Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, alors que le Gouvernement s’est pleinement saisi, depuis le début du quinquennat, de la lutte contre l’habitat indigne, le terrible effondrement du 5 novembre dernier, rue d’Aubagne à Marseille, nous a rappelés à une triste réalité ; l’habitat indigne perdure, et c’en est trop.
L’État, les élus locaux que nous sommes ou, en tout cas, que nous avons été et les collectivités souhaitent pouvoir agir de manière plus sévère, plus efficace, plus rapide et, surtout, plus coordonnée. En effet, le manque de lisibilité des compétences respectives fait que, trop souvent, chacun se renvoie la balle.
Aussi me paraît-il nécessaire de rappeler, à l’instar de M. Bruno Gilles, les différences, qui ne sont pas toujours bien comprises, entre habitat indécent, habitat insalubre et habitat dangereux. Le pouvoir de police générale du maire s’articule avec les pouvoirs de police spéciale d’une façon qui n’est pas toujours claire, d’autant que l’insalubrité relève de la compétence de l’État, même si la mairie, en tout cas pour les plus importantes, possède parfois un service communal d’hygiène et de santé. Il en résulte des difficultés à définir qui fait quoi, et dans quels délais.
Je comprends donc la démarche de mon collègue marseillais, Bruno Gilles, et les avancées qu’il a voulu mettre en place pour lutter contre l’habitat indigne afin d’atténuer les difficultés que je viens d’esquisser. Cette proposition de loi vise à renforcer les capacités de contrôle et d’intervention des collectivités territoriales, à accélérer les délais de réponse des pouvoirs publics face aux situations d’insalubrité et de dangerosité et, enfin, à aggraver les sanctions contre les marchands de sommeil.
Un des points les plus pertinents qu’elle contient est la volonté d’actionner des leviers de prévention, au moyen de l’introduction de sanctions contre l’inaction d’un propriétaire, et de prévenir le passage des habitations d’une insalubrité remédiable à une insalubrité irrémédiable, afin de résorber au mieux les situations avant qu’elles ne deviennent trop critiques.
Le Gouvernement connaît l’ampleur du problème et a d’ailleurs fait de la lutte contre l’habitat indigne une priorité ; j’en profite pour saluer, monsieur le ministre, votre action lors de votre venue à Marseille, à laquelle j’étais associé. Je sais l’attachement du Gouvernement à protéger les plus vulnérables, pour offrir à chacun un logement respectueux de la dignité.
Je veux revenir sur trois faits parlants.
D’abord, dans la lignée de la loi ALUR, la loi ÉLAN, adoptée en fin d’année dernière, a habilité le Gouvernement à prendre, par voie d’ordonnance, des mesures concrètes pour simplifier les mécanismes de lutte contre l’habitat indigne, en permettant, par exemple, un meilleur repérage des bailleurs indélicats. Cette ordonnance a également pour objectif de favoriser le regroupement des compétences et procédures afin de rendre l’action publique plus efficiente en la matière.
Ensuite – dernier exemple en date –, une circulaire a été publiée le 8 février dernier afin, justement, d’améliorer la coordination de l’action des services de l’État et de renforcer l’efficacité de la réponse pénale. Le manque de coordination, la multiplicité d’acteurs jouent en effet, selon la Cour des comptes, en défaveur des politiques du logement. Aussi, cette circulaire rappelle l’importance de l’action des pôles départementaux de lutte contre l’habitat indigne, les PDLHI, qui devront établir, avant le début de juin 2019, un plan départemental pluriannuel, et elle incite à la mise en place de groupes locaux de traitement de la délinquance liée à l’habitat indigne.
Enfin, à l’occasion d’une question d’actualité au Gouvernement posée à la suite du drame de la rue d’Aubagne, vous avez rappelé, monsieur le ministre, la nécessité de travailler sur les délais pour favoriser l’action des maires et vous avez souligné les difficultés actuelles de relogement.
Notre pays compte près de 450 000 habitats indignes ou insalubres ; près de 1, 3 million de personnes sont touchées par ce drame quotidien de la pauvreté. Cela comprend, on l’entend, d’abord, les composantes matérielles, mais le mal-logement prend aussi souvent la forme d’une suroccupation.
La commission a eu l’occasion d’en discuter, la qualité du travail de M. Gilles sur ce sujet important qu’est l’habitat indigne et les pistes explorées par cette proposition de loi vont dans le bon sens. Celle-ci cherche à parfaire les mécanismes de la loi ALUR en cernant avec davantage d’acuité le profil des marchands de sommeil, mais elle vise aussi à donner de nouvelles marges de manœuvre aux collectivités locales chargées de lutter contre l’habitat indigne.
Ce combat ne peut se concevoir que dans une politique globale du logement et, disons-le clairement, de lutte contre la pauvreté et la fragilité sociale. En effet, les locataires mais aussi des propriétaires en situation de précarité n’osent pas toujours entreprendre des démarches, faute de moyens pour les seconds, par peur de représailles pour les premiers. Le travail des pouvoirs publics face aux marchands de sommeil s’en trouve d’autant plus compliqué.
Toutefois, le sujet appelle à un peu plus de temps de réflexion. Ce délai me paraît nécessaire, notamment au vu de la mission confiée par le Premier ministre à deux députés, dont la députée marseillaise Alexandra Louis, sur le sujet, et dont les conclusions devraient être rendues d’ici à la fin de mai 2019.
Aussi, le groupe LaREM votera pour la motion de renvoi en commission, un vote bienveillant, qui nous laissera le temps d’évaluer et d’élaborer au mieux de nouveaux outils pour lutter contre ce véritable fléau qui touche les zones urbaines comme rurales, les locataires comme les propriétaires.
Cette proposition de loi, qui nous concerne tous et dont la réflexion doit s’inscrire dans une vision plus large, dans une vision politique de logement juste et pérenne, fera, je l’espère, l’objet de discussions plus nourries au début de l’été.