Intervention de Nadine Grelet-Certenais

Réunion du 13 mars 2019 à 14h30
Reconnaissance des proches aidants — Vote sur l'ensemble

Photo de Nadine Grelet-CertenaisNadine Grelet-Certenais :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui pour expliquer nos votes sur cette proposition de loi, totalement vidée de sa substance par la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale, sur demande du Gouvernement.

Cet entêtement gouvernemental nous rappelle la passe d’armes que nous avions eue sur la proposition d’augmentation des petites retraites agricoles. Notre assemblée avait alors voté cette mesure, car elle était juste et attendue par les Français.

De la même façon, mais cette fois à l’unanimité, nous avons tous soutenu en première lecture, le 25 octobre dernier, cette proposition de loi, déposée initialement par Pierre Dharréville, puis reprise par notre collègue Jocelyne Guidez, dont je tiens à saluer le travail remarquable.

C’est en effet tout l’honneur de notre assemblée que de produire des lois comme celle-ci, qui permet de répondre à la problématique sociale de premier ordre de la reconnaissance des proches aidants.

Le texte que nous avons voté voilà quelques mois présentait de très grandes avancées, telles que l’indemnisation du congé de proche aidant, la majoration de la durée d’assurance pour le calcul des droits à pension, une affiliation obligatoire à l’assurance vieillesse pour les aidants ayant interrompu leur activité professionnelle, ou encore l’ouverture du droit à la reconversion professionnelle aux aidants, que j’ai eu l’honneur de faire adopter en première lecture dans cet hémicycle.

Malgré leur pertinence et le soutien de plus de 8 millions d’aidants, toutes ces mesures ont été supprimées par la seule volonté du Gouvernement, alors même que les différentes concertations en cours sur la dépendance et les retraites identifient les mêmes solutions.

Les premiers échos de la consultation « grand âge et autonomie » indiquent en effet nettement la nécessité d’indemniser le congé de proche aidant. Mais il nous faut attendre la parution du rapport du conseiller d’État Dominique Libault, prévue pour la mi-mars, et une loi pour la fin de 2019.

Dans un récent entretien, le président de l’Association des directeurs au service des personnes âgées, l’AD-PA, résume bien l’amertume que nous éprouvons aujourd’hui : « Nous craignons que la réponse à la concertation sur le grand âge ne soit une loi dans un an, qui donnera ses effets dans deux ou trois ans. Si c’est le cas, on se sera moqué de nous… »

Devant l’urgence d’un phénomène social qui n’est pas près de s’amoindrir, en raison de la tendance démographique, le Gouvernement préfère attendre et, au mépris du travail parlementaire, refuse les solutions clefs en main que nous lui proposons.

Pour des raisons de calendrier gouvernemental, le Parlement se voit ainsi privé de son initiative jusqu’à ce que le Gouvernement daigne de nouveau le soumettre dans un projet de loi. Quelle occasion manquée, madame la secrétaire d’État, de surcroît sur une question particulièrement sensible qui concerne tous les Français !

La semaine dernière, en réunion de commission des affaires sociales, j’ai déposé, au nom du groupe socialiste, des amendements de rétablissement du texte que nous avions voté, afin de rester cohérents avec notre premier vote.

Nous regrettons profondément que ces amendements n’aient pas été adoptés pour des raisons de barguignage et de négociation. La majorité sénatoriale s’est ainsi déjugée de son vote, dans l’espoir d’un vote conforme de l’Assemblée nationale sur les quelques mesures que le Gouvernement, dans sa grande bonté, a bien voulu concéder au Sénat.

Quelle cohérence pour nos concitoyens dans l’attente de mesures concrètes et rapides ? Quelle cohérence pour nous-mêmes, mes chers collègues ?

Le Parlement sera bientôt hors-jeu dans l’élaboration de la loi, si nous n’y prenons garde. Le pragmatisme revendiqué par certains aura-t-il raison du pouvoir législatif du Parlement ? Ce cas devrait aussi interroger nos collègues députés de la majorité, dont la pusillanimité n’étonne plus. À force de loyalisme à l’égard du Gouvernement, ils en viennent à nier les causes justes, comme celle des aidants.

Que reste-t-il, au bout du compte, de cette loi ? Malgré les efforts de négociations du rapporteur, Olivier Henno, très peu d’avancées ont pu être conservées en seconde lecture.

Seuls demeurent l’article 1er, qui inscrit la conciliation de la vie personnelle et professionnelle des aidants dans le champ des négociations collectives d’entreprise, l’article 5 bis, qui entérine les pratiques existantes, en permettant à la conférence départementale des financeurs de financer des actions de soutien aux proches aidants, enfin l’article 6, réécrit, qui prévoit que l’identification du proche aidant figure au sein du dossier médical partagé de la personne aidée.

Bien qu’il soit maigre, ce texte est tout de même mieux-disant par rapport à celui qui a été transmis par l’Assemblée nationale. Et puisque nous avons l’assurance du Gouvernement qu’il convaincra les députés de la majorité de voter conforme, il nous faut obtempérer et voter ce qui peut l’être pour favoriser au plus tôt la reconnaissance des proches aidants.

Vous comprendrez, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, que l’avis favorable que nous apportons à cette proposition de loi amputée de ces mesures phares est entaché d’un ressentiment vivace.

En refusant l’indemnisation du congé de proche aidant, le Gouvernement reporte sciemment, et pour au moins deux ans, une mesure que le Parlement, conscient des enjeux de l’aidance, vous proposait sur un plateau.

Vous préférez la lenteur des petits pas pour les plus humbles et les plus en souffrance. Dont acte… Le combat continue donc pour une reconnaissance pleine et entière des proches aidants. Ils pourront compter sur le soutien indéfectible du groupe socialiste et républicain pour y parvenir.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion