Intervention de Nadia Sollogoub

Réunion du 5 mars 2019 à 14h30
Lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Nadia SollogoubNadia Sollogoub :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, si ce qui s’est passé à Marseille est fort heureusement exceptionnel, cet événement n’en demeure pas moins révélateur d’une situation indigne de la France. Aussi, je tiens à remercier notre collègue Bruno Gilles de son volontarisme et à l’assurer de la mobilisation du groupe Union Centriste sur ce sujet.

Les communes sont en première ligne dans la lutte contre l’habitat indigne ou dangereux. Les problématiques de l’habitat insalubre semblent essentiellement associées aux banlieues dégradées, aux grandes agglomérations, aux tours et aux barres des années 1970, dont les besoins sont légitimes et urgents. Nous ne devons néanmoins pas oublier que ce mal sévit également en dehors des zones urbaines. Mme la rapporteure l’a très justement souligné dans son rapport, l’habitat indigne et insalubre est bien un phénomène touchant tous nos territoires.

Les marchands de sommeil existent en effet partout : je pense à Imphy, une commune de la Nièvre connue pour ses aciéries historiques, dont la municipalité m’a récemment interpellée, car elle se sentait totalement désarmée, démunie, face au phénomène spéculatif. Reconversion de cités minières ou industrielles, transformation expéditive de bâtiments anciens en quelques appartements de fortune, voilà quelle est la réalité quotidienne.

En zone rurale, nombreuses sont, par ailleurs, les situations, souvent anciennes, de dégradation progressive ; cela concerne en grande partie des personnes âgées, occupant des logements vétustes, voire dangereux. L’identification et le traitement de ces zones dégradées sont particulièrement difficiles ; la typologie des occupants est très particulière, certains d’entre eux considérant même que leur logement n’est pas objectivement dégradé.

Le niveau de ressources, le sentiment de ne pas être éligible à des subventions, une culture qui ne porte pas à solliciter des aides, une forme de pudeur, la difficulté à se projeter dans des travaux qui bousculeront son quotidien ou à quitter un logement dans lequel on a toujours vécu empêchent d’atteindre cet objectif de rénovation de l’habitat insalubre.

Puis, il existe le stade suivant, dont je n’ai pas entendu parler, celui de la ruine inoccupée, dans le bourg, que les élus voient lentement se dégrader, tout en faisant le constat de leur impuissance. Il s’agit aussi, réellement, d’un habitat dangereux ; je pense ainsi à M. le maire de Saint-Saulge qui, le jour de ma visite dans sa commune, a dû faire déguerpir une bande d’adolescents qui, ne croyant pas mal faire, jouait dans une maison menaçant de s’effondrer.

Quels sont, en tel cas, les recours de la municipalité ? Certains bâtiments doivent purement et simplement être détruits. Or voici ce que prévoit la loi : le maire qui a connaissance de tels faits peut, sur sa propre initiative, engager une procédure de péril ; il doit saisir le tribunal administratif afin que celui-ci désigne un expert chargé, dans les vingt-quatre heures, de constater ou non le péril imminent. Tout cela semble d’une simplicité enfantine, mais, je vous le demande, monsieur le ministre : qui prend en charge la rémunération de cet expert ?

Je vais vous parler de celui que j’ai rencontré, l’été dernier, à Cessy-les-Bois. Sur le territoire de cette commune, une bâtisse menaçait ruine et présentait un réel danger. Il s’agit d’une commune de 104 habitants. La propriétaire du bâtiment en question était une dame anglaise injoignable, mais il aurait pu tout aussi bien s’agir d’une succession dont on ne retrouve pas les héritiers, d’une copropriété dont les différents membres ne s’entendent pas, des suites d’un divorce dans lequel chacun des conjoints renvoie l’affaire à l’autre, de propriétaires insolvables ou qui, simplement, comme à Neuvy-sur-Loire, refusent de payer ; bref, qui paie l’expert permettant d’initier la procédure ?

À Cessy-les-Bois, à Saint-Saulge, à Neuvy-sur-Loire et dans tant d’autres communes de France, on économise sur chaque dépense de fonctionnement ; et, s’il faut choisir entre des travaux dans l’école et l’expertise d’une ruine dont le propriétaire est défaillant, le choix sera simple.

Aussi, monsieur le ministre, je profite de l’occasion qui m’est donnée dans cette discussion générale pour appeler votre attention sur le fait qu’il faut impérativement prévoir un fonds, un mécanisme, une prise en charge de ces frais d’expertise. Si l’État souhaite réellement éradiquer, sur l’ensemble du territoire national, l’habitat devenu trop dangereux pour être occupé ou pour être reconverti, alors il faut prévoir un mécanisme qui permette de travailler aussi sur les bâtiments en péril. Il ne peut laisser les élus de proximité seuls face à ces lourdes responsabilités.

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