Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, quatre mois jour pour jour après que huit Marseillais ont perdu la vie dans l’effondrement de leur immeuble situé à quelques centaines de mètres du Vieux-Port, et donc de la mairie centrale, nous sommes invités à nous prononcer sur une proposition de loi visant à lutter contre l’habitat indigne dans notre pays.
La France, qui serait l’un des pays les plus riches du monde, compte près de 450 000 logements insalubres, dont 40 000 à Marseille !
À ces élus marseillais et marseillaises qui cherchent à se racheter une virginité politique à Paris, je rappellerai que j’avais déposé sur le bureau du Sénat, dès le mois de novembre dernier, une proposition de résolution visant à la création d’une commission d’enquête pour faire toute la lumière sur les responsabilités des élus phocéens, rappelant fortement ce que l’on appelle le « front républicain », dans ce drame de la rue d’Aubagne. Je vous invite à la soutenir ; elle aurait dû être un préalable à toute discussion sereine sur le sujet.
Le texte qui nous est présenté vise à inverser la tendance en matière de permis de louer : après deux mois sans réponse de la commune, le permis serait désormais automatiquement refusé.
Soit dit sans vouloir faire de généralités, quand on connaît la difficulté des services à assurer leurs missions quotidiennes, parier sur une telle réactivité relève du rêve, au regard de l’ampleur du phénomène de l’habitat indigne, sauf à embaucher de nombreux agents, de préférence compétents. À cet égard, je rappelle que le service communal d’hygiène et de santé de la ville de Marseille ne comprenait que quatre agents jusqu’en 2016, l’agence régionale de santé affirmant qu’ils n’étaient même pas formés !
Alors que vous proposez, mon cher collègue, de combattre les marchands de sommeil par plus de contrôle et plus de répression – il faut le faire –, la hausse des refus de permis de louer entraînera inévitablement une hausse des locations clandestines, via ce que l’on appelle communément les marchands de sommeil. Les familles en recherche urgente de logement, nombreuses à Marseille, n’auront d’autre recours que d’accepter une location sans bail, avec toutes les dérives que cela peut impliquer.
Je voudrais rappeler que nombre de petits propriétaires ne peuvent plus assumer les travaux nécessaires, faute de percevoir les loyers de locataires mauvais payeurs, squatteurs ou clandestins. Protéger les locataires, oui, mais n’oublions pas les difficultés des petits propriétaires.
Je tiens également à rappeler que le premier marchand de sommeil reste l’État : la réduction drastique de ses dotations aux communes ne permet pas aux villes les plus pauvres, à l’instar de Marseille, d’assumer la totalité de leurs charges, surtout quand, localement, les choix financiers calamiteux se succèdent. Et si la municipalité n’a pas été à la hauteur, où sont les millions promis à Marseille par les marchands de sommeil, et accessoirement Premiers ministres, Jean-Marc Ayrault et Manuel Valls ?
Il n’est jamais bon de prendre des décisions dans la précipitation, dans un contexte encore marqué par l’émotion. Le renvoi du texte à la commission semble donc opportun. Je vous mets en garde, mon cher collègue et voisin marseillais, contre les effets pervers que la mise en œuvre de vos propositions pourrait, en définitive, engendrer. Il ne faudrait pas que la thérapie aggrave l’état du malade. Un malade, Marseille, qui ne souffre pas seulement de l’indignité de trop nombreux logements, mais aussi de l’insalubrité de ses écoles. Après avoir été mise sous surveillance par l’État pour son habitat indigne, Marseille est désormais sous contrôle du ministre pour l’insalubrité de ses établissements scolaires. J’en viens à me demander s’il ne serait pas plus pertinent, plutôt que de changer la loi, de changer le personnel politique qui est aujourd’hui censé l’appliquer !