Intervention de Bertrand Badie

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 7 mars 2019 à 8h30
Audition de M. Bertrand Badie professeur des universités à l'institut d'études politiques de paris

Bertrand Badie, professeur des Universités à l'Institut d'études politiques de Paris :

Mon métier consiste précisément à chercher à identifier les causes des phénomènes, globales ou individuelles. C'est donc un compliment que vous m'adressez, monsieur le rapporteur, car la rigueur scientifique exige d'hésiter entre cause locale et cause globale !

Je vous rejoins sur le fait que la première vague populiste était liée à la première mondialisation : je l'ai précisé. Discutons à présent du remède, mais soyons modestes car, même en médecine, toutes les pathologies ne se guérissent pas. Or je crains que la pharmacie politique ne contienne pas encore le remède contre le populisme. Je prendrai toutefois votre balle au bond à propos de la souveraineté nationale : je crois que la notion de souveraineté a changé de sens depuis le XIXe siècle, et j'ai très peur des discours souverainistes qui considèrent la souveraineté actuelle comme au temps de Louis-Philippe.

S'il est vrai que la souveraineté nationale reste une matrice, tout l'art politique consiste à lui faire tirer les conséquences des transformations du contexte international, et ce n'est pas nouveau. Et cela n'a hélas pas été fait au moment opportun, dans les années 1960 ou 1970. Je pense qu'en France, l'homme qui a le mieux compris ce nouveau contexte est le général de Gaulle, qui avait en effet vu dès son arrivée au pouvoir que l'avenir du système international ne se jouait pas sur la pérennisation du clivage est-ouest, mais dans le rapport nord-sud. D'où sa politique arabe, son voyage en Amérique latine ou la reconnaissance de la Chine. Or ce travail n'a pas été poursuivi ! Il est tout de même extraordinaire que, pour résoudre les crises mondiales, nous ne soyons pas capables de construire un partenariat avec la Chine, qui est tout de même la puissance déterminante de l'avenir. J'ai souvenir d'une réception à l'ambassade de Chine en octobre 2017 au cours de laquelle l'ambassadeur de Chine avait salué le caractère exemplaire des relations franco-chinoises, car le président Macron, depuis son élection, s'était entretenu cinq minutes au téléphone avec le président Xi Jinping... Manière très diplomatique de dire que quelque chose ne va pas ! Bref, il aurait fallu mettre la souveraineté nationale davantage en marche - sans jeu de mots, bien sûr.

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