Intervention de Albéric de Montgolfier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 20 février 2019 à 9h15
Dette des entités publiques — Audition pour suite à donner à l'enquête de la cour des comptes

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur général :

Je ne sais s'il est rassurant ou inquiétant de vous entendre. C'est à la fois rassurant puisque la gestion de la dette est maîtrisée, mais aussi inquiétant du fait du stock de dette.

En 2017, j'avais présenté un rapport sur la dette publique. À l'époque, on parlait des 100 % de dette par rapport au PIB comme d'une barre presque inatteignable. On y est presque ! Quant au stock de dette de l'État, on a relativement peu d'espoir. C'est la raison pour laquelle l'actualité nous a incités à demander cette enquête à la Cour des comptes.

Trois types d'interrogations ont motivé le choix de ce sujet. La première question portait sur le périmètre de la dette elle-même. Y a-t-il concrètement des changements de périmètre ? Sont-ils bien appréhendés ?

Vous avez abordé largement le deuxième sujet, celui des risques, notamment la remontée des taux d'intérêt.

La troisième question, qui intéresse évidemment particulièrement la commission des finances, c'est celle de l'information du Parlement, mais également de tous les organes qui peuvent s'intéresser à ce sujet.

Un certain nombre de changements de périmètre ont eu lieu dans les périodes récentes. La Cour des comptes les évalue à environ 3 points de PIB, notamment pour ce qui concerne l'impact des différents changements de périmètre comptable intervenus entre 2011 et 2017. Vous vous souvenez des débats parfois très techniques sur l'intégration ou non de la dette de SNCF Réseau. Les collectivités territoriales sont peu concernées. Vous évoquez les risques que peuvent rencontrer les bailleurs sociaux, que vous considérez comme très faibles. En effet, lorsqu'on examine les garanties mises en oeuvre, c'est finalement relativement marginal.

Cependant une question demeure quant au recensement du hors-bilan. Le sujet est celui de la dette de l'État. J'ai donc une question à poser à Mme Verdier, ainsi qu'à M. Ascoli, pour savoir si des projets de reclassification ou de changement de méthodes pourraient peser sur le niveau d'endettement de la dette française. Certains sujets comme celui de la SNCF pourraient en effet présenter un risque pour le niveau d'endettement français.

Je pense en particulier à l'Agence française de développement (AFD). Eurostat a émis des réserves dans un communiqué du 23 avril 2018, estimant que l'AFD devait être reclassée au sein des administrations publiques. Cette réserve a été levée dans un autre communiqué du 22 octobre 2018. Quelle en est la raison ? Les explications ont-elles été suffisamment convaincantes ? S'agit-il de raisons techniques ? Il existe des interrogations à ce sujet et des échanges ont lieu avec l'Insee, comme ceux concernant le traitement des organismes d'HLM. M. Ascoli peut-il nous éclairer sur ce point ?

La question soulevée par la Cour des comptes de la transparence des discussions relatives au périmètre de la dette publique se pose également. Ce sont des débats parfois très techniques, mais qui ont une incidence directe sur l'appréciation de notre dette. Certains États sont-ils plus transparents que d'autres ? Ont-ils mis en place des procédures permettant notamment au Parlement de mieux anticiper ces modifications de périmètre ? Eurostat pourrait-il publier des informations sur les raisons qui l'amènent à lever des réserves sur le périmètre de la dette d'un État membre ?

La deuxième question est celle des risques. Les règles de gouvernance et de pilotage permettent-elles de maîtriser les risques ? Ce qui nous inquiète notamment, c'est le risque de remontée des taux d'intérêt, même s'il est relativement faible à courte échéance. En outre, on peut estimer, si la remontée des taux était liée à celle de l'inflation ou de la croissance, qu'il y aurait également une remontée des recettes publiques. Ceci est-il pris en compte dans les simulations de la Cour ? L'Agence France Trésor affirme que l'effet total sur le solde public dans ce cas pourrait même avoir un effet positif, malgré l'alourdissement de la charge de la dette. A-t-on bien mesuré ce risque de remontée des taux et ses conséquences sur l'accroissement de nos recettes ? Cela ne conduit-il pas à le relativiser ? Les risques identifiés concernant la liquidité de la dette de l'État sont moindres.

Vous vous interrogez aussi sur la dette des administrations publiques locales et on peut se féliciter que celles-ci soient soumises à moins de risques que par le passé. Vous avez également évoqué la question des emprunts toxiques, qui sont largement derrière nous.

En revanche, il existe une interrogation sur l'Acoss et sur l'Unédic. Je me tourne donc vers Mme la directrice de la sécurité sociale. La Cour des comptes a souligné le montant élevé de la dette de l'Unédic, qui pourrait d'ailleurs s'aggraver en fonction de la conjoncture. Partagez-vous le point de vue de la Cour ? Ensuite, une partie de la dette de l'Acoss est transférée à la CADES. Alain Joyandet, dans l'avis qu'il a rendu sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, avait souligné les divergences des différentes estimations sur le montant de la dette résiduelle de l'Acoss. Avez-vous des éléments sur ce montant et sur les risques qui y sont associés ?

Par ailleurs, la Cour des comptes propose de faciliter la gestion technique des dettes portées par les différents organismes, en permettant à l'Agence France Trésor de réaliser l'exécution des programmes d'émission, comme c'est déjà le cas pour la CADES. Pourriez-vous, monsieur Requin, dresser un premier bilan de la convention de mandat confiant la gestion de la dette de la CADES à l'Agence France Trésor ?

Il existe des informations nombreuses destinées au Parlement et aux assemblées locales. Sont-elles suffisantes ? Elles sont parfois difficiles à lire. Un seul scénario est abordé au titre des risques budgétaires. La direction du budget ou l'Agence France Trésor pourraient-elles nous apporter un éclairage à ce sujet ? Pourquoi le Gouvernement a-t-il souhaité augmenter l'encours de la dette à court terme de 15 milliards d'euros ? Ce choix ne risque-t-il pas d'accroître l'exposition au risque de taux, dans l'hypothèse où le refinancement de ces emprunts aurait lieu après un début de remontée des taux ?

La Cour des comptes propose de mettre en place un objectif de dépenses englobant l'ensemble des administrations publiques. Est-il vraiment utile d'introduire de nouvelles règles budgétaires nationales, alors qu'il existe déjà un corpus de règles européennes très complexe ? Quel est le point de vue de la direction du budget sur cette proposition ?

On reçoit parfois des leçons de certains ministres en matière de gestion des collectivités locales. Rappelons que la dette publique est à 80 % une dette de l'État, et que la situation des collectivités locales s'est plutôt améliorée. Le stock de dette est pour moi moins inquiétant que la comparaison avec les autres États européens sur le déficit. Tous les autres États se désendettent car ils ont réduit plus rapidement leur déficit. Selon les prévisions du FMI, le différentiel de charge d'intérêts avec l'Allemagne sera en 2022, de mémoire, de 34 milliards d'euros. Avec une telle somme, on pourrait faire beaucoup de choses. C'est un élément d'éclairage dans les débats qui traversent actuellement notre société.

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