Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, cette proposition de loi de Bruno Gilles nous permet d’évoquer un sujet important pour nos concitoyens, d’autant qu’il est souvent leur premier poste de dépenses, celui du logement et, plus particulièrement, du droit à un logement décent.
Même si la loi ÉLAN prévoit des mesures pour renforcer la lutte contre l’habitat indigne, beaucoup reste à faire concrètement sur le terrain, et l’actualité récente nous l’a rappelé à plusieurs reprises.
Au travers de cette question du logement, de nombreuses problématiques se font jour : enjeux économiques, territoriaux, sanitaires, sociétaux. Selon un récent rapport de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, le mal-logement coûte aux pays de l’Union européenne près de 194 milliards d’euros par an, en coûts directs et indirects. Si on compare cette somme aux 295 milliards d’euros d’investissements nécessaires pour la remise à niveau du parc immobilier en Europe, on constate que la rentabilité d’un tel investissement serait rapide pour l’État, pour ses entreprises et pour les Français.
En France, les chiffres parlent d’eux-mêmes ; si le taux de logement insalubre est, à Marseille, supérieur à la moyenne, avec environ 40 000 logements, soit 35 % du parc, le chiffre reste élevé dans beaucoup de régions de France, avec, par exemple, 10 % dans le nord de la France. C’est toujours trop.
La Fondation Abbé Pierre évalue à 3, 8 millions le nombre de personnes mal logées, mais elle estime en outre que 12 millions de personnes sont susceptibles de basculer dans cette catégorie, au vu de la cherté des loyers et des charges. Au total, plus de 15 millions de personnes seraient touchées par la crise du logement, soit près d’un Français sur quatre, principalement dans les grandes villes et les centres-villes.
Face à ce constat, il est primordial d’agir à la fois sur le volet répressif – c’est l’objet de la présente proposition de loi –, mais également sur le volet préventif, non traité dans ce texte. En effet, pour agir efficacement, la prévention est essentielle. Les logements insalubres doivent être mieux identifiés. Pour cela, le travail de repérage sur le terrain, fondé principalement sur des signalements d’occupants ou de propriétaires, est essentiel.
À la suite de ces signalements, les services de l’État et ceux des communes peuvent réagir et décider si des travaux permettront de remédier à la situation d’insalubrité constatée.
Les moyens octroyés aux agences régionales de santé –bras armés de l’État pour identifier les logements insalubres – doivent être renforcés ; les réduire reviendrait à vouloir lutter contre la délinquance en supprimant des effectifs dans la police…
Si le nombre de logements indignes a diminué, passant de 600 000 à 400 000 au cours des dix dernières années, il est maintenant nécessaire de réduire le délai entre le temps du signalement et le temps de l’intervention, pour éviter des drames comme celui de Marseille.
Il convient également de se préoccuper de l’insalubrité des logements dans les zones périurbaines, essentiellement peuplées de propriétaires occupants. Pour ce faire, il est notamment nécessaire communiquer davantage et mieux sur les aides à la rénovation disponibles.
Le grand débat national nous permet de constater, à chaque réunion, que l’éloignement de la chose publique entraîne non seulement une méconnaissance forte des institutions et du modèle social français, mais aussi une ignorance des possibilités qu’offrent les dispositifs mis en place par l’État ou par les collectivités. Cela est notamment vrai pour les aides aux travaux d’isolation et de rénovation, le rapport coût-avantages étant, en outre, compliqué à appréhender pour les ménages.
Ainsi, selon le baromètre « habitat sain 2018 », les deux tiers du parc ont été construits avant l’entrée en vigueur des premières réglementations thermiques, en 1979, et seuls 10 % des logements sont classés, sur le plan énergétique, en catégorie A ou B. Parallèlement, de 1 % à 2 % seulement du parc immobilier est rénové chaque année.
Pour lutter efficacement contre l’habitat insalubre, il faut, plutôt que d’être dans la réaction à des situations dramatiques, privilégier l’anticipation et la prévention constructives.
Concernant le volet répressif, certaines mesures de la proposition de loi vont dans le bon sens. Il convient de renforcer les capacités de contrôle et d’intervention des collectivités locales, d’accélérer les procédures et, surtout, de les simplifier.
Sous l’égide de grands principes ou de politiques nationales, et avec l’appui d’administrations et d’agences, c’est bien aux collectivités qu’il revient de piloter ces volets de l’action publique territoriale. J’espère d’ailleurs que la mission confiée au député Guillaume Vuilletet contribuera à simplifier et à harmoniser le dispositif législatif et réglementaire actuel non seulement pour le rendre plus efficace et simplifier la vie des collectivités locales, mais aussi pour assurer une meilleure appréhension par les habitants des possibilités offertes par les politiques publiques en la matière. La proximité est une donnée essentielle en matière de logement. Elle pourra être incarnée par les collectivités territoriales.
Mais ce renforcement des sanctions ne sera pertinent que s’il est accompagné de contrôles plus importants et des moyens humains et financiers adéquats. L’État ne pourra se défausser sur les territoires : le nouveau cadre devra prévoir la répartition des moyens humains et financiers appropriés.
Le groupe Les Indépendants soutiendra la motion tendant au renvoi de la proposition de loi à la commission présentée par la rapporteure afin de permettre un examen plus approfondi de ce texte et d’étoffer les mesures proposées.
L’existence de logements insalubres en France est un fléau qu’il faut combattre de façon déterminée au moyen d’une politique publique volontariste, en mettant l’accent sur les volets répressif et préventif.