Intervention de Georges Patient

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 20 février 2019 à 9h15
Contrôle budgétaire — Service militaire adapté - communication

Photo de Georges PatientGeorges Patient, rapporteur spécial :

Je m'associe pleinement aux observations de mon collègue Nuihau Laurey ; le SMA constitue indéniablement un dispositif pertinent, efficace et particulièrement utile au développement des outre-mer, même si des évolutions devront y être apportées dans les années avenir, s'agissant, notamment, du redimensionnement des unités au regard des besoins de chaque territoire d'outre-mer.

Le service militaire adapté inscrit son action dans un contexte particulier, marqué par un ensemble de difficultés socio-économiques qu'il me semble important de rappeler. Les outre-mer connaissent une situation économique et sociale très défavorable par rapport à la métropole. Cette situation est particulièrement sensible s'agissant des jeunes. Le taux de chômage des 15-24 ans est ainsi supérieur à 50 % dans les départements d'outre-mer et atteignait près de 58 % en Guadeloupe contre 23,7 % en métropole en 2016. Réciproquement, le taux d'emploi des 15-24 ans était en moyenne deux fois inférieur en outre-mer à celui de la métropole (28,4 %). Le niveau d'éducation constitue par ailleurs un problème endémique. En 2014, le taux d'illettrisme s'élevait à 19,2 % en moyenne dans les départements d'outre-mer, contre 3,5 % pour l'Hexagone.

Le SMA se distingue par son mode de recrutement « par le bas », qui vise à sélectionner les profils les plus éloignés de l'emploi. Le respect de ce principe se matérialise principalement par la forte proportion de non diplômés (personnes qui n'ont pas le brevet des collèges), qui représentent près d'un tiers des promotions, et des personnes en situation d'illettrisme, qui représentaient en 2016 37,8% des volontaires stagiaires accueillis.

Les bons chiffres de l'insertion qui vous ont été présentés par mon collègue Nuihau Laurey doivent être rapprochés de ce contexte particulièrement difficile. Il est clair qu'eu égard à l'environnement socio-économique dans lequel il intervient, le SMA est efficace et indispensable.

Comme l'a indiqué Nuihau Laurey, la comparaison avec les dispositifs similaires (service militaire volontaire, apprentissage, Epide) est rendue particulièrement complexe par la spécificité du SMA, qui accueille un public particulièrement éloigné de l'emploi et qui doit faire face à des charges majorées en raison des spécificités des outre-mer. Le coût du SMA doit être comparé au « coût social évité », c'est-à-dire le coût de la non-intervention. Ce dernier regroupe ainsi les aides en faveur des jeunes (aides sociales comme l'ALS-APL, la CMU, le RSA...), les aides à l'emploi (emplois d'avenir, contrats en alternance...) et les domaines dans lesquels le SMA permet de réduire les externalités négatives (lutte contre l'illettrisme, contre les addictions ou encore contre la délinquance). Au total, selon une évaluation demandée en 2014 par le ministère des outre-mer et réalisée par un cabinet de conseil, le fait d'investir fortement dans une année de SMA pour un jeune génère en fait une économie dès la cinquième année, chiffrée à 26,5 millions d'euros pour une cohorte de 6 000 bénéficiaires. Le SMA constitue donc incontestablement un « investissement » judicieux pour les pouvoirs publics.

Le SMA a connu une importante augmentation de ses financements depuis 2010, dans le cadre de « SMA 6 000 », de 60 %. L'évolution est toutefois contrastée en fonction des types de dépenses. Ainsi, depuis 2014, les dépenses de personnel sont restées quasiment stables (+ 2 %), tandis que les dépenses d'investissement ont connu une baisse de 41 %. Ces évolutions mettent en évidence un réel risque d'effet d'éviction des dépenses de fonctionnement et d'investissement lié à l'augmentation des effectifs, potentiellement préjudiciable à la qualité des formations dispensées par les unités. Un important besoin d'investissement subsiste en effet, qui concerne prioritairement la fonction hébergement. Un effort en la matière apparaît indispensable dans les prochaines années.

En plus d'une baisse de la part des dépenses d'investissement dans le budget du SMA, la mise en oeuvre de « SMA 6000 » a entrainé une importante mise sous tension des effectifs encadrants, qui rassemblent des cadres militaires provenant du ministère des Armées et des formateurs issus pour la plupart du monde civil. Le taux d'encadrement, qui s'élevait à 25 % en 2010, a connu une baisse de 10 points sur la période 2010-2017, et ne s'élevait plus qu'à 14,9 % en 2017. Ces quatre dernières années, cette baisse a concerné l'ensemble des unités, à l'exception de La Réunion, dont le taux d'encadrement est resté stable. De l'avis général, les taux d'encadrement du SMA ont aujourd'hui atteint un niveau plancher, susceptible de mettre en péril ses résultats et la sécurité de ses activités. Nous pensons qu'une hausse du nombre de personnels encadrants constitue un impératif absolu.

Enfin, il nous paraissait important d'évoquer la nature des relations qui pourront exister entre le SMA et le futur service national universel (SNU). Des différences importantes distinguent le futur SNU du SMA, tant dans son objet que ses modalités. Le SMA est un dispositif militaire d'insertion socioprofessionnelle, pour les jeunes éloignés de l'emploi, tandis que le SNU vise, selon le Gouvernement, à renforcer « la cohésion sociale et nationale, la prise de conscience des enjeux de la défense et de la sécurité nationale et l'affirmation des valeurs de solidarité ». Si nous pensons que le SMA, qui fonctionne bien, doit préserver sa spécificité, il apparait clairement que des synergies pourront utilement être trouvées (découverte du SMA en phase I du SNU, mutualisation des encadrants, etc.).

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