Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à mon tour, je remercie le groupe Union Centriste de cette initiative bienvenue.
L’État n’a plus le monopole de l’intérêt général. « Les grandes vocations se poursuivent en dehors du lieu de travail » disait déjà Camus. Des millions d’hommes, de femmes, de jeunes s’engagent chaque jour pour agir en faveur du bien commun.
En pleine effervescence, le secteur de la vie associative se professionnalise. Des cours sur l’engagement, sur l’économie sociale et solidaire sont désormais dispensés dans les plus prestigieuses écoles et universités. Le moteur essentiel de la vie associative reste le bénévolat. L’engagement bénévole a sa grandeur ; c’est un acte solennel dont on mesure difficilement la valeur en terme monétaire, un signe de courage et de générosité, une forme de promesse à soi et aux autres.
« Être homme, c’est précisément être responsable. C’est connaître la honte en face d’une misère qui ne semblait pas dépendre de soi. […] C’est sentir, en posant sa pierre, que l’on contribue à bâtir le monde » disait Saint-Exupéry.
Il s’agit non pas de changer le monde, mais de redresser une injustice locale, d’améliorer le quotidien de quelques personnes, de trouver des solutions à un problème concret. Les voies de l’engagement sont multiples, les lieux et les raisons de s’engager le sont tout autant. Leur dénominateur commun, c’est le lien social qui se tisse entre des personnes unissant leur volonté autour d’une cause commune : bâtir une école au milieu du Burkina Faso, apporter des repas à des gens qui ont faim, lutter contre la prolifération des algues vertes sur les plages de Bretagne.
Souvent, ces initiatives naissent d’idées un peu folles mises en forme sur un coin de table, fruits de la rencontre fertile entre les rêveries d’un visionnaire et l’esprit pratique d’un bâtisseur.
Comment mesurer l’apport inestimable de ces initiatives bénévoles, éloignées de toute considération monétaire, lorsque l’on peine déjà à mesurer objectivement la valeur du travail de chacun ? Nous estimons que le bénévolat représente entre 1 % et 2 % du PIB, soit l’équivalent du budget de la défense. Les sapeurs-pompiers volontaires représentent la plus grande part des effectifs mobilisables. La grande majorité des élus locaux sont bénévoles. Qu’ils soient ici remerciés de leur engagement.
Le secteur associatif est en quelque sorte le continent immergé de l’économie marchande. Si sa valeur économique est considérable, sa véritable valeur ne se quantifie pas en masse monétaire. Au-delà des statistiques, la générosité, l’honneur, le courage d’entreprendre ne se mesurent pas en chiffres agglomérés comme des grains de sable. Faut-il introduire une logique comptable dans le bénévolat ?
Ma vie de bénévole m’ayant apporté tant de joies, je suis convaincu que la plus grande vertu du bénévolat est de rendre heureux. Le bénévolat est source d’engagements désintéressés et de moments privilégiés, de reconnaissance mutuelle, de liberté, d’expression de soi. Il est une réponse à l’individualisme ambiant, au narcissisme d’une société qui se noie dans son propre reflet, à la recherche de sens et de liens.
Pour les besoins d’une étude sur le bonheur de l’école de médecine de Harvard, publiée en 2015, des scientifiques ont observé le quotidien de 724 personnes pendant 75 ans. Ils en sont venus à la conclusion suivante : loin devant la richesse et le succès, le principal ingrédient du bonheur et de la santé serait la qualité des relations humaines. Aussi, n’en déplaise à Jean-Paul Sartre, pour qui l’enfer serait les autres, l’isolement est sans doute la plus terrible épreuve qu’un être humain puisse traverser.
En œuvrant à rapprocher les hommes, la vie associative participe à la restauration du lien social, lutte contre l’isolement et l’exclusion, et permet à chacun de trouver sa place au sein de la société. Ce rapprochement, au-delà des âges, des origines géographiques, culturelles et sociales, ce goût pour l’altérité, porte en lui-même les conditions de la vie en société. En ce sens, la vie associative, consacrée dans la société française depuis la loi de 1901, est le creuset de la démocratie.
Grâce à l’implication d’une multitude de personnes, des projets jugés utopiques lors de leur lancement ont progressivement pu prendre corps, devenir réalité et améliorer le quotidien de toute une population.
Beaucoup de ces engagements sont en outre source d’innovation. N’oublions jamais que quantité de pratiques nouvelles ont été diffusées au sein de la société grâce à des initiatives bénévoles, dont certaines ont donné lieu à des lois. Ainsi la création des Restos du Cœur et la distribution de repas aux plus démunis par leurs bénévoles ont-elles permis d’apporter une réponse concrète à un besoin criant. Aujourd’hui, la loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire produit ses effets, et dans quelques mois, nous aurons l’occasion d’examiner le projet de loi pour lutter contre le gaspillage des produits invendus, annoncé par le Gouvernement.
La France ne peut se concevoir sans l’engagement de ces citoyens qui ne comptent ni leurs heures ni leur argent et qui mettent leur temps, leurs compétences et leur générosité au service de la solidarité nationale.
Mes chers collègues, le tissu associatif est une part essentielle du ciment de la République, un des derniers remparts contre l’isolement, le populisme et la montée des égoïsmes. Si l’État ne peut être partout, il doit prendre ses responsabilités pour valoriser l’action de ceux qui agissent là où il ne peut lui-même aller, sur le terrain, au plus près des besoins, notamment de nos concitoyens en situation de grande pauvreté, et des initiatives citoyennes.