Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans un rapport de juillet 2013 portant sur les relations entre l’État et les sociétés concessionnaires d’autoroutes, la Cour des comptes consacrait un chapitre entier à l’insuffisante régulation des hausses de tarifs. Elle relevait notamment que le décret de 1995 relatif aux péages autoroutiers ne garantissait pas une protection suffisante des intérêts du concédant et des usagers. Elle jugeait par ailleurs que l’État avait accordé aux concessionnaires de compenser par des hausses de tarifs un grand nombre d’investissements de faible ampleur, dont l’utilité pour l’usager n’était pas toujours avérée, ou qui relevaient de leurs obligations normales.
Dans un avis du 17 septembre 2014, après avoir constaté que le chiffre d’affaires des sociétés concessionnaires d’autoroutes avait augmenté beaucoup plus fortement que la progression du trafic, l’Autorité de la concurrence formulait plusieurs préconisations pour une meilleure régulation du secteur, portant notamment sur les modalités de fixation des tarifs des péages et sur une amélioration des conditions de la concurrence dans les appels d’offres pour les travaux de rénovation et d’extension du réseau.
Les articles 5 et 6 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques sont venus renforcer les prérogatives de l’Arafer sur l’ensemble de ces sujets. En effet, un mécanisme correcteur en cas de bénéfices supérieurs aux estimations a été introduit. La transparence a été améliorée avec la publication des contrats entre l’État et les sociétés d’autoroutes.
L’Arafer a publié en juillet 2018 son rapport annuel sur les marchés et les contrats passés par les sociétés concessionnaires d’autoroutes en 2017, soit la première année de pleine d’application du nouveau cadre régulatoire. Elle constate que « la majorité des achats – en montant – des sociétés concessionnaires fait aujourd’hui l’objet d’une procédure transparente et objective de mise en concurrence au bénéfice de l’ensemble des opérateurs économiques ».
Dans son rapport annuel de novembre 2018 sur la synthèse des comptes des concessions autoroutières, l’Arafer relève à propos des hausses tarifaires que : « L’effet des hausses spécifiques – liées à la compensation de la redevance domaniale ou à la compensation d’investissements supplémentaires prévus par les contrats de plan – s’est atténué sur la période. Les hausses tarifaires restent toutefois plus dynamiques que l’inflation de référence. »
Ce rappel historique illustre à quel point il est important de prévoir un cadre régulatoire précis et contraignant concomitamment à la décision de privatiser des actifs publics, d’autant plus lorsqu’ils sont en situation de monopole. Alors que l’Assemblée nationale débat en seconde lecture du projet de loi Pacte, je ne peux manquer d’attirer l’attention des députés sur le renforcement de la régulation du secteur aérien prévu aux articles 47 et 48, tels qu’ils ont été votés par le Sénat sur l’initiative du rapporteur Jean-François Husson.
Si les dispositions de l’article 48 issues des travaux de l’Assemblée nationale ont quelque peu renforcé les pouvoirs de l’État à l’occasion de la renégociation de ces contrats ou en leur absence, ceux-ci demeurent insuffisants pour faire prévaloir l’intérêt général en cas de conflit avec le futur propriétaire privé d’Aéroports de Paris. C’est pourquoi le Sénat a prévu de donner la possibilité à l’État d’adopter unilatéralement un quasi-contrat de régulation économique en cas de désaccord persistant avec ADP ou encore d’imposer à ADP la réalisation d’investissements nécessaires au respect des obligations de service public.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, à l’instar de mon groupe, je voterai contre cette proposition de loi visant à renationaliser les autoroutes. Laissons le temps faire son œuvre avant de vouloir de nouveau rebattre les cartes : le nouveau cadre régulatoire est encore bien récent. Ayons en tête cette expérience, au moment où il est envisagé de privatiser d’autres infrastructures de transport.