Avec mon collègue Georges Patient, nous avons décidé de nous pencher sur un des principaux dispositifs financés par la mission « Outre-mer », le service militaire adapté ou SMA. Nous avons choisi de nous déplacer à Mayotte car ce territoire connaît la situation la plus difficile, notamment en termes de chômage des jeunes. C'est le territoire où la problématique de l'insertion socioprofessionnelle est la plus complexe. Le SMA est un outil militaire créé en 1961, placé sous la direction du ministère des outre-mer. Il a pour mission principale de faciliter l'insertion dans la vie active des jeunes adultes ultramarins volontaires en situation de marginalisation. À cet effet, il propose, sous statut de volontaire dans les armées et dans un cadre militaire, un parcours socioprofessionnel destiné à renforcer leur employabilité. La formation, d'une durée moyenne d'un an, s'articule autour d'une remise à niveau dans les savoirs de base, d'une éducation citoyenne, d'une formation aux premiers secours et d'une préformation professionnelle, avec un parcours sanctionné par un diplôme et, enfin, le passage du permis de conduire. C'est un dispositif original et efficace.
Le dispositif apparaît comme particulièrement performant, puisque le taux d'insertion (stagiaires en emploi ou en poursuite de formation) des volontaires stagiaires atteint des niveaux très satisfaisants, entre 74 et 77 % sur les sept dernières années, eu égard aux caractéristiques socio-économiques des outre-mer et des jeunes sélectionnés, sur lesquelles reviendra plus précisément Georges Patient. Certains territoires, comme Mayotte, dépassent même les 90 % d'insertion réussie. Les résultats montrent en outre une tendance à l'augmentation de la qualité de l'insertion révélée, dans la quasi-totalité des territoires, par la part croissante des emplois durables. Ainsi, la part des volontaires stagiaires bénéficiant d'un emploi durable (CDI ou CDD long) dans les six mois suivant la fin de leur formation au SMA a augmenté de près de 20 points entre 2013 et 2016, passant de 34 à 53 %.
L'efficacité du dispositif repose en partie sur sa grande capacité à s'adapter aux besoins locaux. Les cadres du SMA entretiennent de manière permanente des liens de travail sur le développement des filières et les compétences à acquérir, avec les employeurs locaux. Lors de notre déplacement à Mayotte, nous avons ainsi pu assister au Conseil de perfectionnement (CP), qui se tient annuellement au sein de chaque SMA, et permet d'adapter les différentes formations aux débouchés, et en constater l'efficacité.
Ce dispositif revêt aujourd'hui une importance particulière, car il a connu une importante montée en puissance ces dernières années, sous le nom de « SMA 6000 ». En 2009, alors que le département de la Guadeloupe traversait une crise sociale, le gouvernement a décidé de doubler les effectifs accueillis par le SMA, qui sont donc passés de 3 000 en 2010 à 6 000 en 2017.
Dans ce contexte, les crédits du SMA ont connu une augmentation de plus de 60 % depuis 2010, atteignant 222,42 millions d'euros en crédits de paiement (CP) en 2017. Le coût moyen d'une formation au SMA s'élève à 36 740 euros en 2017. Ce coût a subi, au cours des dernières années, une baisse importante, qui est en réalité davantage imputable à l'abaissement de la durée des formations concomitante à « SMA 6000 », qui a permis d'en diminuer le coût unitaire. En neutralisant l'effet de la diminution de la durée de la formation, son coût reste stable. La Cour des comptes, qui a adressé cette année, dans son rapport public annuel, un satisfecit au dispositif, relève que le coût annuel est proche du service militaire volontaire (SMV) et supérieur à celui de l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi (EPIDE), aux emplois d'avenir ou à l'apprentissage. Cette comparaison nous semble toutefois devoir être nuancée notamment par l'existence de charges majorées en outre-mer, en matière de fonctionnement, de construction et de rémunération des effectifs d'encadrement, pouvant expliquer des surcoûts atteignant 50 % du montant des opérations et par l'implication du SMA dans la lutte contre les addictions et l'illettrisme.
Au total, notre rapport décrit un dispositif dont l'efficacité est établie et reconnue par l'ensemble des acteurs sur le terrain. D'importants défis restent toutefois à relever pour l'avenir.
Le principal enjeu porte sur le redéploiement des effectifs de volontaires du SMA en fonction des évolutions sociales et démographiques propres à chaque territoire. Jusque-là, la montée en puissance du SMA s'est faire de manière relativement homogène selon les territoires, en proportion des effectifs historiques. Nous estimons, à ce titre, que « SMA 6 000 » n'a pas suffisamment pris en compte les évolutions propres à chaque territoires. Le SMA connait ainsi des difficultés de recrutement dans les Antilles, en raison de l'épuisement des « viviers » de jeunes éligibles. Les taux de sélection y apparaissent ainsi proches du plancher, respectivement à 1,3 et 1,2 candidature par place en Guadeloupe et en Martinique. Dans les Antilles, la concurrence avec des dispositifs visant la même fin, bien que totalement distincts dans leurs modalités, comme la Garantie jeunes est également problématique et les classes des centres de formation des apprentis sont parfois loin d'être complètes.
Réciproquement, certains territoires, comme Mayotte, la Nouvelle Calédonie ou la Polynésie française connaissent une forte demande, se traduisant par des taux de sélectivité plus élevés.
Nous plaidons donc pour qu'une redéfinition stratégique de l'ampleur des promotions du SMA en fonction de l'évolution sociale et démographique de chaque territoire soit effectuée. Cette redéfinition pourrait utilement prévoir un redéploiement des effectifs de volontaires des zones « excédentaires » (par exemple, les départements des Antilles) vers des zones « déficitaires » (comme la Nouvelle-Calédonie, La Réunion ou Mayotte).
Nous proposons également des ajustements plus ciblés, visant à renforcer l'employabilité à long terme des jeunes volontaires du SMA. L'objectif « SMA 6000 » atteint, un nouvel horizon a été défini par la ministre des Outre-mer en février 2018, dénommé « SMA 2025 », lequel « vise à investir pour une employabilité durable au service des jeunes et des entreprises des outre-mer ». Dans ce cadre, nous proposons de revenir sur le raccourcissement des formations du SMA (les formations les plus longues étant celles connaissant le meilleur taux d'insertion) et de renforcer prioritairement le suivi des volontaires du SMA au-delà des 6 mois, et le différencier par type de formation et de débouché, afin de veiller à l'amélioration réelle de l'employabilité des stagiaires sur le long terme.