Intervention de Olivier Dussopt

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 6 mars 2019 à 9h00
Proposition de loi tendant à améliorer la lisibilité du droit par l'abrogation de lois obsolètes — Procédure de législation en commission articles 47 ter à 47 quinquies du règlement - examen du rapport et du texte de la commission

Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics :

Je m'associe à ces remerciements. Le Gouvernement considère avec bienveillance cette proposition de loi, élaborée en lien avec les ministères.

Cette volonté de simplification et de lisibilité du droit dépasse les clivages habituels et rejoint même ce qui fait l'essence du Parlement : veiller à la qualité des lois et s'assurer de la pertinence et de l'applicabilité des textes en vigueur, pour un ordonnancement juridique cohérent.

Cette proposition de loi a été rédigée de façon originale, autour de la « mission B.A.L.A.I. », et de manière itérative. La mission a engagé des discussions avec les administrations pour qu'elles identifient les normes devenues à leurs yeux obsolètes dans leur périmètre. Réalisé en bonne intelligence, ce travail a porté ses fruits puisque cette proposition de loi tend à abroger pas moins de 44 dispositions perçues comme obsolètes.

La saisine du Conseil d'État a permis de sécuriser son contenu. Cette faculté offerte au président de l'Assemblée nationale ou à celui du Sénat pour les propositions de loi, depuis la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, est d'ailleurs peu utilisée.

Ce texte est à la fois nécessaire et bienvenu. La complexité de notre corpus juridique a été identifiée non seulement comme un enjeu démocratique, mais aussi comme un handicap économique. Il existe trop de normes, obsolètes ou non. Cet ordonnancement juridique est illisible, souvent inapplicable, mais aussi effrayant : mettons-nous à la place de des entrepreneurs français ou des investisseurs étrangers, qui ont besoin de sécurité, de stabilité et de simplicité pour développer leur activité en France.

Le constat n'est pas nouveau. Dans un rapport publié en 1991 par le Conseil d'État sur la sécurité juridique, il était écrit : « Quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu'une oreille distraite. » Depuis lors, le Conseil d'État a publié deux autres rapports sur la sécurité juridique et la complexité du droit, en 2006 et 2016, preuve que le sujet n'a pas encore trouvé d'issue parfaitement satisfaisante.

C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de prendre le problème à bras-le-corps depuis 2017 en lançant un nouveau mouvement de simplification et de lisibilité du droit. Ainsi, la circulaire du Premier ministre du 26 juillet 2017 prévoit l'abrogation de deux normes de niveau réglementaire pour toute nouvelle norme du même niveau. De même, le Gouvernement s'est engagé à prévoir un volet « simplification » dans chaque projet de loi, plutôt que de recourir à de grandes lois de simplification, dont le Conseil d'État, dans les rapports précités, a pointé les lacunes et les insuffisances.

Surtout, le Gouvernement entend changer le rapport à la norme. Ce chantier colossal consiste à adapter la norme à la réalité du terrain, plutôt que l'inverse. C'est la philosophie qui sous-tend la loi du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance, qui prévoit la transparence et l'accessibilité de tous les textes réglementaires, y compris les circulaires, l'opposabilité des réponses de l'administration à une sollicitation d'un administré et plusieurs cas de rescrits.

Cette philosophie s'incarne dans le chantier de transformation de l'action publique qui doit permettre aux ministères de rénover leur fonctionnement et leur action, en améliorant la qualité de leurs services et donc de leur production normative.

Cette volonté trouve un relief particulier dans l'initiative France Expérimentation, qui permet aux acteurs économiques de demander à l'administration des dérogations réglementaires pour mener à bien un projet innovant dans un calendrier délimité.

Au-delà des dérogations de nature réglementaire, France Expérimentation couvre aussi le domaine de la loi en proposant si nécessaire des dérogations de nature législative, pour peu qu'un appel à projets soit en cours. C'est le cas actuellement pour l'appel à projets « Territoires d'industrie ».

Certaines initiatives du Sénat en matière de simplification débouchent, comme c'est le cas de la présente proposition de loi, d'autres se sont heurtées à des difficultés, voire à des incompréhensions. Je vous assure de notre volonté d'avancer ensemble sur ces sujets-là. Ce texte s'inscrit dans ce mouvement général. Ce n'est qu'une étape, vous l'avez dit, madame la rapporteure. C'est une entreprise titanesque : plus les textes seront contemporains, plus ils seront, du fait de leurs aspects politiques ou juridiques, complexes à abroger. Mais nous devons le faire, car ce qui devrait être une parfaite pyramide, la pyramide des normes de Kelsen, ressemble aujourd'hui à une épaisse forêt de ronces. Les efforts de tous, administration, Gouvernement et Parlement, seront bienvenus pour faire le ménage dans ce labyrinthe.

Sous réserve de quelques menus aménagements, le Gouvernement se prononcera favorablement sur cette proposition de loi.

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