Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il devrait être impossible, inconcevable de se faire de l’argent au détriment de vies, en logeant des personnes dans des conditions indignes et dangereuses pour leur santé. Et pourtant, en France, la location de logements insalubres est encore, en 2019, un marché dont profitent les marchands de sommeil et qui fait des victimes. En 2013, encore 10 % du parc de logements présentait au moins trois des « défauts graves » identifiés par l’Insee. La crise du logement n’est pas une raison suffisante pour qu’une partie de nos concitoyens en soit réduite à se loger dans des conditions indécentes.
Le groupe Union Centriste et moi-même sommes heureux d’avoir l’occasion d’étudier cette proposition de loi, qui a pour objet d’améliorer les dispositifs en vigueur pour lutter contre ce fléau d’un autre âge. Je tiens à remercier notre collègue Bruno Gilles pour son précieux travail d’identification des carences actuelles et ses propositions ambitieuses.
Je souhaite appeler l’attention sur l’amendement que j’ai déposé avec plusieurs de mes collègues, visant à insérer un article additionnel après l’article 4, dont l’objet est de renforcer les capacités d’intervention des collectivités territoriales en matière de logements insalubres ou dangereux.
La question qui sous-tend cet article est celle du non-enclenchement des procédures lorsqu’il est avéré que des personnes vivent dans un logement s’apparentant à une « mine de salpêtre » ou à un « château de cartes ». En effet, comment de petites communes pourraient-elles se substituer à des propriétaires défaillants si elles n’ont pas la capacité financière de déconstruire ou de démolir un habitat présentant un risque de péril ? Sur 2, 8 millions de logements présentant au moins trois défauts graves, un cinquième, soit 560 000 logements, se trouvent dans des communes rurales ! Les territoires urbains n’ont donc pas l’exclusivité des logements à l’état préoccupant.
Soit nous assumons le fait que des communes rurales doivent se résoudre à ne pas engager de procédure, faute de certitude en matière de financement, soit nous dédions à ces opérations de déconstruction ou de démolition une part des crédits de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, attribués dans les départements. Tel est l’objet de notre amendement, qui vise à consacrer 5 % de cette dotation à la lutte contre l’habitat insalubre ou dangereux. L’État ne doit pas fermer les yeux sur la détérioration de ces logements. Il doit être cohérent, et allouer les moyens nécessaires à ces enjeux, les réponses devant être adaptées, comme l’a très justement rappelé Mme la rapporteure, aux territoires.
Nous estimons en outre qu’il serait bon de ne pas se cantonner à l’intervention de l’ANAH, qui ne vise que les immeubles à usage de logement. En effet, nous considérons que davantage doit être fait en matière de financement de la déconstruction ou de la démolition de l’habitat en péril, pour répondre à une situation particulière à laquelle les autorités locales en milieu rural sont de plus en plus fréquemment confrontées. Davantage de certitudes quant aux moyens financiers disponibles, c’est l’assurance d’une action tangible de nos collectivités, même les plus petites d’entre elles.
Si le mal-logement a considérablement reculé en France ces dernières décennies, trop de foyers français vivent encore dans des conditions dignes de l’époque des Rougon-Macquart. Le drame de Marseille ne doit plus se reproduire. Nous ne pouvons pas abandonner nos communes, grandes ou petites, dans leur action en faveur de ce droit essentiel qu’est l’accession à un habitat décent. Nous soutiendrons toutes les mesures allant en ce sens et voterons la motion tendant au renvoi du texte à la commission, afin de permettre à celle-ci de travailler de manière plus approfondie.