Intervention de Céline Brulin

Réunion du 13 mars 2019 à 14h30
Juste mesure du bénévolat dans la société française — Débat organisé à la demande du groupe union centriste

Photo de Céline BrulinCéline Brulin :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie les membres du groupe Union Centriste d’avoir souhaité mettre le sujet de la place du bénévolat dans notre société au cœur de nos débats. Nous partageons bien évidemment le constat que, dans de nombreux secteurs, des missions fondamentales sont assumées par des bénévoles et qu’il faut leur prêter la plus grande attention.

De l’entraîneur du club sportif au bénévole du soutien scolaire en passant par les sapeurs-pompiers volontaires, dans tous les aspects de nos vies quotidiennes, nous devons beaucoup à ceux qui donnent de leur temps. La vie de la cité elle-même est concernée, avec ses élus locaux qui, notamment dans les communes les plus petites, exercent leur mandat de façon quasi bénévole. Je pourrai évoquer aussi la solidarité internationale, la santé, la démocratie, la culture : tous ces domaines tiennent grâce aux 15 millions de bénévoles de notre pays qui finissent parfois par remplacer la puissance publique. Pensons par exemple aux recettes du Téléthon qui servent à financer la recherche, aux 130 millions de repas distribués par les 76 000 bénévoles des Restos du Cœur, à la Journée des oubliés des vacances organisée par le Secours populaire, qui offre le dépaysement à des milliers d’enfants le temps d’un jour. J’ai bien conscience que ma liste est bien moins exhaustive que celle qu’a dressée mon collègue dont le groupe est à l’origine de ce débat.

Oui, à côté du travail rémunéré, il y a une sphère particulière, trop souvent oubliée, qui permet à notre société de tenir et qui donne une réalité à la cohésion sociale. Ce fait doit être tout particulièrement salué lorsque certains ont pour seul modèle un monde mercantile, où tout s’achète, tout se vend, se monétise, au mépris de nos valeurs et de nos biens communs. En cela, l’originalité française, avec ses associations loi de 1901 à but non lucratif, demeure un modèle fécond à préserver et à vivifier.

Il revient, me semble-t-il, à la représentation nationale la responsabilité de soutenir et d’encourager cet engagement bénévole si essentiel, de susciter de nouvelles vocations en créant des conditions plus favorables à l’engagement, source d’épanouissement, tout en protégeant cette logique de possibles dévoiements.

Nous nous trouvons, en effet, sur ce sujet devant une double nécessité : encourager et encadrer.

La loi permet déjà une certaine valorisation de l’engagement bénévole. C’est notamment le cas avec le compte engagement citoyen, qui permet au bénévole de voir son engagement traduit dans des droits à la formation et à des congés supplémentaires. Il en va de même pour la validation des acquis de l’expérience ou la possibilité de présenter les concours de la fonction publique en troisième voie. Pour les étudiants aussi, la loi Égalité et citoyenneté a rendu possible la validation du bénévolat en crédits ECTS. Récemment, lors de l’examen de la proposition de loi en faveur de l’engagement associatif, nous avons adopté dans cette enceinte même la rémunération du congé engagement citoyen sur trois jours.

Toutes ces avancées sont à saluer, mais sans doute conviendrait-il de mieux les faire connaître, car beaucoup de ceux qui pourraient y avoir droit méconnaissent la plupart de ces dispositifs. Sans doute faudrait-il également aller plus loin pour concilier réellement engagement bénévole et vie professionnelle, par exemple en permettant la mise en place d’horaires personnalisés ou en élargissant les possibilités de congés spécifiques aux bénévoles réguliers. Il serait aussi pertinent de progresser dans la reconnaissance des acquis liés au bénévolat dans le milieu professionnel pour s’assurer que toutes les compétences développées dans ce cadre soient reconnues à leur juste valeur. De même, il y a aujourd’hui un réel besoin de formation du côté des bénévoles, lesquels devraient pouvoir compter sur la puissance publique pour être mieux accompagnés dans leurs responsabilités associatives. Autant de chantiers sur lesquels il est urgent d’avancer.

Nous devons aussi nous interroger sur le modèle de société que nous ambitionnons dans sa globalité. On constate par exemple un tassement du bénévolat parmi les seniors, alors qu’il s’accroît plutôt pour l’ensemble de la population, même si l’on aimerait qu’il augmente davantage encore. France bénévolat a émis plusieurs hypothèses pour expliquer ce phénomène, parmi lesquelles le durcissement des conditions de départ à la retraite, donc le besoin de souffler une fois l’heure de la retraite venue, ou encore la nécessité pour de plus en plus de retraités de travailler, au moins un peu, pour continuer, non pas à mettre du beurre dans les épinards, si je peux m’exprimer ainsi, mais à pouvoir manger des épinards !

Encourager l’engagement bénévole ne doit pas non plus se faire à n’importe quel prix. Les formes qui se développent à la lisière du salariat et du bénévolat doivent à ce titre susciter notre interrogation, non pour les condamner, mais pour les appréhender avec la prudence qu’elles exigent.

Je pense aux missions de service civique, qui constituent une voie intermédiaire entre bénévolat et travail salarié, pour lesquelles nous devons traquer les éventuels abus. Plus encore, je pense aux contreparties aux aides sociales récemment et très malheureusement évoquées par le Premier ministre.

Je conclus en précisant que chaque logique doit avoir sa place : le bénévolat ne peut ni ne doit remplacer le travail rémunéré ou les services publics et la solidarité que l’État doit garantir. Encourager l’engagement bénévole est une nécessité, mais lui faire porter des responsabilités qui ne lui incombent pas serait trahir son sens.

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