Intervention de Raoul Briet

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 20 février 2019 à 9h15
Dette des entités publiques — Audition pour suite à donner à l'enquête de la cour des comptes

Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour des comptes :

Merci de l'intérêt que manifestent ces questions. Toutes ne sont pas directement en rapport avec notre enquête.

Un certain nombre d'entre elles ont porté sur la dette publique et la dette privée. Il est exact qu'on doit également se préoccuper de cette dernière. C'est la responsabilité du Haut Conseil de stabilité financière. D'un point de vue macro-financier et macroéconomique - qui relève d'un autre registre que celui de la dette publique - il y a matière à s'inquiéter éventuellement des évolutions de la dette privée.

Quelques observations faisaient référence à la question de savoir si la dette publique est économiquement un sujet important. Vous avez cité une contribution académique d'Olivier Blanchard en début d'année. Il faut la lire en intégralité et en mesurer toute la substance. Je vous donne rendez-vous au prochain rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques. Vos questions sont légitimes et méritent d'être traitées. Nous comptons bien éclairer ce débat.

Pour répondre à M. Bocquet, ce n'est pas parce qu'il y a des éléments hors de la dette financière que la dette financière n'est pas importante, et que ce qui est hors dette financière est de même nature. Il y a inévitablement un spectre si on veut regarder les passifs ou les engagements des États. Même si des progrès restent possibles, la situation est techniquement appréhendée de façon correcte.

S'agissant de la question de M. Canévet sur les objectifs de dépenses toutes APU, ce n'est évidemment pas à la Cour des comptes de fixer cet objectif. Nous analysons les écarts par rapport aux trajectoires. Au-delà des objectifs de dépenses sectoriels, donner de la visibilité à cette exigence de maîtrise renforcée de la dépense, afficher un objectif de dépenses toutes APU en euros courants et examiner ex post la façon dont cet objectif a été ou non respecté par telle ou telle composante nous paraît participer d'une bonne pédagogie en la matière. Ce n'est évidemment pas une solution magique.

S'agissant du Haut Conseil des finances publiques, c'est une question de mandat juridique. Le mandat qui a été donné par les textes au Haut Conseil est plutôt restrictif au regard de ce qui se passe à l'étranger.

M. Dallier a posé une question concernant les emprunts garantis concernant les bailleurs sociaux. C'est un point que nous avons regardé de près. Il est traité dans le rapport. Compte tenu du fait que le modèle économique et la CGLLS excluent par principe la faillite, et au regard des éléments dont on dispose ainsi que des règles prudentielles qui existent pour l'octroi de garanties par les collectivités locales, il ne nous est pas apparu de risque significatif en la matière.

Je crois savoir, monsieur Dallier, que vous avez sollicité un rapport de la Cour des comptes sur la CGLLS. Je pense, sans préjuger de ce qui vous sera dit, que cela confortera un diagnostic de non-urgence ou de non-gravité de la situation, au regard des éléments dont nous disposons aujourd'hui

S'agissant de la certification des comptes locaux, je me suis un peu avancé, mais je signale que la Cour a remis, en application de la loi, un rapport sur sa propre vision et son propre bilan de la première étape d'expérimentation de la situation des comptes locaux au Gouvernement. Celui-ci, après avoir lui-même réalisé ses propres analyses, transmettra l'ensemble aux assemblées.

Les premiers éléments qui ressortent de ce sujet font apparaître, s'agissant de la dette financière, une situation qui ne présente pas de dangerosité ou de risques particuliers. Le diagnostic très général que j'ai pu porter est donc conforté par les premiers enseignements qu'on peut tirer de cette expérimentation de la certification.

Quant à la correction de périmètre concernant les hôpitaux, on ne parle que de 30 milliards d'euros de dettes. Il reste donc encore matière à écarts. Il faut remettre tout le monde sur la même ligne et voir quelles sont les dynamiques à périmètre donné. Je pense que cet élément ne modifie pas globalement le diagnostic d'ensemble que l'on peut porter.

Concernant la dette sociale, il faut rappeler qu'elle est dans son principe une anomalie si on corrige le fait que le cycle économique peut conduire à des évolutions. On finit par l'oublier, mais il faut le rappeler.

La capacité d'endettement et la structure de l'épargne sont de vastes sujets économiques et financiers. Il existe vraisemblablement des liens entre le niveau de la dette publique, le niveau de l'épargne et surtout sa structure si l'on considère la place qu'occupent, via l'assurance-vie, les obligations d'État et les obligations dans l'épargne financière des ménages.

S'agissant de la question de M. de Legge, une garantie d'emprunt signifie l'existence d'un risque et non la réalisation de ce risque. Ce n'est qu'en cas de réalisation du risque qu'il y a décaissement. Les garanties d'emprunt génèrent des recettes pour le budget de l'État. Il ne faut donc pas assimiler le volume global des garanties à l'équivalent d'une dette ou d'une charge. Cela ne signifie naturellement pas qu'il ne faut pas les recenser ni s'en préoccuper.

Enfin, les agences de notation constituent un élément du paysage. On sait bien qu'en matière de dette, les agences de notation sont plus pertinentes sur des entités autres que les entités souveraines, leur métier initial étant de porter une appréciation des émetteurs de marché. C'est un élément important dont les marchés et les prêteurs tiennent compte. C'est pour cela que cela interfère avec la dette publique. L'appréciation du risque souverain est un sujet particulier.

Je n'ai pas répondu à la question du volume de la dette et de son risque. On peut méditer de manière académique sur la question de la dangerosité de la dette publique. On peut aussi méditer des exemples récents, comme celui de la situation budgétaire italienne, qui s'est ajustée en application des règles européennes et des vigilances exercées par la Commission européenne, mais aussi - d'aucuns diraient surtout - en fonction de la réaction du marché, de l'élargissement du spread, et de ce que cela signifie en termes de marges de manoeuvre de la politique budgétaire.

L'exemple italien démontre qu'un niveau de dette publique, quelles que soient les considérations générales sur son caractère optimal ou non, peut mordre très directement sur les marges de manoeuvre des États en termes de politique budgétaire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion