Intervention de Frédéric Marchand

Réunion du 7 mars 2019 à 15h00
Nationalisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Frédéric MarchandFrédéric Marchand :

Cette saillie comique illustre bien le débat qui existe aujourd’hui dans notre pays s’agissant des péages acquittés et du retour pour l’État.

Concernant les réseaux autoroutiers, vous le savez, l’État a commencé à céder ses parts en 2001, la privatisation s’imposant quant à elle en 2006 face à un bilan alarmant : il s’agissait alors de faire face à 30 milliards d’euros d’endettement. Le Gouvernement déclenchait la privatisation, pour un prix d’achat de 22, 5 milliards d’euros. Il faut noter que, en 2009, un rapport de la Cour des comptes affirmait toutefois que ce prix avait été sous-évalué, non de 10 milliards d’euros comme cela nous est indiqué, mais de 1, 5 milliard d’euros au regard d’une valeur estimée à 24 milliards d’euros.

Les entreprises qui ont remporté le marché ont connu une forte augmentation de leurs profits, non seulement au travers d’une augmentation des tarifs de péage dont on nous dit qu’elle est de 20 % en dix ans sans que ces chiffres aient été vérifiés, ce qui pose question, mais également grâce à l’automatisation massive des péages, avec pour conséquence l’augmentation du montant des redevances autoroutières.

Le financement de l’Afitf, sujet sur lequel nous reviendrons dans le cadre de l’examen du projet de loi LOM, a bien évidemment été touché par cette décision avec près de 15 milliards d’euros depuis sa création en 2005 fléchés en recettes.

Le droit des sociétés concessionnaires à percevoir le péage en contrepartie de la construction, de l’extension, de l’entretien et de l’exploitation de leur réseau constitue le fondement du contrat de concession autoroutière. Ce contrat qui lie le concessionnaire et l’État, en particulier le cahier des charges qui lui est annexé, définit le cadre strict d’évolution des tarifs. Ce système contractuel est établi sur la base d’un équilibre financier, prévoyant une évolution annuelle des tarifs de péages jusqu’à la fin de la concession.

À la suite des vifs débats qui ont visé le secteur autoroutier depuis 2013, un accord a été trouvé au mois d’avril 2015 pour rééquilibrer les relations entre les concessionnaires et l’État. Cet accord s’est notamment traduit par un gel des tarifs, mais avec un report de la hausse sur les années 2019 à 2023, le versement par les sociétés d’autoroutes d’un milliard d’euros au profit de l’amélioration des infrastructures de transport du pays et la réalisation par les sociétés d’autoroutes d’un programme de plus de 3 milliards d’euros de travaux afin d’améliorer le réseau autoroutier en échange d’un allongement de la durée des concessions de deux ans et demi en moyenne, parfois de cinq ans.

Cette même année, l’Araf, créée en 2009 pour veiller au bon fonctionnement du marché ferroviaire, a vu ses missions étendues au transport interurbain et aux autoroutes sous concessions, devenant ainsi l’Arafer.

Au mois de septembre 2016, le ministre chargé des transports annonçait un nouveau plan autoroutier, qui prévoyait un milliard d’euros d’investissements dans les infrastructures autoroutières moyennant une hausse de 0, 4 % des péages entre 2018 et 2020. La mesure a été réétudiée par le Gouvernement après un avis sévère de l’Arafer.

Le projet est finalement lancé en 2018 : il s’agit d’un investissement de 700 millions d’euros, financé par une hausse tarifaire comprise entre 0, 1 % et 0, 4 %, mais aussi par les collectivités locales.

Par ailleurs, le contrat passé en 2006 avec les sociétés autoroutières ne prévoyait aucune réactualisation des tarifs. En d’autres termes, il n’y avait pas de mécanisme de régulation des tarifs : ceux-ci augmentaient en fonction de l’inflation. Sans doute faudra-t-il insister sur la nécessaire négociation des tarifs avec les sociétés autoroutières dans le cadre établi.

S’agissant de la proposition qui nous est soumise, les estimations du coût de la renationalisation immédiate des sociétés d’autoroutes oscillent entre 30 milliards et 50 milliards d’euros, sans parler des nombreux contentieux qui ne manqueraient pas d’être intentés par les sociétés autoroutières. Autant dire que, pour le budget de l’État, cela n’aurait aucun sens ; soyons réalistes.

D’ailleurs, dans le contexte du mouvement des « gilets jaunes », qui est né des contestations du coût élevé des transports, la ministre des transports a appelé les concessionnaires à des gestes commerciaux. Cependant, il s’agit d’un appel à la bonne volonté. Rien de contraignant n’a été mis en place pour le moment, mais c’est sans doute une piste qu’il ne faut pas s’interdire de creuser.

De même, la renationalisation pose aussi la question des collaborateurs du ministère de l’équipement, qui ont quitté le giron de l’État et qu’il faudrait réintégrer. Il faudrait des années pour résoudre les difficultés ainsi soulevées.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion