Intervention de François Calvet

Réunion du 5 mars 2019 à 14h30
Lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux — Suite de la discussion d'une proposition de loi

Photo de François CalvetFrançois Calvet :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui, sur l’initiative de mon cher collègue Bruno Gilles, un texte de circonstance, qui fait suite au drame survenu rue d’Aubagne, à Marseille, le 5 novembre 2018.

Les logements insalubres ou dangereux ne sont pas l’exclusivité de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, tous les maires ou présidents d’EPCI pouvant être confrontés à un drame tel que celui de Marseille, avec l’effondrement d’immeubles ou de bâtiments menaçant ruine.

Ainsi, à Perpignan, dans mon département des Pyrénées-Orientales, l’effondrement en 2006 d’une partie de l’îlot de la place du Puig a fait un mort et plusieurs blessés. Plus récemment, en 2014, toujours au cœur de la capitale catalane, dans le quartier historique de Saint-Jacques, un immeuble s’est écroulé, ce qui a déclenché une prise de conscience et une série de décisions de la part des autorités pour prendre en compte la situation de ces logements insalubres ou dangereux. Ainsi, la mairie de Perpignan, en partenariat avec la direction de l’hygiène et de la santé, a dressé un bilan de ces habitats et a procédé à un nombre record d’interventions en 2018 : 218 visites de contrôle ont donné lieu à la prise de dix arrêtés de péril imminent !

Au regard de cet inquiétant constat, je salue cette proposition de loi, qui va dans le bon sens pour améliorer la lutte contre l’habitat indigne ou dangereux. En effet, force est de constater que l’arsenal juridique important inscrit dans le code de la santé publique, le code général des collectivités territoriales, le code de la construction et de l’habitation et le code de la sécurité sociale ne suffit pas à traiter de manière cohérente, efficiente et efficace l’ensemble des situations que nous rencontrons aujourd’hui.

Je pense en particulier à la prise en compte de la dignité humaine. L’habitat indigne est un secteur lucratif et, bien souvent, ce sont des familles en grande précarité qui vivent dans ces logements et se trouvent confrontées à des propriétaires « marchands de sommeil » sans scrupules, qui contournent la réglementation.

À cet égard, je souhaiterais souligner la nécessité de mener une réflexion sur la question des aides au logement versées par les CAF et les caisses de la Mutualité sociale agricole. Dans certains cas, malheureusement, ces aides alimentent la rentabilité de la location de logements indignes, voire encouragent celle-ci. En effet, les propriétaires de ces logements minimisent le risque locatif en alignant le loyer sur le niveau des aides au logement et en sollicitant le versement direct de ces aides à leur profit, ce qui entretient un système délétère.

En ce qui concerne l’aspect humain et social, l’article 3 du texte vise à ouvrir aux associations la possibilité de saisir la justice, en permettant aux locataires concernés de se constituer parties civiles. Cela permettra de rééquilibrer le rapport de force avec les propriétaires « marchands de sommeil ».

De même, les dispositions tendant à encadrer la délivrance du « permis de louer », avec l’instauration d’une décision implicite de refus en l’absence de réponse au bout de deux mois après le dépôt de la demande, ou à renforcer les sanctions contre les « marchands de sommeil », avec la possibilité de consulter le casier judiciaire d’une personne sollicitant un « permis de louer » ou un « permis de diviser », permettront d’améliorer le dispositif réglementaire et inciteront certainement les maires ou les présidents d’EPCI à recourir à ce mécanisme.

Certes, cette proposition de loi ne réglera pas la question du traitement des quartiers insalubres ou dangereux nécessitant une réhabilitation, car menaçant péril. Comme je le disais en commission, en cas d’insalubrité, faut-il rénover ou tout raser ?

À court terme et très concrètement, ce texte permettra néanmoins de faire cesser certains comportements abusifs en prenant le problème à la racine. Il amorcera ainsi les changements indispensables qu’exigent, d’une part, la rénovation urbaine, notamment par la simplification de l’expropriation prévue à l’article 4, et, d’autre part, l’effectivité du droit, pour les familles en situation de précarité, de se loger dignement.

Je soutiendrai la motion tendant au renvoi du texte à la commission, afin de permettre à celle-ci d’approfondir la réflexion. Par ailleurs, je vous invite, madame le rapporteur, à venir à Perpignan, où l’habitat indigne présente la spécificité de s’inscrire sur une trame moyenâgeuse.

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