Je voudrais tout d'abord saluer le rapport de la Cour des comptes et la qualité des échanges que nous avons eus avec les rapporteurs. Nous partageons la plupart de leurs constats.
Deux remarques générales sur notre trajectoire d'endettement. En premier lieu, nous sommes en voie de stabilisation du ratio de dette rapportée au PIB, résultat d'un effort constant engagé depuis 2009 en faveur de la réduction du déficit budgétaire.
En second lieu, nous accusons un certain retard vis-à-vis d'un certain nombre de pays européens. Nous sommes dans une situation sensible, car nous nous situons à notre point d'inflexion. Nous avons stabilisé le ratio de dette sur PIB et, si nous maintenons nos efforts, nous pouvons entamer une trajectoire descendante. C'est un moment qu'observent attentivement les agences de notation et les investisseurs.
Les agences de notation reprochent à la France de ne pas être en mesure, lorsque la croissance revient, de stabiliser et d'infléchir ce ratio de dette rapportée au PIB. C'est d'ailleurs ce qui est à l'origine de la dégradation de notre qualité de crédit ces dernières années. C'est ce qui nous a manqué au cours des vingt ou trente dernières années, le stock et l'encours de dette accusant un choc à la hausse, de même que le ratio de dette sur PIB, et n'arrivant pas à être stabilisés ou infléchis en période de retour de la croissance.
Il nous appartient de démontrer que nous sommes capables de nous insérer dans un mouvement durable de réduction de ce ratio de dette sur PIB. Les décisions prises en matière de finances publiques et, au premier chef, par le Parlement, sont d'une importance cruciale pour la qualité de crédit de la France, à l'origine de laquelle se trouvent les conditions d'endettement très favorables dont nous bénéficions encore aujourd'hui.
S'agissant de la situation différenciée par sous-composantes de la dette publique, la situation de l'État apparaît effectivement plus dégradée que celle des collectivités locales ou des organismes de sécurité sociale. L'amélioration optique des composantes ASSO et APUL résulte sans aucun doute de bonnes décisions de gestion, mais aussi de choix publics et de transferts de ressources au bénéfice des collectivités locales et des administrations de sécurité sociale. Je pense par exemple à la décision de compensation des allégements généraux de charges, qui ont eu pour effet de concentrer le déficit public sur l'État. Ces choix de politique publique sont tout à fait justifiés, mais ont pour effet de concentrer sur l'État le déficit budgétaire.
L'accroissement de la taille du programme de financement de l'État est un défi pour les années à venir. Nous allons avoir des refinancements de plus en plus importants, et si nous ne sommes pas en mesure de contrôler le déficit budgétaire à la baisse, nous rencontrerons sur les marchés des problèmes de financement de plus en plus importants.
S'agissant du rapprochement entre l'Agence France Trésor et la CADES, les équipes ont été réunies sur un même site à Bercy. On peut d'ores et déjà considérer que cette mutualisation a permis une réduction du risque opérationnel, notamment en stabilisant les équipes de la CADES transférées à l'AFT. Nous développons petit à petit la mutualisation des méthodes de travail et des outils informatiques. Nous bénéficions également de l'expérience acquise par des équipes très expérimentées et très professionnelles.
Vous avez posé une question sur l'évolution de la dette à court terme dans le cadre de la loi de finances pour 2019, en augmentation de 15 milliards d'euros, en vous interrogeant sur son explication et sur les risques qu'elle pouvait générer. Je pense que le risque de refinancement lié à cette augmentation très modérée de la dette à court terme est entièrement maîtrisé. La dette à court terme a représenté en 2010 près de 18,9 % de la dette totale de l'État. Ce montant a été progressivement réduit ces dernières années, puisqu'elle ne représente plus que 6,7 % de la dette négociable de l'État à la fin 2018.
Nous avons considérablement réduit le stock de titres d'État à court terme, les fameux Bons du Trésor français (BTF). L'encours, qui était de 200 milliards d'euros, a été ramené à 126 milliards d'euros à la fin 2017 et à 112 milliards d'euros à la fin 2018.
On se retrouve dans une situation où il nous faut conforter ce segment dans sa liquidité. La décision d'augmenter de 15 milliards d'euros la taille des encours de BTF a été également prise à cette aune. Ce n'est pas la seule explication. La deuxième explication est liée à la nature du besoin de financement pour 2019, qui est revu à la hausse, avec près de 26 milliards d'euros d'augmentation du déficit budgétaire lié à des éléments non récurrents, comme le choc de la transformation du CICE en allégements de charges pour les entreprises, qui nous conduit à devoir encourir un double coup de cette bascule du CICE en allégements généraux, ou l'effet sur le déficit public du prélèvement à la source, qui se traduit par une moindre recette fiscale pour l'État de 6 milliards d'euros.
Cet impact aurait certes pu se traduire par une augmentation du programme de financement à long terme de l'État de 26 milliards d'euros, mais cela aurait constitué un message un peu alarmiste pour le marché à propos de l'évolution des besoins de financement de l'État, alors que nous sommes en situation de consolidation budgétaire. Il nous a semblé préférable, pour cette raison, de faire financer ces éléments non récurrents par une augmentation de la dette à court terme.
La dernière question portait sur le risque de taux et le risque de refinancement. Ce risque est effectivement bien appréhendé dans notre approche budgétaire, non seulement pour 2019, mais aussi pour les années ultérieures. Nous prenons, dans le cadre de la préparation des programmes de stabilité, une hypothèse d'augmentation des taux à long terme de 75 points de base par an pour les faire converger vers 4 %.
Pour 2019, je rappelle que notre hypothèse était basée sur des taux à dix ans de 1,40 % à la fin de 2018 et de 2,15 % à la fin de 2019. Les dernières données montrent que notre taux d'endettement à dix ans est aux alentours de 0,55 %. Nous sommes effectivement prudents, et je pense que le risque de taux est parfaitement intégré dans toutes nos esquisses budgétaires, à court terme ou à moyen-long terme.