que le groupe Les Républicains, pour cette proposition de loi qui intervient très peu de temps après le drame de la rue d’Aubagne survenu en novembre dernier.
Je suis allé à Marseille dans les heures qui ont suivi ce drame. J’y étais alors que deux immeubles s’étaient effondrés et que le troisième ne s’était encore pas écroulé. J’ai eu l’occasion d’y retourner à plusieurs reprises pour soutenir et être aux côtés de nos concitoyens qui ont été confrontés de manière brutale et très vive aux conséquences non seulement de ce drame, mais de manière plus générale de l’habitat indigne.
Chaque fois que j’y suis allé, j’y ai également tenu des réunions de travail, afin de m’assurer que tous les acteurs – je dis bien tous : les services de l’État, les opérateurs et les collectivités – sont pleinement mobilisés sur deux objectifs.
Le premier consistait à faire face à l’urgence, c’est-à-dire à assurer le relogement. Vous l’avez dit, madame la rapporteure, un peu moins de 2 000 personnes ont été délogées, et près de 1 300 sont encore dans des hébergements dits « temporaires ».
Le second objectif consistait à préparer les actions à mettre en œuvre pour la rénovation, à court et moyen termes, du centre-ville, avec une stratégie très claire d’intervention, qui pourrait notamment passer par une contractualisation entre l’État, la ville et la métropole.
Il reste beaucoup de travail à faire, mais je veux vous assurer ici de ma pleine, entière et totale détermination, ainsi que de la mobilisation de mon ministère et de tous les opérateurs de l’État pour apporter des solutions très concrètes aux Marseillais endeuillés.
Vous l’avez rappelé, madame la rapporteure, ce sujet de l’habitat indigne est malheureusement beaucoup plus vaste que les événements survenus à Marseille. J’ai eu l’occasion de le redire devant la Fondation Abbé Pierre, lors de la remise de son rapport annuel, voilà quelques semaines, plusieurs centaines de milliers de logements ont aujourd’hui, dans notre pays, la caractéristique de l’habitat indigne. Cet habitat est un fléau, qui compromet la santé des personnes, parfois même leur intégrité physique, mais qui a d’autres conséquences graves, par exemple, sur l’éducation des enfants qui dorment dans les logements dits « insalubres » ou « suroccupés ».
Ce sujet est donc une priorité du Gouvernement, et les débats que nous avons eus à propos de la loi ÉLAN et les différentes initiatives que nous avons prises peuvent, me semble-t-il, en témoigner. La rénovation et la réhabilitation des logements ainsi que la lutte contre l’habitat indigne représentent près de 18 milliards d’euros consacrés par l’État, ses partenaires ou les opérateurs, en appui de l’action des collectivités, pleinement mobilisées sur ce sujet.
Il s’agit d’abord de la rénovation des grandes copropriétés dégradées – c’est un sujet que vous êtes nombreux à très bien connaître dans vos territoires –, au travers d’un plan ambitieux, très ambitieux, que j’ai annoncé à Marseille même, quelques semaines avant le drame de la rue d’Aubagne. Ce plan comporte des financements de l’ordre de 3 milliards d’euros sur dix ans ; il associe à la fois l’ANAH et les collectivités, mais également la Caisse des dépôts et consignations, Action logement et le réseau Procivis, qui apporte une aide particulière, notamment en appui des syndics de copropriété, acteurs majeurs dans le renforcement ou l’élaboration de solutions pour les copropriétés très dégradées.
Il s’agit également de la rénovation du centre-ville d’un certain nombre de villes dites « moyennes » – je n’aime guère cette dénomination, mais c’est celle qui est généralement employée pour désigner les villes de quelques dizaines de milliers d’habitants –, avec le plan Action cœur de ville, que beaucoup ici connaissent.
