Intervention de Julien Denormandie

Réunion du 5 mars 2019 à 14h30
Lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux — Discussion d'une proposition de loi

Julien Denormandie :

… qui louait son ancien local professionnel, dans le cadre d’une activité de marchand de sommeil.

Il fallait accentuer cette pression financière au regard des aberrations qui existaient. Je pense en particulier à la situation que connaît une collectivité territoriale qui mène une opération d’expropriation d’un marchand de sommeil parallèlement à sa condamnation en justice ; figurez-vous que, dans certains cas, l’expropriation étant arrivée à son terme, la collectivité territoriale était obligée d’indemniser le propriétaire, au titre de l’expropriation. J’ai ainsi en mémoire un cas, ici, à Paris, à Marx-Dormoy, où le marchand de sommeil, condamné pour ses activités, s’est vu octroyer une indemnité de 6 millions d’euros.

Dans ce contexte, comment peuvent réagir toute la sphère des marchands de sommeil, tous les « petits copains » de cet escroc ? Ils se disent que, de toute manière, peu importe qu’ils soient condamnés, puisqu’ils toucheront cette indemnité au titre de l’expropriation. La loi ÉLAN a mis fin à cela, permettant la saisie de ces indemnités d’expropriation, dès lors qu’elles sont prononcées. De même, la confiscation des biens fait aujourd’hui l’objet d’une automaticité, ce qui est extrêmement important.

La question porte aujourd’hui sur la mise en œuvre de tout cela, de l’ambitieux plan de 18 milliards d’euros que j’évoquais, et des dispositions adoptées au travers de la loi ÉLAN. Afin d’assurer l’effectivité de ces mesures, Mme la garde des sceaux et moi-même avons pris des dispositions pour instituer six territoires de mise en œuvre accélérée des dispositions de cette loi. Il s’agit des Bouches-du-Rhône, des Alpes-Maritimes, du Nord, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et de l’Essonne. Dans ces six territoires, face au manque fréquent de coopération que l’on constatait – vous le constatiez aussi – entre les services administratifs, les services municipaux et la justice, nous avons décidé de renforcer la coordination locale entre ces différentes instances, pour faire en sorte que l’institution judiciaire puisse plus facilement et plus rapidement prononcer des décisions très fortes.

C’est aujourd’hui chose faite, puisque la circulaire y afférente a été signée voilà plusieurs semaines et est en cours de mise en œuvre.

Vous l’avez dit, monsieur le sénateur Gilles, il convient également d’accélérer et de rendre concrètes l’ensemble de ces dispositions. Dans chacun de ces départements, il existe, vous le savez, les PDLHI, les pôles départementaux de lutte contre l’habitat indigne, mais ceux-ci restaient à l’état de plans. C’est pourquoi nous les avons fait évoluer pour leur fixer de véritables objectifs et un véritable projet de lutte. Nous avons donc demandé à chacun d’eux de nous remettre avant le 30 avril prochain une feuille de route très précise, avec des objectifs de lutte contre l’insalubrité, que nous pourrons piloter, en liaison avec les collectivités et en totale transparence, évidemment.

Dans le cadre de la loi ÉLAN est également prévue une habilitation à légiférer par ordonnance, vous l’avez souligné, qui doit permettre de traiter cette complexité. Il existe aujourd’hui plus de treize polices et plus de trois codes, extrêmement techniques. Or toutes ces polices et tous ces codes visent un seul et même objectif : lutter contre l’insalubrité. Il est vrai qu’il devient parfois kafkaïen de se retrouver dans l’ensemble de ces polices, de ces codes. Tout cela conduit, en conséquence, à des décisions beaucoup trop longues et, parfois même, au désabusement de l’ensemble des collectivités et des services de l’État, qui doivent trouver par quel biais il est plus efficace de lutter contre ce fléau.

Telle est la mission que le Premier ministre a confiée au parlementaire Guillaume Vuilletet pour faire en sorte, conformément au débat que nous avons eu, de mettre, en regard des besoins opérationnels de lutte contre l’habitat indigne, les outils, les voies et moyens disponibles pour les collectivités territoriales, qui se trouvent en première ligne, avec l’appui des services de l’État – les autorités régionales de santé, les préfectures et tant d’autres.

Les résultats de cette mission sont attendus pour la fin du mois de mai ou le courant du mois de juin, et je puis vous l’affirmer, madame la rapporteure, je partage votre souhait que nous ne prenions pas dix-huit mois pour prendre cette ordonnance, que nous puissions le faire de manière extrêmement accélérée.

Au-delà de tout cela, le Gouvernement reste très attentif à toutes les propositions susceptibles d’améliorer les dispositifs existants. C’était vraiment l’état d’esprit qui régnait dans cette enceinte et dans celle de l’Assemblée nationale au moment de l’examen de la loi ÉLAN, et vous pouvez être sûrs, mesdames, messieurs les sénateurs, que c’est dans le même état d’esprit que je me tiens devant vous, cet après-midi.

Je veux revenir sur de nombreux points de votre proposition de loi, monsieur Gilles.

D’après ce que Mme la rapporteure et vous avez indiqué, je comprends que la commission des affaires économiques souhaiterait disposer de plus de temps, en raison notamment de déplacements et d’auditions supplémentaires, pour approfondir la réflexion sur les moyens de rendre plus efficace l’action contre l’habitat indigne, ce que je salue et soutiens fortement. Néanmoins, si je peux me le permettre, je veux vous livrer tout de même quelques premières analyses à propos de cette proposition de loi.

Je partage avec vous la volonté de renforcer l’amende en cas de manquement à l’obligation de déclaration préalable de mise en location. Par exemple, la mairie de Marseille, si j’en crois les dernières informations, a décidé d’instituer le permis de louer, comme ce fut le cas à Aubervilliers.

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