C’est un sujet qui suscite – à juste titre – de nombreuses interrogations, voire de la défiance chez nos concitoyens.
Le groupe Union Centriste avait proposé un débat parlementaire sur ce sujet qui, malheureusement, a dû être reporté en raison de la manifestation contre l’antisémitisme.
Voilà maintenant plus de douze ans, l’État privatisait ses autoroutes pour des concessions de trente ans en moyenne. On nous indiquait à l’époque qu’il s’agissait d’une « bonne affaire » pour l’État, donc pour le contribuable. L’ensemble des privatisations rapportait 14, 8 milliards d’euros. Or, en douze ans, les sociétés d’autoroutes ont déjà versé à leurs actionnaires 14, 9 milliards d’euros.
En 2017, l’ensemble de ces sociétés ont dégagé 73 % de marge brute ! Je serais curieux de savoir s’il existe, en France, une entreprise qui peut en faire autant.
La renationalisation proposée aujourd’hui est estimée à 50 milliards d’euros, vous l’avez souligné, madame la ministre, soit le triple de ce qu’ont rapporté les privatisations… Une bonne affaire pour le contribuable ? Certainement pas !
Où est également la bonne affaire pour les usagers de l’autoroute ?
Selon les chiffres à notre disposition, dont on ne peut pas dire qu’ils soient marqués du sceau de la transparence, le chiffre d’affaires de ces sociétés augmente beaucoup plus vite que le trafic. Son augmentation découle donc essentiellement de l’augmentation du tarif des péages.
Les usagers ont vu les prix des péages s’envoler ; les augmentations ont été plus fortes que l’inflation. L’usager a donc perdu du pouvoir d’achat. En plus, l’évolution des tarifs des péages ne semble pas prise en compte dans l’indice de l’Insee de calcul de l’inflation. Résultat, les automobilistes dépensent désormais autant en péage qu’en carburant sur un nombre de plus en plus grand de trajets.
Pourtant, si le service fourni est bon, il ne s’est pas nettement amélioré. Ce qui est certain, c’est que l’on n’a jamais construit aussi peu d’autoroutes que depuis la privatisation. Entre 2007 et 2013, seulement 167 nouveaux kilomètres ont été réalisés, alors que le réseau autoroutier s’étend sur plus de 9 000 kilomètres.
Comme s’il n’était pas suffisant de vendre la poule aux œufs d’or et de l’alimenter au détriment de l’usager, on organise ce jeu de dupe dans le dos des Français. Je veux parler ici de l’accord secret conclu en 2015 entre Mme Royal et les sociétés d’autoroutes. En contrepartie d’un pseudo-gel des tarifs pour 2015, les sociétés autoroutières ont obtenu de nouvelles hausses tarifaires jusqu’en 2032, l’engagement de l’État de compenser toute modification fiscale ou obligation nouvelle, la prolongation des concessions de deux à cinq ans.
Certes, cet accord comporte un mécanisme permettant à l’État de demander une rétrocession des surprofits, mécanisme intégré dans la loi Macron. Madame la ministre, pourquoi ce mécanisme est-il aussi facilement contourné par ces sociétés ? Sera-t-il mis en œuvre à un moment donné ? D’après mes informations, ce ne sera pas le cas. Par ailleurs, j’ai récemment interrogé le Gouvernement pour savoir si les sociétés d’autoroutes allaient faire un geste à l’égard des usagers et quelle en serait l’ampleur par rapport à l’augmentation des tarifs. J’attends toujours une réponse.
En tout cas, l’accord de 2015 est toujours officiellement secret, en attendant que le Conseil d’État ne se prononce sur le bien-fondé de sa confidentialité. Pourquoi un tel secret ? Était-ce pour cacher aux Français que, en matière d’autoroutes, leurs intérêts étaient, une fois de plus, sacrifiés au profit de ceux des sociétés d’autoroutes ?
Malgré les lourdes critiques que je viens d’énoncer, une renationalisation anticipée des autoroutes me semble juridiquement dangereuse et très lourde financièrement. Il est d’ailleurs complètement incohérent de faire supporter ce coût aux entreprises via un relèvement de l’impôt sur les sociétés : c’est là un contresens économique.
En outre, nous ne sommes pas certains que l’État serait en capacité d’assurer un entretien des autoroutes équivalent à ce qui se fait aujourd’hui. N’oublions pas que les autoroutes sont l’une des vitrines de la France et que l’État ne se révèle pas souvent bon gestionnaire.