Il s’agit, enfin, de la rénovation des quartiers populaires, avec le programme de rénovation urbaine, financé par les collectivités locales, les bailleurs sociaux, Action logement et l’État, avec le doublement de son financement, à hauteur de 10 milliards d’euros et, surtout, l’accélération très forte de son déploiement. En effet, songez-y, depuis mai 2018, à peu près 4, 3 milliards d’euros ont été engagés dans des projets de rénovation urbaine.
Vous l’avez indiqué, madame la rapporteure, il y a un autre sujet très important : l’aide aux particuliers, avec notamment la question du reste à charge. En effet, les politiques publiques ont souvent apporté beaucoup d’aides, mais la question du reste à charge est essentielle, et, je le crois profondément, c’est au travers de cette question que les aides aux individus, aux habitants, doivent être considérées. C’est ce que nous avons fait avec la chaudière à 1 euro, un exemple que je donne simplement pour montrer qu’il est possible de trouver de nouvelles offres dans lesquelles le reste à charge est très fortement limité.
Cette priorité trouve également sa traduction, vous l’avez souligné, monsieur le sénateur Gilles, dans le cadre de la loi ÉLAN. Le chapitre de cette loi consacré à la lutte contre l’habitat indigne et spécialement contre les marchands de sommeil a fait l’objet d’un accord unanime des deux chambres, en commission mixte paritaire, sur le fondement des travaux parlementaires, notamment ceux, ici, de Mme la présidente Sophie Primas et de Mme la rapporteure Dominique Estrosi Sassone, que je remercie de nouveau.
D’ailleurs, l’ensemble des dispositions de la loi ÉLAN sont très en phase avec la proposition de M. le sénateur Gilles, qui comporte trois axes : renforcer les capacités de contrôle et d’intervention des collectivités territoriales, accélérer les réponses apportées aux situations d’insalubrité et, enfin, renforcer l’efficacité des sanctions contre les marchands de sommeil.
Oui, je suis d’accord avec vous, monsieur le sénateur Gilles, les collectivités territoriales doivent être soutenues dans leurs missions de détection et d’assistance pour la mise en place des travaux. C’est d’ailleurs pour cela que, sur proposition du Gouvernement, grâce à la loi précitée, les astreintes payées lorsque les propriétaires n’exécutent pas les travaux qui leur sont prescrits, qui étaient, jusqu’à présent, versées au budget de l’État, seront dorénavant versées, non plus au budget de l’État mais directement aux collectivités territoriales qui auront pris l’arrêté d’insalubrité ou de péril. C’est un élément très important, de nature justement à aider toutes les collectivités qui le souhaitent à mettre en place leur office de détection et de lutte contre l’insalubrité.
De même, au travers de la loi ÉLAN, la guerre est déclarée aux marchands de sommeil, avec deux axes principaux.
Le premier axe consiste à détecter ces marchands de sommeil ; il faut absolument en finir avec l’impunité dont ils jouissent. Cette impunité s’est illustrée, lors d’un déplacement que j’ai fait avec Mme la garde des sceaux, voilà quelque temps, à Pierrefitte, avec la visite impromptue du marchand de sommeil lui-même, alors que nous étions en train de dénoncer son pavillon découpé en multiples appartements. Ce propriétaire – c’est un indice de cette impunité – est venu à notre rencontre, s’étonnant du problème, si j’ose dire.
Face à cela, il faut accompagner les familles qui subissent l’action de ces marchands de sommeil et qui sont souvent dans une détresse telle qu’elles n’osent pas les dénoncer. C’est pour cette raison que nous avons obligé, dans la loi ÉLAN, les syndics de copropriété et les agences immobilières à dénoncer – le terme figure dans la loi – ces pratiques.
Le second axe réside dans le renforcement des sanctions, notamment financières, prises à l’encontre des marchands de sommeil, parce qu’il n’y a que cela qu’ils comprennent, quand on les « tape au portefeuille ». C’est pour cela que l’on a fortement accentué la pression financière – vous l’avez rappelé, madame la rapporteure – en considérant désormais les marchands de sommeil comme des trafiquants de drogue.