Or, si nous ne devons pas oublier nos convictions, nous ne pouvons ignorer les règles du parlementarisme et de la navette, dont l’objet est de faire naître un texte consensuel entre les deux chambres.
C’est pourquoi, lorsque nous décidons de rectifier une proposition de loi transmise par l’Assemblée nationale, fût-elle d’initiative sénatoriale et adoptée à l’unanimité, il nous est impossible de camper sur nos positions.
Nous ne pouvons accepter ce choix dogmatique, ce texte répondant à des réalités familiales parfois dramatiques. Certaines personnes attendent des réponses urgentes, et le principe de réalité nous oblige. Il convient donc de trouver un texte de consensus, un équilibre entre les assemblées, si possible en accord avec le Gouvernement.
L’intérêt général doit guider notre plume. En l’occurrence, il commande d’offrir aux proches aidants des avancées majeures. J’ajoute que les mesures non reprises dans la navette font l’objet d’engagements publics du Gouvernement. J’ose croire que notre action y a participé. C’est une victoire pour le Sénat.
Dès lors, nos propositions trouveront une réalité concrète pour 8 à 11 millions de personnes, à très court terme pour celles que nous allons adopter, à moyen terme pour celles que nous avons soutenues en première lecture. On sait que les proches aidants manquent de temps pour leur propre vie. Ils prennent parfois même sur leur temps de travail pour se consacrer à la personne qu’ils accompagnent.
Non, ce texte n’est pas vide ! Je m’en explique.
L’article 1er oblige les branches à négocier sur la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle de l’aidant, une invitation pour les entreprises à mieux considérer et organiser le temps de travail des proches aidants. Cet article permet également de les rendre prioritaires au compte personnel de formation.
L’article 5 étend le relayage aux agents publics. Cela favorisera le déploiement de l’expérimentation et redonnera du temps de répit aux aidants.
L’article 5 bis permet à la conférence des financeurs d’utiliser une partie des ressources qui lui sont allouées par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, pour financer « des actions en faveur des proches aidants ».
L’article 6 ouvre un volet « aidant » sur le dossier médical partagé de l’aidé, et réciproquement. C’est ici la première fois qu’un document officiel de l’État reconnaîtra le lien existant entre aidant et aidé. Les conséquences de cette reconnaissance seront nombreuses, et les aidants auront enfin une place légitime à faire valoir face aux interlocuteurs administratifs ou de santé. On vise ici l’ensemble des aidants, salariés ou non, accompagnant des personnes malades, dépendantes ou handicapées.
Mes chers collègues, nombre d’entre vous sont revenus sur l’absence d’indemnisation du congé de proche aidant, qui visait 267 000 personnes – ce n’est pas rien ! Malgré tout, les mesures que nous allons adopter, principalement l’article 6, concerneront près de 11 millions d’aidants. C’est une reconnaissance, et tel est bien l’objet de ce texte.
Pour revenir sur les mesures manquantes, certes, l’indemnisation était remarquable. Mais, et c’est encore plus remarquable, nos initiatives seront satisfaites par les projets de loi à venir : le Gouvernement s’y est engagé, je veux y croire, et nous resterons attentifs.
Mes chers collègues, nous n’allons pas, comme ce fut le cas à de multiples reprises ces derniers mois, adopter un texte conforme transmis par l’Assemblée nationale. Nous allons voir l’Assemblée nationale adopter un texte conforme provenant du Sénat. C’est une réussite, et il faut en avoir conscience.
De cette navette parlementaire, les aidants sortent donc gagnants : ils bénéficieront de mesures immédiates et pourront se prévaloir d’engagements du Gouvernement aux effets prochains. L’intérêt général prédomine, et l’Assemblée nationale y souscrira, je n’en doute pas. Tel a toujours été le moteur de mon engagement politique. En l’occurrence, le dogme ne pourrait servir notre cause, mais l’annulerait.
C’est pourquoi, en ma qualité d’auteur de ce texte, je le voterai, comme l’ensemble de mon groupe politique, sans la moindre réserve. Je remercie également le Gouvernement de sa main tendue en seconde lecture, même si l’on peut toujours considérer qu’il ne va pas assez loin, et de son soutien en faveur d’une adoption définitive du texte à l’Assemblée nationale avant l’été prochain.
Enfin, je reprendrai ces mots poignants d’un proche aidant rencontré hier à un colloque : « Nous sommes des aimants avant d’être des aidants ! »