Madame la présidente, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, comme nous le rappelle la Fondation pour l’enfance, « violenter son enfant, c’est le marquer pour longtemps ».
Pourtant, les chiffres illustrent une sombre réalité. Toujours selon la Fondation pour l’enfance, en 2013 – c’était hier –, 85 % des parents français avaient recours à des violences dites éducatives et plus de 50 % des parents commencent à frapper leur enfant avant l’âge de deux ans, persuadés par l’éducation qu’ils ont eux-mêmes reçue que cela leur a été utile et profitable.
Le Défenseur des droits le confirmait en 2015 : « en France, de nombreux parents continuent à considérer la fessée et la gifle comme des actes sans conséquence pour l’enfant et les perçoivent comme un moyen éducatif ».
Muriel Salmona nous apprend que 75 % des maltraitances auraient lieu dans un contexte de punitions éducatives corporelles, et ce malgré l’article 19 de la convention internationale des droits de l’enfant qui dispose que « les États parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales […] pendant qu’il est sous la garde de ses parents ou de l’un d’eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié » ; malgré l’article 17 de la Charte sociale européenne qui précise que les États membres « s’engagent à prendre […] toutes les mesures nécessaires et appropriées [pour] protéger les enfants et les adolescents contre la négligence, la violence ou l’exploitation » ; malgré le fait que nous, parents, apprenons à nos enfants à écouter, à ne pas crier, à ne pas frapper ; et malgré le fait, enfin, que lors de discussions animées, au cours desquelles nous pouvons connaître des désaccords ou avoir un moment de franche colère, il n’est pas acceptable qu’une personne adulte y réponde par une gifle.
Mesdames, messieurs les sénateurs, aujourd’hui encore, dans notre pays, il y a une absence d’interdiction formelle des violences éducatives en droit interne, où subsiste encore cette notion jurisprudentielle de « droit de correction ».
Cela a conduit le Comité européen des droits sociaux à constater, en 2015, pour la quatrième fois, la violation de l’article 17 de la Charte sociale européenne par la France. Notre pays reste l’un des cinq derniers de l’Union européenne à ne pas avoir intégré dans son droit cette interdiction.
Mais l’interdiction de toute forme de violence à l’égard des enfants va de pair – je vous rejoins sur ce point, madame la rapporteure – avec la mise en place d’un plus grand soutien à la parentalité par des actions de sensibilisation et de prévention.
L’expression de certaines violences au sein des familles est la manifestation de difficultés rencontrées par les parents dans l’éducation de leurs enfants. Il ne s’agit pas de justifier, bien évidemment, il ne s’agit pas non plus de culpabiliser ni d’adopter un comportement moralisateur : il s’agit tout simplement de faire comprendre aux parents qu’ils peuvent agir autrement. Dans certains cas, les parents ont aussi besoin d’être aidés et accompagnés. Trop peu ont le réflexe de se tourner vers un lieu d’accueil, d’écoute ou d’information des familles.
J’aimerais rappeler en cet instant la mise en place, par la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, de la stratégie nationale de soutien à la parentalité pour la période 2018-2022.
Oui, la parentalité constitue un des piliers majeurs de la stratégie de protection de l’enfance que nous déployons et dont j’ai désormais la charge.
Oui, le Gouvernement est pleinement engagé dans l’aide à la parentalité. Je vous rappelle que 130 millions d’euros seront engagés d’ici à 2022 à cette fin.
En accompagnant les parents, reconnus comme étant les premiers éducateurs de l’enfant, en les soutenant au quotidien, nous souhaitons ainsi désamorcer toute situation potentiellement conflictuelle et prévenir toute forme de violence.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, vous connaissez l’importance que nous attachons à cette cause et vous la partagez. Ni cette proposition de loi ni celle de la députée Maud Petit ne sont des textes de symbole ou d’affichage. Elles sont l’aboutissement d’un long combat, et je tiens à saluer à mon tour la docteur Edwige Antier pour son engagement depuis de longues années, les députés Maud Petit et François-Michel Lambert, dont le travail et la détermination ont permis, en novembre 2018, alors que j’étais encore député, le vote à la quasi-unanimité de la proposition de loi relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires.
Je souhaite également vous saluer, madame Rossignol, à la fois pour l’ensemble de votre œuvre passée et pour cette initiative, même si d’aucuns auraient pu préférer que vous repreniez le texte de Maud Petit puisque, au final, deux textes identiques, mais distincts, vont être adoptés.
Nous, députés, sénateurs, membres du Gouvernement ne devons avoir qu’une urgence, qu’un but, qu’une obsession : protéger nos enfants. C’est à l’aune de ces mesures que nous serons jugés par les générations futures.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, vous allez voter – je le pense, je l’espère – pour une proposition de loi visant à lutter contre toutes les violences éducatives ordinaires. Violences éducatives ? Violences ordinaires ? La combinaison de ces mots illustre d’elle-même la nécessité de les combattre, car aucune violence ne sera jamais éducative, aucune violence ne sera jamais ordinaire – c’est ce double oxymore que vous souligniez, madame la sénatrice et madame la rapporteure.
La convention internationale des droits des enfants ne peut, en 2019, célébrer ses trente ans sans l’adoption d’une proposition de loi contre ces violences éducatives ordinaires. Il est question aujourd’hui non pas d’en faire un débat moral, mais bien d’affirmer haut et fort notre attachement aux droits fondamentaux de nos enfants.
Voilà quelques décennies, on considérait aussi la violence faite aux femmes comme une affaire privée. Nous en payons toujours les conséquences à l’heure actuelle. La violence, qu’elle s’exerce contre un adulte ou un enfant, n’est jamais une réponse.
En tant que secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé chargé de la protection de l’enfance, j’espère que cette proposition de loi recevra un accueil favorable par votre assemblée. Par conséquent, je me réjouis par avance de l’accueil favorable que vous réserverez à la proposition de loi de Maud Petit, qui viendra prochainement en discussion devant vous, afin qu’elle puisse être appliquée dans les meilleurs délais, pour le bien de nos enfants, mais aussi, en réalité, de notre société tout entière.